Pourquoi François?

Mais pourquoi ce prénom ?

La nouvelle appellation du cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio marque le changement de sa vocation, de membre à chef de l’institution. La tradition évoque le passage de l’Évangile de Matthieu où Jésus renomme Simon, fils de Jonas, après l’avoir choisi comme apôtre : « Et moi, je te le déclare : tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle. » Dans les faits, la pratique de la mutation nominale n’est attestée qu’à partir du VIe siècle, alors que Mercurius devient Jean II pour ne plus rendre hommage au dieu païen.

Le choix symboliquement surchargé marque l’importance de la fidélité à un modèle. Le prédécesseur Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI, voulait rendre hommage à Benoît XV, pape diplomate et légaliste de la Première Guerre mondiale. François, premier du genre, semble plutôt choisir sa référence chez François d’Assise (1181-1226), fondateur de l’ordre des frères mineurs, souvent considéré comme la deuxième figure tutélaire en importance de la chrétienté après Jésus. En passant, Benoît XV a consacré son encyclique Sacra Propediem (6 janvier 1926) à Francesco d’Assisi et à son oeuvre. Tout se suit et se tient.

Saint François évoque le respect de la Création et l’option pour les pauvres, les démunis, les marginalisés par opposition à la hiérarchie catholique réputée près des pouvoirs. Les Franciscains et les Jésuites ont marqué l’histoire de l’Amérique latine depuis l’établissement des réductions au XVIe siècle.

En se plaçant sous cette tutelle, le jésuite devenu Franciscus, décrit comme conservateur sur les plans moral et doctrinaire, affiche certainement une volonté d’ouverture sociale de son pontificat. Dans son Argentine natale, ses adversaires ne manquent pourtant pas d’évoquer le rôle trouble de Jorge Bergoglio, qui était alors supérieur provincial des jésuites de Buenos Aires, pendant la dernière dictature militaire de son pays (1976-1983). Il lui est notamment reproché de ne pas s’être assez opposé à la répression et même d’avoir livré à la junte deux curés qui ont survécu et qui ont témoigné.

Quoi qu’il en soit, pour le porte-parole du diocèse de Québec, Jasmin Lemieux-Lefebvre, le choix du nom de François est clairement une référence à saint François d’Assise, un excellent choix du point de vue de l’image. « En matière de branding », selon lui, on ne pourrait pas mieux qualifier « ce que doit être l’Église aujourd’hui. François d’Assise, c’est le saint des pauvres. Celui qui a aidé à réhabiliter l’Église à l’époque. […] On ne peut pas demander un meilleur nom de pape en 2013 venu d’un candidat du Sud ».

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Avec Isabelle Porter

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