L’adoption internationale n’a plus la cote

Une relation à construire. Aurélie Laly et Julien Reny effectuent des démarches pour adopter un enfant au Québec. « C’est certain que ça soulève des questions chez nous », affirme Julien à propos du projet de loi de Québec. La mère biologique de l’enfant voudra-t-elle être présente ? Dans quelle mesure le permettre — ou comment s’en défendre ? « C’est difficile de mesurer clairement les impacts que ça peut avoir sur notre future famille, mais on a l’impression que ça risque de compliquer la relation qu’on veut construire avec notre enfant. »
Photo: - Le Devoir Une relation à construire. Aurélie Laly et Julien Reny effectuent des démarches pour adopter un enfant au Québec. « C’est certain que ça soulève des questions chez nous », affirme Julien à propos du projet de loi de Québec. La mère biologique de l’enfant voudra-t-elle être présente ? Dans quelle mesure le permettre — ou comment s’en défendre ? « C’est difficile de mesurer clairement les impacts que ça peut avoir sur notre future famille, mais on a l’impression que ça risque de compliquer la relation qu’on veut construire avec notre enfant. »

Lorsque Martine (nom fictif) a pris la décision d’adopter un enfant, à 44 ans, elle s’est d’abord tournée vers l’international. « J’étais une mère célibataire, et la Chine venait de décider qu’elle n’acceptait plus les parents célibataires. Et puis, à 44 ans, j’avais aussi dépassé la limite d’âge pour adopter. »

 

Martine a donc accepté de s’offrir en « banque mixte », c’est-à-dire de devenir une famille d’accueil dans le but d’adopter. C’est ainsi qu’elle est devenue la mère adoptive de la petite Lili, six ans, et la famille d’accueil du petit Marc, 14 mois (noms fictifs).

 

Elle n’est pas la seule à avoir renoncé à un enfant venu d’ailleurs puisque pour la première fois en 2011-2012, le nombre d’adoptions d’enfants québécois a dépassé le nombre d’adoptions internationales au Québec.

 

« Les chiffres de l’adoption internationale ont diminué, reconnaît Madeleine Bérard, la directrice du Centre de la jeunesse et de la famille Batshaw. Parce qu’il y a de plus en plus de pays qui ont signé la convention de La Haye et qui ont pris en charge leurs orphelins eux-mêmes. […] Les enfants qui sont maintenant disponibles sont des enfants qui présentent plus de problèmes, parce que les pays gardent les enfants qui sont en meilleure santé physique et psychique pour leurs résidants. »

 

Au Québec aussi, l’âge moyen des enfants adoptables augmente. D’abord, parce qu’il y a très peu de mères qui consentent désormais de leur plein gré à céder leur enfant dès la naissance, alors que c’était souvent le cas autrefois, avant que l’avortement ou la contraception ne soient des options envisageables, par exemple.

 

« Je me souviens du cas d’un petit bonhomme qui a été abandonné carrément à l’hôpital. […] Sa mère était allée accoucher à l’urgence, elle a dit : “ Je vais aller chercher ma voiture ”, et elle n’est jamais revenue », raconte Madeleine Bérard. Mais ces cas, recherchés par les parents adoptifs, sont désormais « très, très rares ». Le délai d’attente pour ce genre d’enfants peut-être de cinq, six, sept, voire dix ans. Autant dire une éternité.

 

Des adoptions de plus en plus tardives

 

Mais cette situation est aussi générée parce que la Direction de la protection de la jeunesse a désormais le devoir de promouvoir de son mieux le lien de l’enfant avec son parent d’origine, avant d’en arriver à la nécessité de le faire adopter.

 

Or, pour qu’un enfant soit légalement admissible à l’adoption, il faut qu’il n’ait eu aucun contact avec son parent d’origine pendant plus de six mois. Et ce rapport peut aller d’un simple accompagnement lors d’une visite médicale à une petite contribution parentale au sens de la loi.

 

« Le gros de nos dossiers pour l’adoption locale sont des enfants qui ont été signalés à la Protection de la jeunesse en gros risque d’instabilité et de discontinuité, et dont on constate, malgré nos efforts, que le parent n’est pas capable ou ne veut pas assumer ses responsabilités », dit Madeleine Bérard.

 

Reste que l’adoption est le recours ultime de la Protection de la jeunesse. Bien des parents infertiles qui souhaitent élever des enfants doivent donc se résigner à se proposer comme « banque mixte » avec une possibilité d’adopter si les conditions sont réunies.

 

« Il y a des familles d’accueil qui sont prêtes à courir le risque de s’attacher à un enfant en espérant l’adopter, mais en se disant aussi que si le parent peut le reprendre, tant mieux, il retournera chez le parent », dit Madeleine Bérard.

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