Le passage du Nord-Ouest - Le nouvel eldorado des aventuriers

Le passage du Nord-Ouest serait-il la nouvelle destination des aventuriers en quête de sensations fortes et des riches de ce monde ? Depuis l’ouverture de la voie navigable dans l’extrême nord du pays en 2007, la garde côtière canadienne note que de plus en plus de téméraires inexpérimentés s’aventurent à faire la grande traversée pour y découvrir un monde d’une beauté inouïe. Mais ces percées ne sont pas sans risque.
En ce début d’automne, il fallait déjà être muni de mitaines et d’une tuque à Kugluktuk, au Nunavut. Depuis cette communauté inuite située au-dessus du cercle polaire, il faut compter quatre jours pour parcourir 1200 kilomètres et traverser le passage du Nord-Ouest à bord du brise-glace de la garde côtière canadienne, le Louis S. St-Laurent.
En sortant sa carte de l’archipel arctique du Canada, le capitaine Marc Rothwell montre le chemin qu’il a l’intention de prendre pour se rendre à Resolute Bay, l’un des villages inuits les plus septentrionaux du pays ; une sorte de bout du monde. Oui, les eaux de l’Arctique sont encore navigables, et ce, jusqu’à la mi-octobre, même s’il faut s’attendre à heurter des glaces en cours de route.
« Depuis 2007, le passage du Nord-Ouest est généralement ouvert d’un bout à l’autre à partir de la fin d’août », indique le capitaine Rothwell, une fois le navire en marche. « Étant donné que le passage compte sept voies navigables, on n’a pas trop de misère à le traverser en brise-glace, mais ceux qui s’y aventurent en voilier ou en kayak mettent réellement leur vie en danger », dit-il. La garde côtière a d’ailleurs dû prêter main-forte à plusieurs aventuriers au cours de l’été dernier.
Au début du mois de septembre, le brise-glace Wilfrid Pelletier a notamment secouru le producteur de la série américaine Dangerous Waters, qui s’est retrouvé coincé dans les glaces en tentant de parcourir le passage du Nord-Ouest en… motomarine. Deux kayakistes de même que trois hommes à bord d’un bateau à rames ont aussi été obligés d’interrompre leur périple en plein milieu de leur traversée. La navigation dans ce coin reculé du pays est extrêmement risquée en raison des vagues, du froid et des vents forts.
« Nous savons qu’un voilier est aussi pris dans les glaces, mais nous sommes trop loin pour l’aider », reconnaît en chemin M. Rothwell, qui s’inquiète de cette hausse du nombre d’aventuriers, pour la plupart inexpérimentés, dans les eaux de l’Arctique canadien. « La garde côtière n’est pas un service de taxi ! Nous sommes là pour aider les gens en détresse, mais ça peut prendre des heures, voire des jours, avant que nous puissions les secourir. Et s’ils ont le malheur de tomber à l’eau, ils ne survivront pas plus que 20 minutes », affirme-t-il.
De quoi s’émerveiller
Un ours polaire apparaît soudainement sur un immense morceau de glace, en plein milieu de nulle part. Moment magique. Il est facile de comprendre pourquoi cette destination attire autant les aventuriers. En regardant la bête se diriger langoureusement vers l’eau, tous les passagers à bord sont béats d’émerveillement. La vie sauvage en Arctique est vraiment unique au monde. On y trouve des ours, mais aussi des morses, des buffles et des baleines boréales. Pour la première fois en 2011, une baleine boréale de l’Alaska et une autre du Groenland ont même fait connaissance en plein milieu du passage du Nord-Ouest. Mais bien avant elles, des hommes s’y sont plus d’une fois aventurés…
C’est le Norvégien Roald Amundsen qui a été le premier explorateur, en 1903, à trouver une voie maritime pour traverser le pays d’est en ouest, après trois ans d’ardus efforts. D’ici la fin de cette année, le compte des navires ayant tenté la traversée du passage du Nord-Ouest depuis ce temps atteindra 185. Depuis 2000, 109 bateaux ont réussi à traverser le passage, la plupart étant des yachts ou des voiliers. Cet été seulement, on compte déjà plus d’une trentaine d’embarcations à s’y être aventurées, mais impossible de savoir combien ont réussi à le traverser entièrement.
