Codes de conduite - L’éthique comme nécessité

Émilie Corriveau Collaboration spéciale
Selon l’éthicien René Villemure, l’éthique est le sujet qui a la plus forte notoriété et le plus bas niveau de connaissance.
Photo: Source Conseil interprofessionnel du Québec Selon l’éthicien René Villemure, l’éthique est le sujet qui a la plus forte notoriété et le plus bas niveau de connaissance.

Ce texte fait partie du cahier spécial Semaine des professionnels 2013

Ces derniers mois, particulièrement depuis les débuts de la commission Charbonneau, le terme « éthique » est sur toutes les lèvres. En créant de nouvelles politiques et en formulant de plus stricts codes de conduite, le Québec tente d’effectuer un grand ménage dans ses organisations. Or René Villemure, éthicien, indique que la province fait fausse route si elle croit régler ses problèmes d’ordre moral en se contentant d’employer des solutions structurelles.

 

« Quand on nous parle de solutions à apporter aux manquements à l’éthique, tout ce dont on nous parle, c’est de structures, note René Villemure. Or l’éthique est un élément de culture et une affaire de sens. »

 

Confusion des genres

 

Définie par M. Villemure comme l’ensemble des conceptions morales dictant une conduite, l’éthique est un concept souvent mécompris. Alors que celle-ci se rapporte au sens et aux valeurs, on a tendance à lui attribuer une fonction déontologique.

 

D’après l’éthicien, il s’agit là d’un problème important. « Je dis souvent que l’éthique, c’est le sujet qui a la plus forte notoriété et le plus bas niveau de connaissance. En entreprise, dans les municipalités, au gouvernement, on demande à des juristes de se charger d’éthique, mais ce dont ils traitent en fait, c’est de déontologie. Ils créent des règles pour régir un exercice. Or les règles ne sont pas suffisantes. La déontologie, il faut y réfléchir en amont. »

 

Dans le même esprit, M. Villemure note que beaucoup d’entreprises confondent valeurs, motivations et objectifs. Aux dires de l’éthicien, trop d’organisations ont tendance à utiliser des vocables comme « productivité » ou « efficacité » pour cerner les valeurs qui guident leur mission, alors qu’en fait ceux-ci n’ont aucune teneur éthique.

 

« Je ne dis pas que ça n’a pas sa place en entreprise, mais ces termes-là font référence à la gestion, pas à l’éthique, souligne M. Villemure. La valeur doit m’indiquer un sens. Or, quand le sens, c’est la productivité, honnêtement, la corruption, c’est une bonne idée ! »

 

Même concept pour les si populaires « plaisir », « créativité » et « innovation » dont sont truffés les codes d’éthique d’entreprise : « Ce n’est pas utile, ça ! Une valeur, cela a deux caractéristiques impératives. Cela a un contenu moral nécessairement positif et ça contient sa propre raison d’être. Par exemple, l’honnêteté. C’est moralement positif, car il n’y a pas de façon malhonnête d’être honnête. Ça contient également sa propre raison d’être. L’éthique, ça se base sur ces valeurs-là. Pour parler d’éthique, il faut qu’il y ait des valeurs morales qui émanent de la mission et qu’on les rende claires, praticables, fortes et partagées », explique-t-il.

 

Pour répondre aux problèmes de manquement éthique que vit le Québec, M. Villemure estime qu’il y a encore beaucoup à faire. Loin d’être en défaveur des guides de bonne conduite ou des codes de déontologie, il souligne que ceux-ci doivent impérativement s’inscrire dans une démarche d’une plus grande réflexion.

 

« Ce qu’il faut parvenir à faire, c’est de réintroduire le sens, affirme l’éthicien. Le sens, c’est la direction. Sans direction, on s’égare. Et l’égarement, ça mène à la faute et à l’inconduite. Il est temps d’entamer une réflexion en profondeur. Au point où on en est, l’éthique, ce n’est plus un luxe, c’est une nécessité. Ramener une dose d’humanisme dans la société, ça ferait du bien à tous les niveaux. »

 

Facile à dire, mais comment faire pour y parvenir ? D’abord, en sensibilisant davantage les dirigeants en place aux réalités de l’éthique, croit l’éthicien. « Changer une culture, ça ne se fait pas en claquant des doigts. Ça prend des années de “faire autrement”. Il faut avoir un horizon humain. Il faut faire comprendre aux dirigeants que ce n’est pas à coups de formations de trois heures ou de codes d’éthique qu’ils vont transformer leurs façons de faire. Il faut leur pointer des entreprises exemplaires qui réussissent bien, susciter chez eux le désir de faire les changements nécessaires. »

 

Ensuite, en accordant une plus grande place à l’éthique dans le système scolaire, particulièrement au cégep et à l’université. « Je pense qu’on doit donner aux jeunes la chance de se poser des questions, dit M. Villemure. Pour bien des gens, le cégep, c’est le seul moment où on peut se questionner sur le pourquoi des choses. À l’université également, je crois qu’on ne devrait pas extraire les sciences humaines des programmes. Actuellement, on forme beaucoup de techniciens qui, avec leurs diplômes, sont capables de dire comment fonctionnent les choses, mais pourquoi elles fonctionnent comme ça, par contre, ça les embête ! »

 

Refonte électorale

 

En fin de compte, M. Villemure juge qu’on devrait également revoir notre système électoral. Il souligne que, lorsqu’on élit un parti pour quatre ans, il y a de grandes chances que les actions de celui-ci soient davantage guidées par des motivations électoralistes que par la poursuite du bien commun.

 

« Je crois qu’il va falloir mettre en place des modèles de confiance différents, confie l’éthicien. Je pense par exemple à la possibilité de rappeler des députés lorsqu’ils ne sont pas adéquats. Il faudra aussi faire plus de consultations publiques, donner plus souvent la parole à la population, etc. »

 

Si M. Villemure est d’avis que ce n’est pas demain la veille que seront résolus les problèmes du Québec en matière de manquements à l’éthique, il assure tout de même avoir confiance dans les générations à venir.

 

« L’autorité a migré d’un concept hiérarchique absolu vers le sens. Il y a toute une génération de jeunes actuellement qui disent non lorsqu’ils ne sont pas d’accord. Ce sont des jeunes qui se questionnent. Ils ont parfois l’air d’être désabusés, mais c’est parce qu’ils ont un idéal et que celui-ci a été éteint. Sauf que, contrairement à bien des adultes, il leur reste une petite étincelle qui ne demande qu’à être rallumée. J’ai une grande foi en eux. »

 

Semaine des professionnels

 

Le 16 octobre prochain, dans le cadre de la cinquième édition de la Semaine des professionnels, laquelle sera tenue sous le thème de la confiance envers les ordres professionnels, René Villemure participera au groupe de discussion « Imaginez le Québec de l’après-Charbonneau ». Pour l’occasion, il réfléchira à la question de la sévérité des sanctions prises contre les contrevenants.

 

Pour plus de détails : www.ethique.net

 

Collaboratrice

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

À voir en vidéo