Le sable blanc des Caraïbes, même l’été

Les sombres mois d’hiver ne sont plus les seuls à voir les Québécois déserter la province pour les plages de Cancún.
Photo: Agence France-Presse (photo) Luis Acosta Les sombres mois d’hiver ne sont plus les seuls à voir les Québécois déserter la province pour les plages de Cancún.

L’été, la concurrence touristique vient toujours plus du Sud. Les acteurs locaux peinent à faire contrepoids aux plages des Caraïbes, offertes en formule tout compris, le soleil et la chaleur en prime. Difficile de retenir le touriste québécois. Difficile aussi d’attirer ces nouveaux touristes issus d’une classe moyenne faisant son apparition dans les économies émergentes, l’Europe de l’Est en tête. Les joueurs locaux n’ont d’autre choix que de rivaliser d’imagination pour inviter le premier à redécouvrir les lieux connus et les seconds, à en découvrir de nouveaux… À un bon prix.

La fermeture du restaurant L’Eau à la bouche est venue nous rappeler que les destinations soleil sont désormais bien ancrées comme pôle d’attraction des touristes québécois, même en été. La célèbre fourchette de Sainte-Adèle a annoncé en avril qu’elle devait déposer son bilan après 34 années d’activités. L’ajout d’une auberge-spa au réputé restaurant des Laurentides n’a rien changé. Les raisons évoquées : un dollar canadien frôlant la parité avec le billet vert, l’absence de touristes américains et la préférence toujours plus grande des Québécois pour les destinations soleil.


« C’est une réalité. Nos ventes vers le Sud augmentent sans cesse », a commenté Annick Guérard, directrice générale de Transat Tours Canada. L’offre de Transat vers les Caraïbes est en hausse de 10 % cet été. L’augmentation était inférieure à ce taux au cours des années passées. « Ça va en s’accélérant », a renchéri la spécialiste. Certes, la corrélation entre les ventes vers les destinations soleil et le climat est directe, mais il y a davantage. « Les gens sont de plus en plus mobiles et le voyage se démocratise. Ils veulent découvrir de nouvelles cultures, se rapprocher et connecter avec la réalité locale. Ils demandent également des escapades leur permettant de voir le pays davantage. »


« On parle généralement, ici, de vacances en famille. La simplicité du tout-compris est appréciée. Ces voyageurs ne veulent pas de surprise, a expliqué Annick Guérard. Et les prix sont plus intéressants qu’en hiver. Au demeurant, un hôtel de luxe cinq étoiles devient accessible à un budget qui, l’hiver, commanderait un trois-étoiles. »


Sunwing aussi augmente son offre vers les Caraïbes été après été. « L’été, c’est dans le Sud que ça se passe. Et notre meilleur allié, c’est le climat », lance Sam Char, directeur exécutif du Groupe de voyage Sunwing. Celui qui dirige les activités du voyagiste intégré au Québec nous invite à faire le calcul. Pour l’Europe, il peut en coûter à une famille de quatre personnes 6000 $ uniquement pour les billets d’avion. Entre 10 000 et 15 000 $ pour l’ensemble du voyage. « C’est entre 25 000 $ et 30 000 $ avant impôt ! » Pour un voyage au Québec, il faut compter l’hébergement, le transport, les repas, les divertissements. Sam Char résume : « Pour le même prix ou moins, peut-être sensiblement un peu plus cher selon les choix, tu accèdes à un site où tout est compris : les divertissements, une plage en bordure de mer, du soleil, de la chaleur… C’est un rapport qualité/prix difficile à battre. Tout cela à trois ou quatre heures de vol seulement. »


« Évidemment, on ne pourra jamais rivaliser avec des destinations soleil parce que les raisons pour lesquelles les gens y vont n’ont rien à voir avec ce qu’on a », concède le ministre québécois délégué au Tourisme, Pascal Bérubé.


Jeter l’éponge ?


Est-ce à dire que les acteurs locaux sur la scène touristique doivent abdiquer ? « Non. Mais ils devront trouver de nouvelles façons d’inviter à découvrir les destinations, voire à redécouvrir les mêmes destinations, à un bon prix », a répondu Annick Guérard. Et le Québec demeure un produit attrayant pour les touristes venant de l’Europe, quoique la crise ait réduit le flot de voyageurs. Avec ses voyagistes en France et au Royaume-Uni, et son réceptif Johnview, Transat amène, bon an, mal an, 500 000 consommateurs européens, dont la moitié ayant le Québec pour terre d’accueil. « Ils recherchent une destination sécuritaire, des sites historiques, un accès à la nature, aux grands espaces. Français et Anglais adorent également échanger, être en contact avec la population locale. »


Et si les destinations soleil attirent toujours plus de touristes québécois, elles exercent le même pouvoir auprès d’un nouveau bassin de touristes, venant des marchés émergents du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). « Cela donne aux acteurs québécois un accès à un bassin de touristes plus large », propose Annick Guérard. Les spécialistes du Sud ont remarqué une présence accrue de citoyens de l’Europe de l’Est, qui se servent toutefois de Montréal comme transit vers les routes du Sud.


Mais comment vendre le Québec à un Russe ? « Là est le défi. Les acteurs locaux doivent voir comment ils peuvent les retenir et adapter leur offre québécoise en conséquence, proposer des circuits attrayants. Ces voyageurs veulent un produit touristique qui fascine, qui inspire. En somme, cela se veut une invitation à avoir une vision renouvelée », conclut la directrice générale de Transat Tours Canada.


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Le tourisme durable entre peu à peu dans les mœurs

Le tourisme durable prend graduellement la forme d’une tendance mondiale. Au Québec, l’heure est encore à la sensibilisation du consommateur, mais la valorisation de pratiques respectueuses de l’environnement et des collectivités reçoit une oreille plus attentive. « Ce n’est pas qu’une mode. La tendance mondiale fait ressortir une sensibilisation plus grande en matière de tourisme durable », a souligné Annick Guérard, directrice générale de Transat Tours Canada. 

Le voyagiste intégré est engagé depuis 2007 dans la valorisation d’une offre touristique se voulant respectueuse de l’environnement et des collectivités. L’entreprise produit notamment une certification des pratiques des partenaires, y compris des hôteliers retenus, qui va bien au-delà de la réutilisation des draps et des serviettes. L’exercice peut comporter jusqu’à 55 pratiques hôtelières réparties en huit secteurs d’intervention. Au total, 162 établissements hôteliers de 15 pays participent au programme. Au Québec, selon les sondages, les répondants affirment qu’ils sont incités et qu’à produit égal, ils soutiendraient les pratiques s’inscrivant dans une telle démarche.

Le Devoir

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