Mesures d’urgence!

Ce texte fait partie du cahier spécial Innovation sociale
Deux visions du monde se confrontent. D’un côté, l’avenir serait meilleur quand il y aurait accumulation de richesse, quitte à ce qu’elle soit alors distribuée dans les mains d’un petit nombre. De l’autre, le monde sera meilleur s’il y a distribution équitable de cette même richesse. Et qui décidera de la voie à suivre? Des gouvernements dont la marge de manœuvre tant financière que politique est de plus en plus congrue? Des individus qui au mot profit préfèrent celui de partage? Le monde de l’innovation sociale en parle: il tient colloque.
Souvenez-vous. C’était l’an dernier. Et le débat perdurait aux États-Unis depuis qu’un Obama avait décidé d’intervenir dans le monde de la santé en proposant un régime d’assurance qui n’était en rien comparable à celui qui est le nôtre au Québec. Et une « guerre froide » a eu lieu : mesure « communiste » et ainsi de suite dans les propos, au pays de ce George W. Bush qui voulut longtemps, en ses jours de règne, abolir les programmes fédéraux de retraite : les employés n’auraient-ils point eu alors la chance de « jouer » leur avenir en Bourse et ainsi faire fortune ? (La débâcle financière qui a suivi, celle de 2008, a mis à mal la poursuite d’une telle aventure !)
Nous connaissons l’état de notre monde : les finances publiques sont en mauvais état et, discours du budget après discours du budget, les mêmes rengaines se font entendre : on a toujours pour objectif l’atteinte de l’équilibre budgétaire et, à long terme, il y aura élimination de la dette publique. Aussi faut-il couper dans les dépenses de l’État et réduire, dans la limite du possible, les services (pas trop quand même, car il n’y aura alors pas de réélection à la clé).
Inventions
Dans notre monde où l’argent semble être une denrée rare (qui le croirait toutefois, à voir les campagnes publicitaires de consommation qu’on nous assène ?), il faudrait trouver moyen de réinventer la roue économique.
Car lorsqu’on parle d’un monde meilleur, cela donne à plus d’une et d’un des idées ! Et voilà aussi que d’autres économistes font des calculs et déposent eux aussi des résultats : ainsi, une femme qui travaille est source de profit, non seulement pour son entourage immédiat, mais pour toute la société. Mais qui s’occupe alors des enfants ?
Ici, quelques rappels s’imposent, surtout quand on regarde l’organisation sociale que s’est donnée le Québec au fil des décennies. « Des innovations sociales marquantes ont changé la donne,nous dit Michel Venne, président du Réseau québécois en innovation sociale et directeur général de l’Institut du Nouveau Monde,aussi bien en petite enfance (les CPE), dans l’insertion au travail des jeunes (les CJE), la pédiatrie sociale du Dr Julien, le transport (Communauto) ou la participation citoyenne (l’INM). On a innové au Québec en matière de logement social, de justice réparatrice chez les autochtones, de persévérance scolaire (Allô prof, Fusion jeunesse), de créativité (la SAT) ou de finance solidaire (Fonds de solidarité, Fiducie du Chantier de l’économie sociale). »
Mais au moment où de telles actions avaient lieu, un mouvement contraire, celui du désengagement de l’État, avait aussi cours : il faut ainsi se souvenir que, dans ce même Québec, en année électorale, un Charest en espérance de réélection a préféré diriger un transfert fédéral de 900 millions de dollars non pas vers un programme social (ce pour quoi il était attribué), mais vers le budget de façon à accorder une diminution générale de l’impôt : mesure efficace il faut croire, car il fut porté à la tête d’un gouvernement majoritaire !
Enjeux
Pourtant, ni le budget public resserré, ni la tendance occidentale à la baisse des contributions de nature fiscale, ni le temps de parole de plus en plus accordé à un discours où l’individuel a priorité sur le collectif ne peuvent faire oublier les défis qui attendent nos sociétés. Et si le modèle traditionnel de l’État-providence ne tient plus, les grands États qui en furent les ténors, ici les Scandinaves, connaissent eux aussi des jours difficiles ; il faudra donc innover.
Écoutons donc encore le discours d’un Michel Venne, car il indiquerait une voie d’avenir. « Il est frappant de constater que les plus grands enjeux auxquels nous serons confrontés dans l’avenir sont liés à l’innovation sociale : le vieillissement de la société, les changements climatiques, l’immigration et la diversification culturelle des sociétés, les troubles de santé mentale en hausse et les inégalités sociales sont toutes des problématiques qui trouveront leur solution non pas dans l’innovation industrielle et technologique, mais dans l’innovation sociale, parce que les solutions passent par de nouvelles formes de relations humaines, de nouveaux rapports sociaux, de nouvelles politiques de répartition et d’assurance, le dialogue et la coopération. »
Invitation
À tout problème, il y aurait donc solution. Et 80 intervenants en proposeront les 3 et 4 avril prochains, quand ils répondront à l’invitation du Centre de recherche sur les innovations sociales, ce CRISES basé à l’UQAM, pour décrire comment s’opère, reprenant la thématique de la rencontre, « la transformation sociale par l’innovation sociale ».
Des universitaires, donc, des chercheurs, d’Europe certes, mais québécois en majorité, car il s’avère que le Québec a en ce domaine une démarche exemplaire.
Il restera toutefois à savoir si la classe politique saura les entendre : ce début d’avril n’est-il pas celui des derniers jours d’une campagne électorale ?
Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.