Les centres de femmes sont une réponse féministe à l’isolement
Ce texte fait partie du cahier spécial Action communautaire
Au Québec, on trouve aujourd’hui près d’une centaine de centres de femmes. Issus du féminisme des années 1970 et fondés pour la plupart au début des années 1980, ils sont toujours en activité et d’actualité, trente ans après leur création.
Entièrement gérés par des femmes, les centres de femmes sont fondés sur une approche féministe et visent l’amélioration des conditions de vie des femmes. Leur mandat est triple : ils doivent offrir divers services, organiser des activités éducatives et proposer des actions collectives pour promouvoir l’égalité des femmes ainsi que la justice sociale. Si, selon le milieu où ils sont implantés, ces centres répondent à une kyrielle de besoins différents, ils ont en commun de soutenir des femmes qui, autrement, se trouveraient isolées.
Dès 1975
Premier établissement du genre à avoir vu le jour dans la région de la Capitale-nationale, le Centre-femmes d’Aujourd’hui, situé à Sainte-Foy, a été créé en 1975. Si, à l’époque, il constituait surtout une solution de rechange aux maisons d’hébergement, aujourd’hui, son mandat s’est beaucoup élargi. « Nous avons trois axes d’intervention : violence, santé des femmes et lutte contre la pauvreté et l’appauvrissement. Nos participantes ont en moyenne plus de 55 ans ; ça oriente beaucoup nos activités », explique Isabelle Boily, coordonnatrice du centre.
Incidemment, le vieillissement, l’isolement, la pauvreté et le logement sont au coeur des préoccupations quotidiennes du Centre-femmes d’Aujourd’hui. « La peur de vieillir seule et pauvre, poursuit Mme Boily, c’est extrêmement présent. Les femmes ont peur d’être malades, d’être exploitées par la famille ou l’entourage, de perdre leurs moyens… On fait beaucoup d’activités en ce sens. »
Par exemple, le Centre offre cet automne un atelier intitulé « Ma vie de femme ». S’adressant aux participantes qui ont le désir de raconter leur histoire, cet atelier vise à faire réfléchir les femmes sur leur parcours. Au terme de l’activité, qui s’échelonnera sur plusieurs semaines, un recueil rassemblant tous les récits sera constitué.
Dans le même esprit, chaque semaine, le centre offre des ateliers sur toutes sortes de thèmes, de la plomberie à l’économie en passant par la fabrication de cartes de Noël. Également, il propose des activités de cuisine collective ainsi que des ateliers créatifs pour permettre aux femmes dotées de talents artistiques de s’exprimer par le biais d’activités comme la broderie, le tricot ou la joaillerie. Le dimanche, histoire de favoriser la socialisation, il organise un brunch où on traite surtout de sujets légers.
« Les dimanches, ce sont surtout des femmes plus isolées et plus démunies financièrement qui viennent manger avec nous. Ce ne sont pas les mêmes participantes qui fréquentent les groupes d’écriture, par exemple. On répond à d’autres besoins avec le brunch. Pour elles, ce repas-là, c’est quelque chose d’important », précise Mme Boily.
Autre région, autre réalité
Du côté du Centre d’éducation La Marie-Debout, situé à l’angle des rues Sainte-Catherine et Jeanne-d’Arc, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve de Montréal, la réalité est quelque peu différente. Comme c’est le cas à Québec, l’établissement montréalais se veut un milieu de vie où les femmes se rejoignent pour briser l’isolement et mettre en commun leurs expériences. Toutefois, les participantes qui le fréquentent vivent certaines problématiques différentes.
« La majorité de nos participantes ont entre 40 et 80 ans. Ce sont des femmes qui vivent seules pour la plupart. Leur niveau d’éducation est varié ; certaines sont sous-scolarisées, d’autres ont eu une carrière mais sont à la retraite. Ça, c’est assez commun dans les centres de femmes. Ce qui est particulier chez nous, c’est que, étant donné notre situation géographique, nous sommes quotidiennement confrontées à la prostitution », explique Fabienne Mathieu, de La Marie-Debout.
Alors que, il n’y a pas si longtemps, les travailleuses du sexe n’osaient s’adresser au centre pour répondre à leurs besoins - souvent primaires - et y chercher du soutien, depuis quelques années, elles sont de plus en plus nombreuses à frapper aux portes de l’établissement.
« Au départ, cela a créé toute une commotion. Il faut bien comprendre que notre mission, c’est d’être un centre ouvert à toutes les femmes, peu importe l’origine, l’orientation, la langue, le travail, etc. Il a fallu trouver une façon pour que toutes les participantes, prostituées ou non, puissent se côtoyer sans malaise. On a entamé une démarche et on s’est aperçu que plusieurs femmes étaient freinées par leurs peurs et leur méconnaissance du milieu. On a donc demandé aux participantes de nommer leurs peurs et on a répondu à leurs besoins. Une fois que cela a été fait, on s’est mis à travailler sur la compréhension de la réalité des travailleuses du sexe. Cela a beaucoup aidé », souligne Mme Mathieu.
Rejoindre les immigrantes
Si les centres de femmes ne vivent pas tous les mêmes réalités à travers la province, sauf rare exception, ceux-ci doivent tous conjuguer avec une problématique de plus en plus présente, celle de l’ouverture aux immigrantes.
« Nos participantes, ce sont pour la plupart des francophones et des Québécoises de souche. On constate que, autour de nous, il y a de plus en plus de femmes immigrantes, mais nous ne parvenons pas encore à les joindre », révèle Mme Mathieu.
Du côté de Québec, on pose le même constat : « Au cours de la dernière année, on s’est beaucoup questionné sur l’accessibilité de notre centre, affirme Mme Boily. On s’est rendu compte qu’il nous restait du travail à faire de ce côté, particulièrement en ce qui a trait à l’accessibilité pour les femmes immigrantes. Nos portes leur sont ouvertes, ça, c’est sûr. Mais, si elles ne viennent pas, peut-on réellement dire que nous leur sommes accessibles ? C’est un questionnement qui nous préoccupe », indique Mme Boily.
Parmi les raisons susceptibles d’expliquer la situation, notons que, à leur arrivée, les immigrantes sont généralement dirigées vers des groupes d’accueil plutôt que vers des centres de femmes, même si ceux-ci sont susceptibles de répondre à certains de leurs besoins. La crainte de ne pas être comprise peut également être un facteur freinant pour les immigrantes.
« Ça fait partie des défis d’avenir, note Mme Mathieu. On va devoir réfléchir aux façons de créer des ponts avec les communautés d’accueil pour que les immigrantes puissent aussi fréquenter les centres de femmes. On va devoir trouver des moyens pour qu’elles s’y sentent bien et qu’elles puissent réellement s’intégrer aux groupes de participantes. Dans le contexte actuel, avec tout le débat sur la Charte des valeurs, je crois qu’il s’agit d’une question sur laquelle on doit absolument se pencher. »
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