La syndicalisation améliore les conditions de vie des femmes

Ce texte fait partie du cahier spécial Journée internationale des femmes
On ne considère pas suffisamment la syndicalisation comme un élément permettant de sortir les femmes de la pauvreté et d’améliorer leurs conditions de vie, croit Denise Boucher, responsable politique de la condition féminine et troisième vice-présidente à la Confédération des syndicats nationaux (CSN). Sans oublier que les organisations syndicales luttent aussi pour les droits des travailleuses non syndiquées.
Dans son document de réflexion sur le projet de loi 60 publié en décembre dernier, la CSN déclare que de « réaffirmer encore et encore l’importance de l’égalité entre les femmes et les hommes ne règle en rien les inégalités économiques et sociales dont elles sont toujours victimes. La véritable égalité passe d’abord par l’autonomie financière et la lutte contre la pauvreté. Plus spécifiquement, en matière d’emploi, la véritable égalité passe par l’adoption de mesures concrètes comme la conciliation famille-travail, un salaire minimum décent, le droit véritable de se syndiquer, et par l’interdiction des disparités de traitement basées sur le statut d’emploi. »
Cette nécessité d’un « droit véritable de se syndiquer » fait référence ici aux grandes difficultés qui peuvent entourer un processus de syndicalisation dans certains milieux de travail. « Ce n’est pas facile de se syndiquer,constate Denise Boucher. Même si c’est un droit, et même si c’est inscrit dans les chartes, ça demeure un geste qui se fait, d’une certaine façon, dans la clandestinité. Il faut faire ça en cachette, et quand on voit les pressions et les congédiements que font certains employeurs… On l’a vu récemment avec des dépanneurs Couche-Tard, où travaillent majoritairement de jeunes femmes : toutes les pressions sont faites pour empêcher la syndicalisation. »
Il faut donc ajouter à la férocité grandissante des employeurs, résume-t-elle, le fait que la législation actuelle ne permet pas de procéder ouvertement à une syndicalisation. « Bien au contraire, et c’est extrêmement malheureux. » Car, souligne-t-elle, les travailleuses et les travailleurs qui sont syndiqués parviennent plus facilement à obtenir par la négociation des salaires intéressants, des régimes de retraite auxquels beaucoup de citoyens n’ont pas droit, ainsi que des congés familiaux et de maternité.
« Dans les premiers avis qu’a publiés le Conseil du statut de la femme à la suite de sa fondation [en 1973], on parlait déjà de la syndicalisation comme d’un des moyens pour les femmes de se sortir de la pauvreté et d’atteindre l’égalité. Rappelons que pour l’année 2013, le salaire moyen chez les personnes syndiquées était de 24,68 $ l’heure, contre 18,68 $ pour les non syndiquées. On est donc toujours autour d’un écart de six dollars. De plus, nous avons mieux réussi à travailler la question de l’équité salariale dans les milieux syndiqués que dans les milieux non syndiqués », d’ajouter Mme Boucher.
Des emplois qui disparaissent
« Vous savez qu’il y a encore des femmes qui, lorsqu’elles reviennent de leur congé de maternité pour reprendre leur emploi, se font dire que leur emploi n’existe plus. Ça, c’est dans beaucoup de milieux non syndiqués, et c’est très fréquent. »
Les jeunes femmes qui recherchent un emploi feraient même mieux, selon la syndicaliste, de ne pas indiquer qu’elles ont l’intention d’avoir des enfants, car si « c’est très valorisé pour les hommes, ça l’est beaucoup moins pour les femmes ». Et l’on comprend qu’un poste ouvert peut soudainement se refermer devant une future mère. « Et c’est encore une fois bien malheureux », de déplorer la vice-présidente de la CSN.
Elle rappelle qu’au moins, en milieu syndiqué, il existe des mécanismes permettant à une femme de faire condamner le geste d’un employeur qui lui empêcherait la reprise légitime de ses occupations. « La travailleuse est alors soutenue par une organisation qui est là pour faire reconnaître ses droits. Bien sûr, il existe aussi de bonnes organisations pour des travailleuses non syndiquées comme Au bas de l’échelle, mais les femmes utilisent très peu ces mécanismes. Plusieurs ne savent pas que cela existe, et d’autres en viennent à laisser tomber leurs démarches pour différentes raisons, notamment pour ne pas payer de frais ou pour s’occuper de leur enfant. »
Il faut souligner que les organisations syndicales se battent souvent pour le respect des droits de toutes les travailleuses, syndiquées ou non.
En témoigne une lettre ouverte publiée dans Le Devoir du 26 février sous le titre Capricieuses, les femmes enceintes ?, dans laquelle les douze signataires — dont Jean Lacharité de la CSN — demandent au gouvernement québécois de s’engager clairement à maintenir le programme.
Pour une maternité sans danger, programme découlant de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Critiqué par certains patrons, celui-ci permet à une travailleuse enceinte d’obtenir des aménagements ou une réaffectation de la part de son employeur à la suite d’un avis médical, à défaut de quoi elle peut exercer son droit au retrait préventif.
« Porter des revendications qui sont bénéfiques pour les femmes qui ne sont pas syndiquées fait partie de l’effort collectif que les organisations syndicales font quand elles décident de travailler sur un droit en particulier. La question de l’avortement et celle du registre des armes en feu en sont d’autres exemples : bien que ce ne soit pas directement dans notre champ d’activité, nos travailleuses sont également des citoyennes, et ces dossiers nous interpellent et s’inscrivent dans nos luttes. »
La CSN a également pris la rue aux côtés des étudiants au printemps 2012, comprenant par ailleurs que les dettes d’études affectent les étudiantes d’une façon particulière.
Denise Boucher s’inquiète de voir la croissance des inégalités dans notre société. Elle est très préoccupée par la situation de pauvreté dans laquelle se retrouvent des mères monoparentales qui pourtant travaillent.
« Il y a bien des gens qui ont deux ou trois emplois pour arriver à avoir un salaire convenable. Ça me préoccupe beaucoup, tout comme le fait que le gouvernement fédéral ne subventionne plus les groupes de défense des femmes. C’est assez inquiétant, car elles ont encore besoin de ces organismes-là. La montée de la droite influence particulièrement les femmes. »
« Il faut constamment faire attention à nos droits et rappeler les gouvernements à l’ordre, dans l’objectif de briser les inégalités », rappelle-t-elle, avant d’ajouter que non, l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas encore atteinte dans notre société.
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.