Séries: la police se prépare au pire

Des partisans du Canadien en liesse, mardi soir, au Centre Bell.
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir Des partisans du Canadien en liesse, mardi soir, au Centre Bell.

Le succès que connaît le Canadien en séries éliminatoires pousse le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) à se préparer au pire. Près de 1250 policiers pourraient être mobilisés pour prévenir une émeute si la série de victoires que connaît l’équipe était appelée à se poursuivre.

 

Le Devoir a appris que la direction du SPVM a présenté aux officiers son plan d’intervention lors d’une réunion stratégique la semaine dernière, alors que le Canadien entamait la première ronde des séries, qui s’est soldée mardi par une victoire sans équivoque de l’équipe contre le Lightning de Tampa Bay. C’est dans un calme relatif que les Montréalais ont célébré l’accession de leur équipe au deuxième tour. Mais la police était prête à toute éventualité.

 

Le plan catégorise la menace posée par les partisans en liesse, les fêtards et les fauteurs de troubles qui sont inévitablement attirés au centre-ville lors des matchs éliminatoires du Canadien.

 

L’évaluation du risque (faible, modéré ou élevé) détermine le nombre de policiers qui seront appelés en renfort. En cas de menace faible, de 6 à 24 policiers sont affectés aux opérations.

 

Mais en cas de risque élevé, soit le déclenchement possible d’une émeute, le SPVM est prêt à déployer 1245 policiers, dont des patrouilleurs à vélo, des membres de l’escouade antiémeute, des enquêteurs et la cavalerie.

 

« Ultimement, on pourrait même fermer le centre-ville, aux abords du Centre Bell, et interdire toute circulation. De cette façon, on pourrait limiter le spectacle des “ chars ” renversés », affirme une source au sein du SPVM.

 

À titre de comparaison, environ 500 policiers étaient affectés à la marche annuelle contre la brutalité policière, un événement difficile à encadrer puisque les organisateurs refusent de fournir leur itinéraire.

 

Lors de la présentation, à laquelle assistaient une cinquantaine de cadres, la direction du SPVM a mis l’accent sur le « savoir-être » des policiers, un concept cher au directeur Marc Parent.

 

Le SPVM vit avec la certitude que les moindres faits et gestes de ses agents seront filmés par des passants, et disséminés sur Internet. Les conséquences sont catastrophiques pour la réputation de l’organisation, comme le rappellent les images de la policière Stéfanie Trudeau, qui avait généreusement poivré des manifestants inoffensifs lors du printemps érable.

 

« On nous a passé le message. On ne veut pas voir de niaiseries », affirme notre source.

 

Sur un pied d’alerte

 

Depuis les séries 2008, les policiers surveillent de près les succès du Canadien. À la suite de la victoire du tricolore en première ronde contre les Bruins de Boston, le 21 avril 2008, les célébrations avaient viré à l’émeute au centre-ville.

 

Des casseurs avaient vandalisé des commerces et incendié des voitures. La flotte du SPVM avait subi des dommages de quelque 500 000 $.

 

À l’époque, la direction du SPVM s’était dite surprise par la flambée de violence puisque le Canadien avait franchi la première ronde des séries seulement.

 

En 2008, le plan d’intervention prévoyait « une croissance des mesures d’intervention » en fonction de la progression du Canadien en séries.

 

Le SPVM considère maintenant que l’escalade peut survenir à tout moment, ce pour quoi les agents du renseignement surveillent quotidiennement la situation, notamment dans des points chauds que forment les bars et restaurants près du Centre Bell.

 

Pas question néanmoins de faire appliquer le règlement municipal P-6 comme lors de manifestations, a indiqué un porte-parole du SPVM. Ce règlement stipule qu’« une assemblée, un défilé ou un attroupement pour lequel le lieu ou l’itinéraire n’a pas été communiqué » est « tenu en violation ». Or, le SPVM n’a pas souhaité « inciter » qui que ce soit en annonçant à l’avance l’application du règlement, a indiqué Ian Lafrenière.

 

Le corps policier est confronté par ailleurs à des groupes qui privilégient la diversité des tactiques lors des manifestations.

 

« La multiplication des moyens de pression et le recours à différentes stratégies de perturbation par des mouvements militants radicaux obligent le Service de police à établir différents scénarios », affirme le document.

 

Le SPVM a l’intention de recourir à une tactique controversée si nécessaire : l’arrestation préventive, visant à éviter que des casseurs ou agitateurs viennent perturber le cours d’un rassemblement pacifique. Des arrestations isolées « avant, pendant et après la manifestation » seront autorisées.

 

Non au profilage

 

Le SPVM rappelle enfin à ses troupes que le profilage sous toutes ses formes, y compris le profilage social ou politique, est proscrit.

 

« Notre mission en est une de profilage criminel, basé sur des motifs raisonnables et probables », réitère le document.

 

« Le motif d’intervention ne doit pas être justifié par le simple fait que la personne arbore un signe distinctif. L’intervention doit toujours être basée sur le renseignement et l’observation », ajoute le document.

 

Le SPVM demande enfin également que le personnel respecte à la lettre les exigences déontologiques en matière d’identification. « Les agents doivent avoir leur pièce d’identification visible en tout temps, soit l’épinglette d’identification et/ou le matricule sur le casque antiémeute. En cas de non-conformité, le cadre responsable de ce policier doit corriger la situation », explique le document de présentation.


Avec Philippe Orfali

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