Hausse de visiteurs riches
En observant des cartes des glaces au-dessus du 66e parallèle, on voit que la calotte de glace a considérablement diminué ces dernières années. Mais d’importantes glaces demeurent près de la mer de Beaufort et peuvent bloquer certaines issues du passage du Nord-Ouest. « Le passage n’est pas encore une voie navigable fiable et c’est ce qui nous inquiète avec la hausse du trafic là-haut. En plus des aventuriers, les croisières de riches deviennent de plus en plus populaires et c’est un autre risque », indique M. Rothwell.
« Imaginez-vous une catastrophe comme le Costa Concordia en Arctique ? Le risque de mort serait très élevé, les opérations de secours seraient compliquées. C’est vraiment mon pire cauchemar », soutient le capitaine.
L’an passé, la garde côtière était d’ailleurs sur les dents lorsque le bateau The World a décidé de s’aventurer dans le passage du Nord-Ouest. Le navire de 196 mètres de long ressemble à un bateau de croisière, mais il s’agit plutôt d’un condominium flottant ultra-luxueux. Des millionnaires y vivent presque en permanence. Ils y ont leur propre appartement, un terrain de tennis, quatre restaurants, des bars, des spas et bien plus.
Ce bateau s’est ancré pendant deux jours au large de Cambridge Bay, au Nunavut, en septembre 2012. Lorsque les riches de ce monde sont débarqués dans cette petite communauté inuite d’à peine 1000 âmes, où la pauvreté est visible, ils ne sont certes pas passés inaperçus, entraînant des critiques.
Certains dirigeants inuits déplorent que les visiteurs de ces croisières de luxe fassent des visites éclair dans leur village pour acheter une pièce d’artisanat, puis repartent aussitôt. Ils aimeraient que cette industrie leur soit plus profitable et soit associée à des projets générateurs d’emplois. Il faudra pour cela qu’il y ait davantage d’infrastructures dans l’Arctique canadien, car l’absence de ports et le manque d’hôtels et de restaurants ne permettent pas aux communautés inuites d’accueillir pour le moment des hordes de touristes.
En arrivant au large de Resolute Bay, le capitaine Rothwell pointe au loin la petite communauté inuite qui compte à peine 200 âmes. C’est ici que la traversée se termine, après un peu moins d’une semaine à l’écart de toute civilisation. « J’aimerais que plus de gens aient la chance de voir la beauté et l’immensité de l’Arctique. Je sais que ce n’est pas évident de venir jusqu’ici, parce que c’est difficile et que ça coûte cher, mais il ne faut pas non plus s’y aventurer aveuglément. »
Notre journaliste a réalisé ce reportage dans le cadre du programme Action Canada.
En ce début d’automne, il fallait déjà être muni de mitaines et d’une tuque à Kugluktuk, au Nunavut. Depuis cette communauté inuite située au-dessus du cercle polaire, il faut compter quatre jours pour parcourir 1200 kilomètres et traverser le passage du Nord-Ouest à bord du brise-glace de la garde côtière canadienne, le Louis S. St-Laurent.
En sortant sa carte de l’archipel arctique du Canada, le capitaine Marc Rothwell montre le chemin qu’il a l’intention de prendre pour se rendre à Resolute Bay, l’un des villages inuits les plus septentrionaux du pays ; une sorte de bout du monde. Oui, les eaux de l’Arctique sont encore navigables, et ce, jusqu’à la mi-octobre, même s’il faut s’attendre à heurter des glaces en cours de route.
« Depuis 2007, le passage du Nord-Ouest est généralement ouvert d’un bout à l’autre à partir de la fin d’août », indique le capitaine Rothwell, une fois le navire en marche. « Étant donné que le passage compte sept voies navigables, on n’a pas trop de misère à le traverser en brise-glace, mais ceux qui s’y aventurent en voilier ou en kayak mettent réellement leur vie en danger », dit-il. La garde côtière a d’ailleurs dû prêter main-forte à plusieurs aventuriers au cours de l’été dernier.
Au début du mois de septembre, le brise-glace Wilfrid Pelletier a notamment secouru le producteur de la série américaine Dangerous Waters, qui s’est retrouvé coincé dans les glaces en tentant de parcourir le passage du Nord-Ouest en… motomarine. Deux kayakistes de même que trois hommes à bord d’un bateau à rames ont aussi été obligés d’interrompre leur périple en plein milieu de leur traversée. La navigation dans ce coin reculé du pays est extrêmement risquée en raison des vagues, du froid et des vents forts.
