La maltraitance des enfants est reconnue comme un problème de santé publique
Ce texte fait partie du cahier spécial Innovation sociale
La maltraitance des enfants est en hausse depuis des années au Québec. Pour contrer ce fléau sociétal, la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance de l’Université Laval propose une approche particulière qui interpelle l’ensemble des acteurs intéressés sur un territoire donné. Perspective.
Le bilan de l’année de 2013 des directeurs provinciaux de la protection de la jeunesse (DPJ) note que, au cours des dix dernières années, le nombre de signalements retenus par les DPJ s’est accru de près de 14 %. « La maltraitance et la négligence vécues durant l’enfance laissent des traces indélébiles dans le parcours de vie de ces enfants. Il ne faut pas oublier que les premières années de vie d’un enfant sont déterminantes. Pour être capable de se développer, d’acquérir l’estime de soi, la capacité de se réaliser et la confiance, les enfants ont avant tout besoin d’un attachement sécurisé avec un adulte engagé auprès d’eux et de vivre dans un environnement stable », lit-on dans le document.
Plus loin, on y indique que l’Organisation mondiale de la santé « affirme que la maltraitance dans l’enfance altère parfois pour la vie la santé physique et mentale de ceux qui en sont victimes et, en raison de ses conséquences socioprofessionnelles, elle peut au bout du compte ralentir le développement économique et social d’un pays ».
D’autres chiffres
Autre document, autres constatations. Produite en 2012, l’enquête de l’Institut de la statistique du Québec intitulée La violence familiale dans la vie des enfants du Québec constate que 80 % des enfants ont vécu au moins un épisode d’agression psychologique, que 49 % en ont vécu trois ou plus, que 35 % des enfants ont été l’objet de violence physique mineure et 11 % l’ont été de façon répétée et, enfin, que 6 % des enfants ont subi de la violence physique sévère, ce qui comprend des conduites telles que secouer un enfant de moins de deux ans ou frapper l’enfant sur les fesses ou ailleurs avec un objet dur.
De son côté, la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance rappelle que, chaque année au Canada, plus de 145 000 enfants âgés de 0 à 17 ans sont victimes de maltraitance ou à risque élevé d’en être victimes. Ce chiffre exclut par ailleurs tous les jeunes qui sont la cible de comportements parentaux coercitifs non rapportés aux autorités. Les coûts directs et indirects de la maltraitance se chiffrent en milliards de dollars annuellement. « Ce fardeau économique considérable s’apparente à celui imposé par des problèmes de santé répandus, comme les maladies cardiovasculaires ou le diabète. »
Un partenariat multiniveaux
Tel est le contexte dans lequel baigne la chaire dirigée par Marie-Hélène Gagné, qui a pour objectif de mobiliser et soutenir un partenariat multiniveaux (provincial, régional et local) dans la planification, l’élaboration et la mise en oeuvre d’une stratégie en gradins de prévention. D’autre part, elle vise à alimenter scientifiquement cette approche par l’entremise d’une évaluation, tout en tenant compte des besoins et des ressources du milieu. « C’est reconnu comme un problème de santé publique. »
« La maltraitance peut se traduire par de la violence physique, verbale ou encore émotionnelle », ajoute Mme Gagné, dont la chaire bénéficie de l’apport d’autres spécialistes en provenance notamment de l’Université d’Ottawa, de l’UQAM, de l’Université de Montréal, de l’Université du Québec en Outaouais et de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
Parmi les partenaires de cette chaire, on note l’Association des centres jeunesse du Québec, l’Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux, les CPE, l’Institut national de santé publique et la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille. Depuis sa mise sur pied en 2012, cette chaire concentre ses travaux sur deux territoires, soit Québec et Montréal. « Nous avons décidé de favoriser une approche communautaire. La mobilisation communautaire est essentielle. Et si on cible des territoires, c’est parce que cela nous permet d’approfondir nos travaux, précise Marie-Hélène Gagné. Nous prônons une approche particulière de prévention qui interpelle l’ensemble des établissements et organismes d’un territoire donné autour des enfants. C’est qu’on s’est aperçu qu’il n’y avait pas d’établissement ayant pour mission de couvrir tous les éléments touchant la prévention. »
Nécessaire présence
La Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance comble donc un vide ? « Je pense que oui. Je ne dis pas qu’il ne se fait rien. Ce qu’on remarque par contre c’est qu’il n’y a pas d’efforts concertés. Il n’y a pas de porteur de dossier. Normalement, ce travail devrait être assuré par le CLSC, qui doit être appuyé par son Agence de santé et de services sociaux par l’entremise de sa Direction de la santé publique. Mais dans la réalité, les CLSC sont pris eux-mêmes avec des clientèles qui sont très lourdes. Ils éteignent des feux et ils manquent de ressources. Au final, on se retrouve avec un manque de leadership. Et en ce sens, je crois que, en effet, on vient combler un besoin. »
De manière concrète, Marie-Hélène Gagné fait valoir que les travaux de sa chaire ont mené à ce jour à mettre en place « ce qu’on appelle une équipe locale d’intervention. Il y a eu un gros travail de mobilisation qui a été fait. Chaque ressource du territoire a été rencontrée individuellement et a été mise au fait de la manière que l’on compte procéder. On sent vraiment un enthousiasme sur le terrain. Notre plan de formation est prêt. Il sera donné à l’automne prochain, et dès janvier 2015, on sera en mesure d’intervenir auprès des parents avec une approche en gradins. »
Collaborateur
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