Sus aux logiciels privatifs dans les organismes publics

Afin d’accélérer l’adoption des logiciels libres dans l’appareil gouvernemental, mais également soutenir le développement de ce secteur économique au Québec, les défenseurs de ces solutions informatiques dites ouvertes demandent désormais au gouvernement « d’adopter une politique » visant à bannir purement et simplement « l’utilisation de logiciels privatifs », soit ceux liés à de coûteuses licences d’utilisation et dont les formats créent des environnements numériques captifs, et ce, dans l’ensemble des organismes publics.


Dans la foulée, ils invitent Québec à emboîter le pas à la France, qui vient de mettre le logiciel libre et les formats informatiques ouverts qui en découlent au centre d’un ambitieux plan numérique pour son système d’éducation.


« Avec l’actuel gouvernement, nous avions beaucoup d’attentes, résume à l’autre bout du fil Cyrille Béraud, figure de proue de l’industrie du logiciel libre au Québec et membre de l’Association pour l’appropriation collective de l’informatique libre (FACIL). Or, nous ne pouvons désormais qu’observer un grand recul dans ce domaine et réclamer aujourd’hui un changement de cap radical de la part de Québec. »


À l’unanimité, le conseil d’administration de FACIL a donc adopté il y a quelques semaines une résolution réclamant au gouvernement d’exclure à l’avenir les logiciels dits privatifs de l’ensemble des services publics, histoire de faire de la place aux logiciels libres, des produits informatiques qui poursuivent leur implantation dans plusieurs administrations publiques à travers le monde. Le « libre », comme on dit, offrirait des produits moins restrictifs et plus flexibles. Il permet également de se défaire des liens de dépendance, souvent coûteux, avec les géants de l’informatique privative, dont Microsoft, Apple, Adobe, IBM ou encore Oracle font entre autres partie, tout en assurant la pérennité des données gouvernementales, ce qui représenterait une source d’économie importante dans des contextes budgétaires tendus.

 

Un décret controversé


Cet autre appel à l’adoption massive du logiciel libre intervient quelques mois seulement après que Québec ait décidé de reconduire pour un an un décret controversé qui favorise l’attribution de contrats publics informatiques à ces géants du logiciel privatif, « au mépris » du logiciel libre, avaient alors dénoncé les représentants de l’industrie. Cette mesure a été prise pour maintenir sous le giron du logiciel privatif 76 000 postes de travail de la fonction publique qui nécessitent une mise à jour. La facture, pour les licences seulement, est d’environ 30 millions de dollars.


« Pour faire avaler la pilule, Québec a annoncé à l’époque des mesures visant à stimuler le logiciel libre, avec entre autres la création de projets pilotes dans plusieurs organismes publics », rappelle M. Béraud. Les ministères de l’Éducation, de la Santé, des Finances ou de la Culture devraient être les hôtes de ces projets. « Ce que l’on voit pour le moment, c’est toutefois creux, c’est du vent, et ça n’annonce rien de très constructif ni de très structurant », ajoute-t-il.


Selon l’association FACIL, seule l’adoption d’une politique numérique ouvertement dédiée au développement du logiciel libre serait apte à mettre fin à tous ces louvoiements. « La France vient d’en adopter une dans le domaine de l’éducation, dit M. Béraud. Québec gagnerait à s’en inspirer. Le logiciel libre y est décrit comme une priorité pour faire face aux transformations en cours dans le monde de l’enseignement. Cela va de soi. Notre rapport au savoir, aux professeurs, aux lieux d’éducation est en mutation. Mais ici, on est encore dans le déni. »

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