« Nous savons qu’un voilier est aussi pris dans les glaces, mais nous sommes trop loin pour l’aider », reconnaît en chemin M. Rothwell, qui s’inquiète de cette hausse du nombre d’aventuriers, pour la plupart inexpérimentés, dans les eaux de l’Arctique canadien. « La garde côtière n’est pas un service de taxi ! Nous sommes là pour aider les gens en détresse, mais ça peut prendre des heures, voire des jours, avant que nous puissions les secourir. Et s’ils ont le malheur de tomber à l’eau, ils ne survivront pas plus que 20 minutes », affirme-t-il.
De quoi s’émerveiller
Un ours polaire apparaît soudainement sur un immense morceau de glace, en plein milieu de nulle part. Moment magique. Il est facile de comprendre pourquoi cette destination attire autant les aventuriers. En regardant la bête se diriger langoureusement vers l’eau, tous les passagers à bord sont béats d’émerveillement. La vie sauvage en Arctique est vraiment unique au monde. On y trouve des ours, mais aussi des morses, des buffles et des baleines boréales. Pour la première fois en 2011, une baleine boréale de l’Alaska et une autre du Groenland ont même fait connaissance en plein milieu du passage du Nord-Ouest. Mais bien avant elles, des hommes s’y sont plus d’une fois aventurés…
C’est le Norvégien Roald Amundsen qui a été le premier explorateur, en 1903, à trouver une voie maritime pour traverser le pays d’est en ouest, après trois ans d’ardus efforts. D’ici la fin de cette année, le compte des navires ayant tenté la traversée du passage du Nord-Ouest depuis ce temps atteindra 185. Depuis 2000, 109 bateaux ont réussi à traverser le passage, la plupart étant des yachts ou des voiliers. Cet été seulement, on compte déjà plus d’une trentaine d’embarcations à s’y être aventurées, mais impossible de savoir combien ont réussi à le traverser entièrement.
Hausse de visiteurs riches
En observant des cartes des glaces au-dessus du 66e parallèle, on voit que la calotte de glace a considérablement diminué ces dernières années. Mais d’importantes glaces demeurent près de la mer de Beaufort et peuvent bloquer certaines issues du passage du Nord-Ouest. « Le passage n’est pas encore une voie navigable fiable et c’est ce qui nous inquiète avec la hausse du trafic là-haut. En plus des aventuriers, les croisières de riches deviennent de plus en plus populaires et c’est un autre risque », indique M. Rothwell.
« Imaginez-vous une catastrophe comme le Costa Concordia en Arctique ? Le risque de mort serait très élevé, les opérations de secours seraient compliquées. C’est vraiment mon pire cauchemar », soutient le capitaine.
L’an passé, la garde côtière était d’ailleurs sur les dents lorsque le bateau The World a décidé de s’aventurer dans le passage du Nord-Ouest. Le navire de 196 mètres de long ressemble à un bateau de croisière, mais il s’agit plutôt d’un condominium flottant ultra-luxueux. Des millionnaires y vivent presque en permanence. Ils y ont leur propre appartement, un terrain de tennis, quatre restaurants, des bars, des spas et bien plus.
Ce bateau s’est ancré pendant deux jours au large de Cambridge Bay, au Nunavut, en septembre 2012. Lorsque les riches de ce monde sont débarqués dans cette petite communauté inuite d’à peine 1000 âmes, où la pauvreté est visible, ils ne sont certes pas passés inaperçus, entraînant des critiques.
Certains dirigeants inuits déplorent que les visiteurs de ces croisières de luxe fassent des visites éclair dans leur village pour acheter une pièce d’artisanat, puis repartent aussitôt. Ils aimeraient que cette industrie leur soit plus profitable et soit associée à des projets générateurs d’emplois. Il faudra pour cela qu’il y ait davantage d’infrastructures dans l’Arctique canadien, car l’absence de ports et le manque d’hôtels et de restaurants ne permettent pas aux communautés inuites d’accueillir pour le moment des hordes de touristes.
En arrivant au large de Resolute Bay, le capitaine Rothwell pointe au loin la petite communauté inuite qui compte à peine 200 âmes. C’est ici que la traversée se termine, après un peu moins d’une semaine à l’écart de toute civilisation. « J’aimerais que plus de gens aient la chance de voir la beauté et l’immensité de l’Arctique. Je sais que ce n’est pas évident de venir jusqu’ici, parce que c’est difficile et que ça coûte cher, mais il ne faut pas non plus s’y aventurer aveuglément. »
Notre journaliste a réalisé ce reportage dans le cadre du programme Action Canada.