Faire entrer la justice dans le XXIe siècle
L’univers de la justice est en mutation et le Québec aurait finalement un rôle important à jouer dans ce processus de modernisation de l’appareil judiciaire ici, comme ailleurs. C’est ce que croit la Banque mondiale, qui vient de confier au Laboratoire de cyberjustice de l’Université de Montréal la coprésidence d’un groupe de travail chargé d’évaluer les modes alternatifs de règlement des litiges, entre les humains, les entreprises ou les États. Et ce, en passant parfois par les univers numériques.
« Il s’agit de faire entrer la justice dans le XXIe siècle », a résumé mardi Karim Benyekhlef, professeur à la Faculté de droit et directeur du laboratoire qui a développé dans les dernières années un outil de traitement en ligne des litiges pour les transactions commerciales effectuées dans le même environnement numérique. « Les nouvelles technologies permettent aujourd’hui d’envisager des systèmes de règlement de conflits, de médiation ou de négociation plus adaptés à la réalité moderne, moins coûteux », et parfois même capables d’améliorer l’accès ou l’exercice de la justice dans des pays où cette justice se joue en terrain bosselé, dans des environnements budgétaires compliqués ou dans des pays devant se reconstruire après des conflits.
Des nouveaux possibles
Placé sous l’égide du Forum mondial sur le droit, la justice et le développement, un lieu de réflexion créé par la Banque mondiale, ce groupe va dans les prochaines années explorer ces nouveaux possibles numériques pour la sphère juridique, mais également évaluer comment certains outils existant dans certains pays pourraient être adaptés à la réalité d’autres. « L’expertise québécoise en matière de règlement des litiges liés au commerce électronique est facilement exportable, puisqu’elle repose sur des logiciels développés en format libre, dit M. Benyekhlef. Il est possible d’imaginer sur cette base, un outil pour la gestion des litiges commerciaux, administratifs, pour les petites créances, pour de la négociation entre des partis », sans toutefois se substituer entièrement aux lieux physiques où la justice se joue depuis la nuit des temps. « Ces outils technologiques ne sont pas des substituts à la justice dite en présence [une cour, un juge, des avocats, dans un espace donné] », ajoute l’universitaire. « Ce sont des compléments » aptes à inscrire la justice dans la modernité, mais également à répondre, au Canada comme ailleurs dans le monde, aux besoins d’une « génération montante connectée » qui va accepter de moins en moins qu’on l’empêche d’entrer dans un palais de justice avec un téléphone intelligent - comme c’est parfois le cas à certains endroits dans le monde -, et va réclamer de plus en plus de pouvoir s’en servir pour régler ses litiges, ajoute-t-il.
Le groupe de travail, chargé de voir comment un justiciable peut obtenir justice autrement, va être dirigé par le Laboratoire de cyberjustice de l’Université de Montréal, mais également par des représentants du ministère de la Justice du Brésil et de la Cour suprême de la Corée du Sud, dont la participation à ce vaste projet devrait être annoncée dans les prochains jours par la Banque mondiale.