Le ciel à travers le filtre de la technologie
En avril 2013, Espace pour la vie inaugurait son nouveau planétarium. Les quatre institutions de l’organisme, qui comprend aussi le Biodôme, le Jardin botanique et l’Insectarium, sont maintenant rassemblées sur un même site.
Un concours international avait sélectionné la firme montréalaise Cardin-Ramirez-Julien, qui s’est associée pour l’occasion à Aedifica, SNC-Lavalin, Dupras Ledoux, ainsi qu’aux architectes paysagistes de la firme Fauteux.
L’emplacement, coincé entre le stade et l’ancien vélodrome d’un côté, le centre Pierre-Charbonneau et le complexe Starcité de l’autre, constituait un premier défi. Dans cet ensemble hétérogène, le Planétarium devait se forger une identité propre. Et puisqu’il eût été insensé de concurrencer les mastodontes olympiques, les concepteurs ont décidé de s’y blottir en jouant avec la topographie, soulevant le sol pour loger une bonne partie du programme.
Le toit du complexe se transforme alors en jardin surélevé, un espace que les citoyens se sont rapidement approprié. De ce talus émergent deux grands cônes tronqués et scintillants. Recouverts d’aluminium, ils reflètent les teintes changeantes du ciel que le visiteur s’apprête à observer et servent de signal visuel pour l’établissement.
Si l’aluminium n’était pas imposé aux architectes, son choix n’est certainement pas innocent pour le Planétarium Rio Tinto Alcan. Cette peau métallique, quoique développée ici dans une volumétrie plus simple, n’est pas sans rappeler les parements conçus par Frank Gehry à Bilbao ou par Daniel Libeskind au Musée juif de Berlin. Et, comme dans ces oeuvres, elle pose le problème de la relation entre enveloppe et structure. Car l’apparence monolithique de ces deux cônes est ici trompeuse.
Une structure complexe
Derrière leurs surfaces lisses se cache une structure complexe dont on a cru bon, avec raison sûrement, nous éviter la vue. Le choix de l’expressivité formelle se fait alors au détriment de toute poésie structurale, au risque de ne devenir qu’architecture d’apparences.
On accède au Planétarium de plain-pied par une passerelle. En contrebas, ce qui était stationnement souterrain est devenu jardin. À l’intérieur, une salle des pas perdus distribue les circulations. Le visiteur se déplace entre les deux grandes sphères qui abritent les théâtres, l’une lambrissée de bois et l’autre d’aluminium.
Les cônes, que nous aurions pu prendre de l’extérieur pour d’énormes lanterneaux, sont obstrués par les sphères enserrées de si près qu’il ne reste au visiteur qu’un mince jour pour observer le ciel. À quoi bon, alors, ces « canons à lumière » corbuséens, si transcendants au couvent de la Tourette ?
Ce jeu des formes qui se nient n’est peut-être pas ingénu. Après tout, n’est-ce pas à travers le filtre de la technologie qu’on verra le ciel ? Dans les projets du cénotaphe à Newton, de Boullée, ou du cimetière de Ledoux pour la ville de Chaux, planétariums archaïques, l’architecture liait métaphoriquement le microcosme de l’homme à l’infiniment grand.
C’est par elle que l’on contemplait la voûte céleste. Mais ces allégories sont bien loin du planétarium moderne où l’émulation technologique règne, informe et divertit. L’imposant appareil de projection optomécanique qui trône au centre d’un des théâtres le rappelle. Lorsqu’il se met en marche, nous devenons, selon notre état, infiniment frêles ou le nombril du monde.
Durabilité?
Comme l’énonçaient les règlements du concours, le Planétarium vise une certification LEED platine. Il s’agit du plus haut standard de « durabilité » émis par cet organisme, dans lequel l’industrie occupe une place prépondérante. Ce certificat, qui récompense la prouesse écologique, est décerné sur la base de critères très techniques : géothermie, récupération des eaux de pluie, etc.
Inutile de rappeler qu’un souci de l’environnement est essentiel de nos jours, mais il devrait être inhérent à l’exercice de l’architecture. En imposant à cette dernière une grille de critères normatifs, nous risquons d’accorder une place démesurée à de la plomberie sophistiquée, à une surtechnicisation coûteuse.
Alors que l’obsolescence des technologies ne fait que s’accélérer, il est peut-être temps de se demander en quoi il est « durable », dans le temps long de l’architecture, de leur donner autant d’importance.
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Espace pour la vie et les architectes Cardin, Ramirez, Julien, avec Aedifica, sont à remercier pour leur collaboration, de même que le jury permanent composé du journaliste Roland-Yves Carignan, du critique David Theodore, d’Elsa Lam (Canadian Architect), de Suzanne Paquet (Département d’histoire de l’art de l’Université de Montréal) et de Sophie Gironnay (MAQ). Les opinions exprimées ici sont uniquement celles de l’auteur.
Le texte de Camille Bédard, 26 ans, 2e prix, peut être lu sur le site maisondelarchitecture.ca.