Enfance - «Nous faisons une différence dans la vie des enfants»

Ce texte fait partie du cahier spécial Action communautaire
Qu’ils luttent contre le décrochage ou qu’ils préviennent la violence, les organismes communautaires cherchent d’abord et avant tout à renforcer la confiance des enfants.
« Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse », affirme un proverbe africain. « Nous sommes la forêt », observe Odette Théberge, coordonnatrice au programme du Regroupement des organismes ESPACE du Québec (ROEQ). Les intervenants d’ESPACE se rendent dans les écoles primaires et les milieux de garde pour outiller les enfants et les aider à faire face à toutes les formes de violence, mais aussi pour sensibiliser les parents et les éducateurs. « C’est un travail de longue haleine, exécuté dans l’ombre, mais nous sommes persuadés que nous faisons une différence dans la vie des enfants », poursuit-elle.
Cette théorie des petits pas s’applique aussi au Regroupement des organismes communautaires québécois de lutte au décrochage (ROCQLD), qui soutient plus de 15 000 enfants, adolescents et parents chaque année dans douze régions de la province. « Beaucoup d’enfants finissent par décrocher silencieusement, indique Mélanie Marsolais, directrice générale par intérim du ROCQLD. Fatigués d’avoir toujours l’air de ne rien comprendre, ils ne posent plus de questions en classe. Ces mises en échec quotidiennes sont très pénibles. Nous ne cherchons pas à faire augmenter leurs notes, mais à améliorer leur rapport à l’école et à favoriser leur épanouissement. Pour ce faire, on doit gagner leur confiance et celle de leurs parents. Après, on cible de tout petits objectifs, de façon à ce que les enfants soient capables de les atteindre et accumulent ainsi des expériences d’apprentissage positives. »
Une question de confiance
Le ROEQ et le ROCQLD ont plus de 25 années d’expérience au compteur et leurs pratiques ont été validées plus d’une fois par des chercheurs universitaires. À sa façon, chacun mise sur la confiance en soi des enfants, le ROEQ, en la renforçant, et le ROCQLD, en la rebâtissant.
« On dit souvent aux enfants de ne pas accepter de bonbons d’un inconnu ou de ne pas monter dans la voiture d’un étranger, mais, ce faisant, on ne prévient que 15 % des situations de violence, rappelle Odette Théberge. Le reste du temps, ce sont des personnes connues et aimées de l’enfant qui s’en prennent à lui. Ces avertissements suscitent la peur et l’insécurité, plutôt que la confiance en soi et l’autonomie. »
Les intervenants d’ESPACE estiment que les enfants comprennent de quoi il est question quand on leur parle de violence et qu’ils sont capables de mettre en action les stratégies de défense apprises. Au cours de l’atelier, ils enseignent aux petits trois droits fondamentaux. « Ils ont le droit de se sentir en sécurité, fort intérieurement et libre », énumère Mme Théberge. Puis suivent des mises en situation pour apprendre à dire non ou à demander de l’aide, par exemple. On leur offre aussi un cours d’autodéfense, où ils apprennent à donner des coups dans les tibias et à maîtriser le kiai, le cri de combat utilisé dans les arts martiaux.
Selon Mélanie Marsolais, l’estime et la confiance en soi sont des termes qui, avec le temps, ont acquis un côté banal, voire galvaudé. « Tout part pourtant de là et on le voit au quotidien dans la lutte contre le décrochage. Un enfant qui ne va pas bien à l’école ne se sent pas compétent. Cet état d’esprit entraîne la démotivation, l’isolement et des problèmes de comportement. Certains enfants commencent à décrocher dès la troisième année du primaire. »
L’aide aux devoirs en français et en mathématiques occupe une place privilégiée dans les interventions des organismes communautaires. « Cette activité permet à nos accompagnateurs d’établir une relation avec l’enfant, explique Mme Marsolais. Ils prennent le temps qu’il faut pour lui faire vivre des réussites et pour lui démontrer qu’il est important à leurs yeux. »
Manque de financement et de reconnaissance
Mélanie Marsolais et Odette Théberge sont catégoriques : leur plus grand défi est de trouver du financement. Un peu moins de 185 000 $ sont nécessaires au ROEQ pour lui assurer un fonctionnement de base adéquat. Ses 11 organismes ESPACE ont besoin de 3,5 millions pour remplir pleinement leur mission.
« On reçoit à peine deux millions du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), qu’on répartit entre 30 organismes reconnus, se désole de son côté Mme Marsolais. En région, il y a encore trop peu d’activités de soutien scolaire financées par le gouvernement. »
La lutte contre le décrochage est pourtant une cause très populaire, en raison des appuis répétés du milieu des affaires. « Les organismes communautaires auraient pu en profiter, mais nous avons été noyés dans cette vague, affirme Mme Marsolais. Nous n’avons malheureusement pas des moyens financiers comparables à ceux de plus grandes organisations et nos actions ont moins de visibilité. »
Odette Théberge revendique elle aussi une meilleure reconnaissance des efforts de son regroupement. « Ça fait tellement longtemps que nous existons, mais beaucoup n’ont jamais entendu parler de nous, constate-t-elle. La prévention n’a jamais été quelque chose de spectaculaire… »
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