«N’oublions pas les réfugiés syriens!»

Ce texte fait partie du cahier spécial Coopération - Février 2014
Interviewé depuis Beyrouth, Guy Des Aulniers, coopérant actif pour Développement et paix, raconte que, pas plus tard que cette semaine, il y a eu une attaque dans la banlieue sud de Beyrouth. « Et, cet après-midi, poursuit-il, j’échangeais avec notre partenaire syrien dont les bureaux d’Alep ont reçu des tirs de mortier hier soir. Heureusement, personne n’était présent lorsque c’est arrivé. » Et, plus tôt dans la journée, il a visité une famille syrienne… qui vit à 18 dans un appartement de deux pièces seulement.
« Il y a vraiment beaucoup de tensions ici, dit-il, certaines pour des raisons de politique libanaise et d’autres liées à la présence des réfugiés syriens. Tout est si difficile… »
Une aide de plus en plus vitale
Développement et paix est l’organe de solidarité internationale de l’Église catholique canadienne qui oeuvre au Moyen-Orient depuis sa création, en 1967. Actuellement, il apporte de l’aide aux réfugiés syriens en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Turquie. Ces derniers mois, l’organisme a recueilli 2,4 millions de dollars auprès des Canadiens afin de financer ces secours d’urgence.
« Avec Caritas Liban et Caritas Jordanie, nous offrons aux réfugiés une assistance médicale, dont des soins de première et de deuxième lignes, rapporte Guy Des Aulniers. Les Caritas offrent également, dans la mesure du possible, un peu d’argent pour payer le loyer, des coupons pour acheter de la nourriture, etc. »
Et, pour ajouter à la complexité de la situation, il souligne qu’il ne faut pas non plus négliger les démunis locaux. « Imaginez si nous offrons des soins médicaux gratuits aux réfugiés mais pas aux Libanais ou aux Jordaniens tout aussi démunis, dit-il. Par conséquent, afin de favoriser une bonne cohabitation, on inclut dans nos actions un pourcentage de Libanais et de Jordaniens parmi les plus vulnérables. »
En outre, Développement et paix soutient tant bien que mal les populations déplacées au sein même de la Syrie. « On a d’importants programmes d’assistance, notamment pour la protection contre l’hiver, indique le coopérant. On fournit des chaufferettes, des couvertures chaudes et d’autres moyens aux réfugiés en Syrie afin qu’ils puissent se garder au chaud. On leur procure également des soins médicaux et de la nourriture dans différentes régions de la Syrie, à la fois dans les territoires occupés par le gouvernement et dans ceux occupés par les différentes oppositions. »
Par contre, poursuit-il, personne de l’extérieur n’a vraiment accès à la Syrie… sauf quelques braves Syriens. « Ceux-ci nous disent que la situation est vraiment de plus en plus intenable. Les gens ont vraiment épuisé tous leurs moyens de survie et ils sont dans des situations extrêmement difficiles. »
Le coopérant constate d’ailleurs le même phénomène auprès des réfugiés au Liban et en Jordanie. Au début de la guerre, raconte-t-il, la plupart de ceux-ci arrivaient avec un peu d’économies. « Mais ces économies ont fondu, de sorte que leur vie devient de plus en plus difficile… Souvent, les familles vivent à plusieurs dans de petits logements, alors qu’une seule personne réussit à gagner un peu d’argent grâce à un petit boulot. »
Guy Des Aulniers constate en outre un changement significatif dans la nature des soins que requièrent les réfugiés. « Au début, on observait beaucoup de maladies liées à des conditions d’hygiène, puisque les gens vivaient dans des conditions insalubres, rapporte-t-il. Par contre, ce qui apparaît maintenant de plus en plus fréquemment chez les réfugiés qui sont là depuis deux ou trois ans, ce sont des maladies chroniques liées au stress, parce que les gens vivent sous une très grande pression. Ils n’ont plus d’argent, pas de boulot… Ils ont donc de plus en plus besoin d’une aide psychologique. »
En route vers la paix?
Comment le chargé de programmes pour la Syrie voit-il l’avenir ? « Oh mon Dieu, ça, c’est une question difficile !, lance-t-il, presque découragé. Les gens avec qui je parle sont souvent très pessimistes quant à l’avenir et ils ont peu confiance dans les négociations actuelles, résume M. Des Aulniers. Pourtant, c’est bien là la solution : il faut s’asseoir à la même table pour trouver une solution négociée à ce conflit. On ne pourra pas y parvenir autrement puisque, de toute évidence, personne ne sera en mesure de remporter une victoire militaire. »
Il faut aussi que, de l’extérieur, on cesse d’approvisionner en armes les différents camps, ajoute Guy Des Aulniers. « Il faut en fait que toute l’énergie déployée soit mise à trouver une solution pacifique, puisque c’est toute la région qui risque de s’embraser à cause de cette situation. »
Mais il admet sans peine que la crise va durer longtemps. « Voilà pourquoi il ne faut pas oublier les Syriens !, insiste-t-il. Bien sûr, on a tendance à oublier la crise, mais des millions de personnes sont dans la misère et elles ont vraiment besoin de notre aide ! »
Et, un jour, la crise prendra fin, la paix reviendra — mais après combien de milliers de victimes additionnelles ? Il faudra alors que tout le monde s’engage à rebâtir la paix et à instaurer la cohabitation dans la région.
« On doit donc déjà s’investir à long terme, préconise M. Des Aulniers. Présentement, il nous faut répondre à la situation d’urgence, bien sûr, mais il faut aussi s’investir à long terme pour soutenir le processus de paix. »
Il va ensuite falloir prévoir des mesures de reconstruction de la société syrienne, poursuit-il, « et pas seulement une reconstruction physique du pays, mais bien s’assurer que tous les Syriens pourront cohabiter ensemble ».
Collaborateur
Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.