Soccer - Le turban ravive les tensions entre Québec et Ottawa

Le jeune Aneel Samra, de Montréal.
Photo: La Presse canadienne (photo) Ryan Remiorz Le jeune Aneel Samra, de Montréal.

Le ballon rond est à l’origine d’une nouvelle ligne de fracture entre Québec et Ottawa. La première ministre du Québec a jugé « inacceptable » la décision de l’Association canadienne de soccer (ASC) de suspendre la Fédération de soccer du Québec (FSQ) pour avoir interdit le port de turbans lors des matchs, alors que les partis fédéralistes ont salué cette décision à la Chambre des communes.


« La Fédération québécoise a le droit d’établir ses propres règlements. Elle est autonome. Elle n’est pas assujettie à l’Association canadienne », a dit Pauline Marois, mardi, ajoutant qu’elle soutenait la décision de la FSQ, qui a banni au début du mois les turbans portés par les sikhs pour des raisons de sécurité. Sa ministre des Sports, Marie Malavoy, a renchéri, demandant à l’ASC de laisser le Québec prendre ses propres décisions. Dans le cas contraire, « des jeunes risquent d’en souffrir à très court terme », a-t-elle dit, indiquant qu’il serait « inacceptable » que des Québécois ne puissent pas participer aux Jeux du Canada qui se dérouleront cet été à Sherbrooke.


Le chef de l’opposition officielle, Jean-Marc Fournier, quant à lui, a soufflé le chaud et le froid en dénonçant à demi-mot la décision de l’Association canadienne, ainsi que celle de la Fédération de soccer du Québec. « Les gens devraient se parler plutôt que d’y aller à coups de bannissement ou d’exclusion », a-t-il dit. Concernant le turban, il estime que les joueurs devraient pouvoir le porter durant les parties, le temps que l’on étudie correctement la question de la sécurité.
 

Dans un communiqué diffusé mercredi matin, la FSQ déclare qu'elle maintient sa position quant à l’interdiction du port du turban, patkas et keski lors de ses activités. La Fédération espère «un règlement le plus rapide possible pour sortir de cette impasse» mais elle «ne s’est pas imposée formellement quelque délai que ce soit pour y parvenir».
 

Les partis fédéralistes


Alors que le gouvernement du Québec défendait l’autonomie de sa fédération, à Ottawa, les partis fédéralistes se sont plutôt ligués contre la décision de l’organisme québécois. Interpellé par un député bloquiste, le ministre d’État au Sport, Bal Gosal, a invité la FSQ à revenir sur sa décision d’interdire les turbans, qui représente un obstacle pour les jeunes voulant jouer au soccer. « Les joueurs québécois ont le droit de porter un signe religieux qui n’affecte pas la sécurité du sport », a aussi dit le ministre Maxime Bernier à l’extérieur de la Chambre des communes, soulignant que les fédérations de soccer des autres provinces n’y voyaient pas de problème.


Le chef du Nouveau Parti démocratique, Thomas Mulcair, s’est aussi dit contre la position de la FSQ. « Les parents doivent se mettre ensemble et s’assurer que les enfants puissent jouer au soccer, peu importe leurs origines », a-t-il dit lors d’un discours prononcé devant le Cercle canadien d’Ottawa. Le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, a quant à lui affirmé que l’interdiction de jouer avec un turban était une « règle intolérante ».


Seul de son côté, le chef du Bloc, Daniel Paillé, a pourfendu la suspension de la fédération québécoise,d’autant plusque cette dernière a décidé de suivre les règles de la Fédération internationale de soccer (FIFA).


Impact mal évalué


La décision initiale de la Fédération de soccer du Québec d’interdire le port du turban a été prise de façon un peu trop précipitée, selon l’un des participants à la réunion du conseil d’administration, qui a mené à la suspension de l’organisme lundi. Le directeur général de l’Association régionale de soccer de l’Outaouais, Richard Gravel, a indiqué lors d’un entretien avec La Presse canadienne que les administrateurs avaient pris rapidement cette décision et avaient « mal évalué » son impact. « Ce dossier-là n’a pas que des enjeux de soccer, a-t-il dit. Il y a des enjeux politiques et sociaux aussi, qui doivent tenir compte du fait que le Canada - et le Québec aussi - se présente comme une terre d’accueil qui doit placer les gens dans des conditions favorables à l’intégration et l’inclusion. »


Une conférence téléphonique des responsables de la FSQ a d’ailleurs eu lieu mardi soir afin de déterminer s’il y avait lieu d’annuler la décision controversée. M. Gravel prévoyait « pousser énergiquement » pour convaincre ses collègues de se rallier à la position de l’Association canadienne, qui a décidé de permettre le port de turbans même en l’absence d’une position claire de la part de la FIFA.


«Le conseil d’administration de la Fédération a convenu hier [mardi] soir de tout tenter afin de rétablir le dialogue avec l’Association canadienne de soccer dans le but d’en venir à un dénouement dans le dossier», peut-on lire dans le communqué émis mercredi matin par la FSQ.
 

Avec Hélène Buzzetti, Jessica Nadeau et La Presse canadienne

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Ce texte a été modifié après publication.

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