Un jugement de la Cour supérieure étend aux cyclistes plusieurs infractions prévues au Code de la route

Un cycliste de Longueuil a été condamné à payer 1000 $ d’amende pour avoir traversé cavalièrement la voie publique sur un feu rouge. Or, la décision de la Cour crée un précédant.
Photo: - Le Devoir Un cycliste de Longueuil a été condamné à payer 1000 $ d’amende pour avoir traversé cavalièrement la voie publique sur un feu rouge. Or, la décision de la Cour crée un précédant.

Un juge de la Cour supérieure a créé un précédent en condamnant pour la première fois un cycliste de Longueuil à 1000 $ d’amende pour avoir traversé cavalièrement la voie publique sur un feu rouge. La décision statue que le Code de la sécurité routière (CSR) doit être interprété de façon large, de sorte qu’un cycliste puisse aussi être passible d’une conduite « mettant en péril la sécurité ou la vie des personnes ».

 

La décision rendue par le juge Guy Cournoyer de la Cour supérieure le 5 décembre 2013 infirme la décision de la Cour municipale, qui avait reconnu le comportement périlleux du cycliste. Mais en dépit des faits incriminants présentés en Cour, révélant que le cycliste avait traversé l’intersection des rues Curé-Poirier et Sainte-Hélène en diagonale au feu rouge sur un tandem, le juge de première instance avait conclu que l’article 327 du CSR ne pouvait s’appliquer qu’aux véhicules à moteur et non aux cyclistes.

 

Une auto, un vélo, même danger ?

 

Or, le juge de la Cour supérieure en a décidé tout autrement. Selon ce dernier, l’article 327, qui fait de « la conduite ou d’une action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes » une infraction passible de 1000 à 3000 $, doit être interprété de façon beaucoup plus large, ainsi que l’ensemble des articles du CSR. Selon le juge Cournoyer, le CRS doit être analysé en vertu « la méthode moderne d’interprétation législative ».

 

« À la lecture de l’ensemble du Code, il faut conclure qu’une bicyclette est un “ véhicule ” au sens de la loi », conclut le magistrat.

 

« Si le législateur avait voulu exclure le conducteur d’une bicyclette de l’application de l’article 327 CSR, il aurait pu le faire en utilisant l’expression “ toute personne autre que le conducteur d’une bicyclette ”. Or, tel n’est pas le cas. Il n’y a donc aucune raison de croire que le législateur voulait exclure le conducteur d’une bicyclette de l’application de cet article », a-t-il tranché, condamnant le défendeur à 1000 $ d’amende.

 

En clair, le jugement élargit aux cyclistes la portée de plusieurs autres infractions prévues au Code de la route dont le libellé ne mentionne pas spécifiquement les conducteurs de vélos. Cette interprétation « large » expose dans la foulée les cyclistes à des amendes pouvant grimper jusqu’à 3000 $, au lieu des 15 à 30 $ prévus aux infractions nommément liées à la conduite à vélo.

 

Le juge s’appuie entre autres sur une vision similaire défendue dans l’affaire Lamy-Labrecque c. SAAQ, où était contestée la possibilité d’imposer à des cyclistes des points d’inaptitudes en raison d’infractions commises à bicyclette. Dans cette décision rendue en 2012, la Cour supérieure a jugé que les dispositions du CRS imputant des points d’inaptitude devaient s’appliquer aux conducteurs de bicyclettes pour les « responsabiliser sur le danger qu’ils représentent pour eux-mêmes et pour autrui sur les chemins publics ».

 

Une portée trop large

 

Si Vélo Québec applaudit au fait que des sanctions soient imposées aux cyclistes téméraires, l’organisme juge toutefois que la décision ouvre la porte à des amendes inconsidérées. « C’est une bonne chose que les cyclistes qui roulent rapidement ou qui brûlent des feux rouges reçoivent des contraventions. Mais là où on a des réserves, c’est sur le montant de l’amende ! » déplore Suzanne Lareau, la présidente-directrice générale de l’organisme.

 

Une amende de 1000 $ lui semble d’autant démesurée qu’un automobiliste ouvrant sa portière du côté intérieur de la voie publique ne risque que de recevoir un constat d’infraction de 30 $. Pour Vélo Québec, ces jugements sont la preuve que le Code de la route, totalement désuet, est mûr pour une réforme en profondeur. « Il y a des aberrations, c’est pourquoi on demande une révision depuis des années. Le CSR n’est pas assez précis et n’a pas été revu depuis 1979. Le vélo n’avait pas à l’époque la place qu’il occupe dans la mobilité urbaine », défend-elle.

 

Pas de surenchère en vue

 

À l’approche de la saison du vélo, Me Daniel Gauthier, l’avocat qui a défendu la cause pour la Ville de Longueuil, juge que cette nouvelle jurisprudence ne donne pas le feu vert à une surenchère de contraventions salées pour les cyclistes. Même s’il s’agit d’une première, la Cour a appuyé sa décision sur la dangerosité exceptionnelle du cas, croit-il. « Le juge savait fort bien que sa décision ferait jurisprudence, affirme Me Gauthier. Je ne pense pas qu’on va assister à une déferlante de contraventions. Ce qui est clair, c’est que la décision établit qu’un cycliste qui circule en sens inverse sur une grande artère peut être aussi dangereux qu’un véhicule qui roule en sens contraire. »

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