L'Argentin Bergoglio élu pape

Moment historique à Rome: les 115 cardinaux réunis en conclave ont élu pour la première fois un pape issu du «Nouveau Monde» en choisissant le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio comme 266e pape de l'histoire. Âgé de 76 ans, le cardinal originaire de Buenos Aires a choisi de porter le nom de François.

Il est apparu souriant, relativement détendu et spontané au balcon de la basilique Saint-Pierre. «Mes frères cardinaux sont allés chercher [le nouveau pape] à l'autre bout du monde», a-t-il dit dans sa première allocution. Plus sérieux, il a dit souhaiter que «le monde doit prendre le chemin de la paix, de l'amour et de la fraternité».

Ce premier jésuite à devenir pape a appelé à prier pour son prédécesseur Benoît XVI. Il a invité les fidèles à «entreprendre un chemin de fraternité, d'amour» et d'«évangélisation» avant de demander à la foule une minute de silence.

Le nom de M. Bergoglio n'avait pas beaucoup circulé depuis la renonciation de Benoit XVI le 11 février — de quoi donner raison à l'expression voulant que celui qui entre pape au conclave en ressort cardinal. En 2005, il était toutefois présenté comme le principal concurrent de Joseph Ratzinger.

Bergoglio a la réputation d'un homme très humble, visiteur régulier des quartiers pauvres de Buenos Aires. On le présente comme un conservateur sur le plan social. Ingénieur chimiste, il est devenu prêtre en 1969 et a toujours lié sa carrière ecclésiastique à l'expérience de la réalité sociale de son pays.

Dès 1992, il était évêque auxiliaire de Buenos Aires, promu archevêque en 1998. Dans un pays où la pauvreté demeure importante, ses homélies, ­sans être révolutionnaires, ­ lui valent une grande popularité auprès des déshérités et d'une classe moyenne appauvrie.

Peu bavard, il ne mâche pourtant pas ses mots pour dénoncer la corruption de la classe politique et la crise des valeurs de la société argentine. Bergoglio est connu pour la vie simple qu'il a menée à Buenos Aires, voyageant en métro et en bus, passant ses fins de semaine dans les paroisses défavorisées, au contact des prêtres des bidonvilles. Cet homme au parcours peu commun souffre d'une santé fragile : il vit avec un seul poumon depuis une opération à l'âge de 20 ans. Il est cardinal depuis 2001.

Clameur


L'identité du nouveau pape a été dévoilée pers 15h15, plus d'une heure après que la fameuse fumée blanche fut apparue dans la cheminée de la chapelle Sixtine. Le pape a été élu après cinq tours de scrutin, un vote plutôt rapide. Jean XXIII avait eu besoin de 11 tours en 1958; six tours pour Paul VI en 1963; quatre pour Jean-Paul Ier et huit pour Jean-Paul II en 1978; et finalement, quatre pour Benoit XVI en 2005.

Une immense clameur a retenti Place Saint-Pierre lors de l’émission de la fumée blanche signalant son élection, avec des cris de joie poussés par une foule nombreuse qui brandissait des drapeaux et scandait «habemus papam» et «viva il papa», pendant que les cloches sonnaient à toute volée.

Gardes suisses et membres d’autres forces armées se sont aussitôt déployés en fanfare devant la basilique, juste sous la loggia centrale. Une foule grossissant à vue d’oeil et constellée de parapluies a envahi la place, brandissant banderoles et drapeaux à la gloire du Saint-Siège. Les cloches des églises romaines ont aussi retenti, accompagnées de concerts de klaxon.

Cette élection met un point final à quatre semaines inédites et mouvementées, depuis l’annonce surprise le 11 février par Benoît XVI de sa renonciation à l’âge de 85 ans — une première en sept siècles, depuis celle du pape moine Célestin V.

Le nouveau pape se retrouve à la tête d’une Église confrontée à de grandes difficultés: sécularisation massive dans les pays de tradition chrétienne, scandales de pédophilie et de corruption qui remontent sans cesse du passé, mauvaise gouvernance et intrigues à la Curie, difficultés d’adaptation aux cultures locales, rapports tendus avec l’islam rigoriste, contestations diverses...

En même temps, le nombre de catholiques croît rapidement dans beaucoup de pays du sud, où l'Église est aux avant-postes sur de nombreux terrains (santé, pauvreté, éducation…).


Avec l'Agence France-Presse et Le Monde

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