Procès Lacerte–Rosenberg-Werzberger - Les limites de la liberté d’expression

Les Rosenberg sont-ils des personnages publics ? Les infractions qu’ils commettent lorsqu’ils stationnent en double sont-elles d’intérêt public ? Voilà quelques-unes des questions sur lesquelles devra se prononcer la juge de la Cour supérieure, Claude Dallaire, dans la cause qui oppose trois membres de la communauté hassidique à un citoyen d’Outremont.
La liberté d’expression a ses limites, et Pierre Lacerte les a outrepassées, a fait valoir Me Julius Grey, lors des plaidoiries qui se déroulaient mercredi au palais de justice de Montréal. L’avocat des trois hassidim a tenté de démontrer qu’avec son blogue, Pierre Lacerte causait d’importants préjudices à ses clients en portant atteinte à leur vie privée et en tenant des propos diffamatoires à leur endroit.
Depuis 10 ans, Pierre Lacerte documente les infractions en matière de stationnement commises par Michael Rosenberg, son fils Martin et Alex Werzberger pour alimenter son blogue créé en 2007. Les trois hassidim réclament 375 000 $ à Pierre Lacerte et demandent le retrait du blogue de toutes les mentions à leur sujet.
Le stationnement
Selon Me Grey, ses clients ne sont pas des personnages publics, et le fait de stationner en double ne justifie pas le traitement qu’ils subissent. En outre, Pierre Lacerte les dépeint comme des gens qui font fi de la loi. « Il est dangereux de dire que quelqu’un n’obéit pas à la loi quand la seule infraction démontrée est le stationnement en double », a soutenu l’avocat.
Ce n’est pas parce qu’un certain public s’intéresse à un sujet que celui-ci devient d’intérêt public, estime Me Grey : « 99 % du contenu du blogue sont d’ordre personnel et privé ».
Les requérants reprochent aussi à Pierre Lacerte ses « descriptions méprisantes » de la communauté hassidique. « L’humour et la dérision ne sont pas une défense », a plaidé l’avocat.
Une plume aiguisée
Pierre Lacerte est un personnage coloré et il a une plume acérée, a reconnu l’avocate du défendeur, Me Rosalia Giarratano. Son intention n’est pas de se moquer des Juifs orthodoxes, mais de dénoncer le laisser-aller des autorités à l’endroit des infractions commises par les trois hassidim et par d’autres membres de leur communauté, a-t-elle dit.
Tous les écrits de Pierre Lacerte sont appuyés et corroborés par des sources crédibles, a-t-elle souligné. Le blogueur n’a pas épié les demandeurs, les illégalités commises par ceux-ci se déroulaient devant la fenêtre de sa résidence : « Il n’avait aucune chance de ne pas les voir. »
Quant aux dommages, Me Giarratano estime que les requérants ont été incapables d’en démontrer l’existence. Elle a dit douter que les Rosenberg, qui dirigent des entreprises prospères dans le domaine de l’immobilier, aient pu perdre des millions à cause d’un blogue fréquenté par 150 personnes par jour. Selon elle, les procédures entreprises contre Pierre Lacerte sont dans les faits une poursuite-bâillon.
La juge a pris la cause en délibéré et rendra sa décision dans les prochains mois.