«Pâques est toujours synonyme de vie»

Émilie Corriveau Collaboration spéciale
Les orthodoxes ont coutume de choquer les œufs l’un contre l’autre, celui qui reste intact assurant bonne fortune à celui qui le tient.
Photo: Agence France-Presse (photo) Milan Radulovic Les orthodoxes ont coutume de choquer les œufs l’un contre l’autre, celui qui reste intact assurant bonne fortune à celui qui le tient.

Ce texte fait partie du cahier spécial Religion

Pour bien des Québécois, Pâques n’est aujourd’hui synonyme que de poules en chocolat et congé de boulot. Pourtant, chez les chrétiens, il est la célébration religieuse la plus importante au calendrier. Fêté également par les Juifs, Pâques donne lieu à toutes sortes de réjouissances à travers la planète. Examen d’une fête et de ses codes autour du monde.

Célébré depuis la nuit des temps, Pâques est une fête qui existait probablement bien avant que les Juifs ne se l’approprient. « Il s’agissait d’une fête de transhumance de printemps, c’est-à-dire une fête où les nomades se déplaçaient avec leurs troupeaux. On faisait ça à la pleine lune, parce qu’on pouvait voir la route, qu’on empruntait sans pour autant mourir de chaleur », explique M. Robert David, bibliste à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal.

 

« Au départ, ce n’était pas une fête religieuse, poursuit-il. C’était une fête familiale. Si on sacrifiait des agneaux, c’est qu’on était bergers. Ça permettait à tout le monde de se rassasier autour de l’animal symbolisant la nouveauté, la vie. »

 

Le caractère religieux de Pâque n’apparaît que plus tard, vers le Xe siècle avant Jésus-Christ, lorsque sont créés les premiers lieux de culte. La pleine lune est toujours au centre de la fête ; cette dernière est invariablement célébrée le 14 du mois de Nissan.

 

Les chrétiens, eux, n’emboîtent le pas que plusieurs centaines d’années plus tard. « À l’époque de Jésus, Pâques est depuis déjà longtemps une fête de pèlerinage importante. Il n’y a plus qu’un seul sanctuaire, et c’est à Jérusalem. Les Juifs doivent s’y rendre pour célébrer Pâque. Jésus, lui, se rend à Jérusalem pour aller confronter les autorités avec son message. Il profite du pèlerinage de Pâque, car il y a foule, et toutes les autorités politiques et religieuses y sont. Par un concours de circonstances, les chrétiens en viennent à associer la mort de Jésus à Pâque. On interprète cette mort-là dans un sens salvifique. Jésus est en quelque sorte l’agneau sacrifié », résume sommairement M. David.

 

Des traditions qui s’ancrent

 

Au cours des siècles qui suivent, divers rites émergent. Chez les catholiques, par exemple, on fixe le jour de Pâques au premier dimanche après la pleine lune qui suit le 21 mars. On prend l’habitude de baptiser les nouveau-nés lors de cette journée. « C’est quelque chose qui a pendant un moment été mis de côté, mais la tradition semble regagner en popularité », informe le bibliste.

 

Chez ces mêmes catholiques, plusieurs cessent de sonner les cloches le Jeudi saint pour symboliser la mort. Elles ne résonnent à nouveau que le dimanche de Pâques pour célébrer la résurrection. Populaire au siècle dernier, cette tradition a donné naissance à une croyance répandue : lorsque les cloches ne sonnent pas, c’est qu’elles sont parties à Rome pour être bénies par le pape.

 

« Au Québec, les plus vieux se souviennent peut-être de cela, souligne M. David. Rome était un peu le centre du monde à une époque. On gardait le silence pour la période de la mort et de la mise à tombeau. Lorsque les cloches étaient de retour de Rome, on les faisait sonner pour célébrer la vie. »

 

Si cette tradition n’est plus très courante au Québec, elle est encore respectée dans certaines régions du monde. En France, par exemple, plusieurs églises l’observent toujours.

 

Chez les orthodoxes, Pâques revêt une importance singulière. En Grèce, par exemple, de nombreuses processions parcourent les rues le Samedi saint, puis un peu avant minuit, tous se rendent à l’église. Au moment des douze coups de minuit, le pope annonce la résurrection du Christ. Les fidèles chantent et emportent quelques cierges. Le dimanche de Pâques, il est coutume que famille et amis se retrouvent autour du traditionnel agneau pascal.

 

Des oeufs…

 

En matière de rituels populaires, chez les peuples chrétiens, les similitudes sont grandes d’un pays à l’autre. « Dans la mesure où Pâques est toujours synonyme de vie, dans la plupart des cultures, on retrouve les mêmes symboles pour l’évoquer, précise M. David. Je pense notamment à l’oeuf, qui représente la vie nouvelle. »

 

Ainsi, dans nombre de civilisations, l’oeuf coloré — et désormais souvent en chocolat — occupe une grande place dans les célébrations de Pâques. En Belgique, comme en France, c’est un cadeau traditionnel offert le dimanche matin de la fête. En Russie et de façon courante chez les orthodoxes, en Grèce notamment, la décoration des oeufs de Pâques commence le Jeudi saint. Le premier oeuf peint doit l’être en rouge vif et est conservé comme porte-bonheur. Les suivants sont également peints en rouge ou décorés de motifs vifs. Il est de tradition d’en échanger avec ses proches le jour de Pâques, en se saluant par l’invocation « Christ est ressuscité ! ».

 

Les batailles d’oeufs sont aussi une coutume répandue dans les pays de tradition orthodoxe. Après être allés à l’église, lors du repas, les membres d’une même famille choisissent chacun un oeuf décoré. Deux à deux, ils choquent leurs oeufs l’un contre l’autre. Le gagnant est celui dont l’oeuf reste intact, ce dernier étant considéré comme un signe de bonne fortune.

 

Dans le même esprit, les lapins et les lièvres sont dans de nombreuses cultures — américaine, canadienne, allemande, brésilienne, etc. — utilisés pour symboliser Pâques. « L’expression dit “se multiplier comme des lapins”. Nul besoin de chercher très loin… Le lapin est une représentation populaire parce qu’il symbolise la prolifération de la vie », indique M. David.

 

C’est probablement au Texas, dans la petite ville de Fredericksburg, qu’on a la façon la plus étrange d’amalgamer Pâques et lagomorphes. Le jour de la fête, on y fait brûler de petits feux et on raconte aux enfants que c’est le lapin de Pâques qui en est responsable. On leur explique que le lapin se sert de ceux-ci pour réchauffer l’eau des teintures qu’il concocte afin de peindre ses oeufs de Pâques !

 

L’histoire remonterait aux environs de Pâques 1847, époque où des pionniers en plein processus de signature d’un traité de paix utilisèrent des signaux de fumée pour communiquer entre eux, ce qui eut pour effet d’effrayer leurs enfants. Pour les calmer, leurs mères inventèrent l’histoire du lapin teinturier. Dès l’année suivante, la population se mit à allumer volontairement de petits feux pour célébrer Pâques !

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