Conclave: c’est parti! - Les cardinaux réunis dans une Rome où bruissent toutes les rumeurs

Arrivée des cardinaux à la dernière congrégation générale tenue lundi matin avant l’ouverture, ce mardi, du conclave devant trouver un successeur à Benoît XVI.
Photo: Alessandra Tarantino - Associated Press Arrivée des cardinaux à la dernière congrégation générale tenue lundi matin avant l’ouverture, ce mardi, du conclave devant trouver un successeur à Benoît XVI.

Vatican — Alors que le conclave qui désignera le successeur de Benoît XVI s’ouvre ce mardi, les cardinaux réunis en congrégation générale ont mis fin à leurs travaux hier. Les princes de l’Église auront donc débattu jusqu’à la toute dernière minute des nombreux enjeux de cette élection où rien ne semble décidé à l’avance. Plus de 160 cardinaux ont pris la parole depuis une semaine, signe qu’ils avaient beaucoup de choses à se dire.

Alors que 5600 journalistes accrédités ont envahi la ville, Rome bruit de toutes les rumeurs. Parmi celles-ci, trois noms reviennent en boucle depuis une semaine, ceux de Mgrs Angelo Scola (Milan), Odilo Scherer (São Paulo) et Marc Ouellet (Québec). Selon de nombreux analystes, le premier promet une réforme de la Curie et pourrait fédérer une bonne partie des 28 cardinaux italiens jusque-là divisés. Marc Ouellet serait quant à lui soutenu par des cardinaux d’Amérique latine et des États-Unis. Mais il serait talonné par le Brésilien Odilo Scherer, dont on dit qu’il aurait le soutien de l’influent secrétaire d’État du Vatican, Tarcisio Bertone.


Celui que l’on surnomme le « faiseur de papes » et qui est l’objet de nombreuses critiques a d’ailleurs fait rapport hier aux cardinaux sur la banque du Vatican, l’Institut pour les oeuvres religieuses (IOR). Le cardinal Bertone aurait expliqué comment cette institution récemment soupçonnée de transactions douteuses entend se conformer aux normes internationales de transparence. Est-ce un signe de défiance ? Les cardinaux ont jugé bon de flanquer celui qui assure l’intérim entre deux papes d’un comité exécutif temporaire composé des cardinaux Ouellet, Nagy et Monterisi. Ce dernier est d’ailleurs de plus en plus cité parmi les prétendants.

 

« Sous clé »


Dès ce matin, les 115 cardinaux électeurs seront littéralement « sous clé » (conclave vient des mots latins cum, avec, et clavis, clé), c’est-à-dire coupés de toute communication avec le reste du monde, journaux, ordinateurs et téléphones portables compris. Ils doivent arriver vers 6 h à la résidence Sainte-Marthe où ils habiteront jusqu’à l’élection du pape. La première journée du conclave commencera par une grande messe pro eligendo papa (pour élire un pape) dans la cathédrale Saint-Pierre.


Les cardinaux tiendront un premier vote vers 18 h ce soir. À moins d’un véritable miracle, celui-ci ne sera pas concluant puisque le futur pape doit rassembler les deux tiers des voix (77). Ce sera pourtant un vote déterminant puisqu’il permettra pour la première fois de mesurer les rapports de force dont on parle depuis des jours. Comme aucun cardinal ne s’est vraiment démarqué lors des congrégations générales, ce premier vote fera office de « primaire », a déclaré à La Stampa le cardinal américain Donald Wuerl.


Lundi, les 90 femmes de chambre, chauffeurs, cuisiniers, médecins, traducteurs et autres qui assureront l’intendance du conclave ont dû prêter serment de ne rien dévoiler des secrets qu’ils pourraient découvrir derrière les portes closes. Sinon, ils risquent l’excommunication.


Le cérémonial du conclave est réglé comme du papier à musique. L’opération commencera chaque jour par une messe. Puis, les cardinaux quitteront la chapelle Pauline pour se rendre en procession à la chapelle Sixtine où ils prendront place de part et d’autre par ordre de préséance. Dès que les cardinaux auront prêté serment les uns après les autres sur le Livre des psaumes, le maître des célébrations liturgiques pontificales, Mgr Guido Marini, s’écriera : « Extra omnes ! » (Tout le monde dehors !). Tous ceux qui ne sont pas électeurs sortiront et les scellés seront posés sur les portes.


Les cardinaux votent deux fois le matin et deux fois l’après-midi jusqu’à ce qu’un gagnant se dessine. C’est le doyen des cardinaux électeurs, Giovanni Battista Re, qui préside les séances et qui est le premier à prêter serment suivi de Mgr Bertone. Après que trois scrutateurs et trois réviseurs sont tirés au sort, le vote peut commencer. Dans l’ordre, chaque cardinal vient tour à tour déposer son bulletin dans l’urne. Pour le décompte, les bulletins passent entre les mains des trois scrutateurs et des trois réviseurs avant d’être enfilés sur une aiguille et un fil. Une fois le compte terminé et vérifié, les bulletins sont brûlés dans un poêle avec toutes les notes des cardinaux. Si aucune majorité ne se dégage, on reprend le vote de la même façon.

 

Fumée blanche


« De grâce, pas un pape ou un secrétaire d’État italien », a déclaré ce week-end le journaliste italien Gianluigi Nuzzi auteur d’un best-seller sur les fuites de Vatileaks. Cela fait pourtant 35 ans que l’Église n’a pas eu de pape italien.


Témoignant de cette élection atypique, le cardinal Barbarin, de Lyon, a déclaré hier à la radio de France Info que ce n’était « pas tout à fait pareil que quand on va voter pour les élections présidentielles. Pour les présidentielles, il y a 40 millions d’électeurs, tandis que là, il y a très peu d’électeurs. Il n’y a pas de candidat. Il n’y a pas de campagne. Ça n’a vraiment rien à voir. C’est un poids considérable. Une épreuve, je ne renie pas l’adjectif. »


La cheminée d’où s’échappera la fumée blanche en cas d’élection est en place. « C’est mieux qu’un texto ! », a déclaré le porte-parole Federico Lombardi. Un second poêle peut prendre la relève au cas où le premier tomberait en panne. Les fumées ne s’élèveront qu’à la fin des sessions du matin et de l’après-midi. Plus le scrutin sera long, plus les signes de blocage seront évidents. Depuis 1914, aucune élection n’a duré plus de trois jours.

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