L’UPA et la FAO s’unissent pour l’agriculture familiale

Réginald Harvey Collaboration spéciale
Environ 70 % de la production mondiale de riz est faite par des paysans qui cultivent moins d’un hectare par année.
Photo: Agence France-Presse (photo) Noah Seelam Environ 70 % de la production mondiale de riz est faite par des paysans qui cultivent moins d’un hectare par année.

Ce texte fait partie du cahier spécial International/Coopération

L’Union des producteurs agricoles (UPA) s’applique depuis plus de 20 ans à coopérer avec des organisations paysannes disséminées à travers le monde. Forte de ses valeurs et de son expertise, elle a signé en octobre 2012 une entente avec l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). En vertu du document paraphé, l’UPA et la FAO mèneront des actions concertées pour favoriser le maintien et la croissance de l’agriculture familiale.


André D. Beaudoin, le secrétaire général au développement international de l’UPA, définit ce type de pratique par opposition à une agriculture industrielle : « Elle sert à la famille ou à ses membres, qui sont les principaux exploitants de la ferme, à assumer le travail d’exploitation de celle-ci, à posséder les éléments nécessaires pour assurer la gestion de l’entreprise et à contrôler son capital. De la sorte, la famille est en mesure d’assurer, entre autres, la transmission du patrimoine familiale et d’accomplir les fonctions de gestion de la production technoéconomique de l’exploitation. »


Cette forme d’agriculture demeure à ce jour la plus présente à travers le monde, malgré la croyance populaire : « Il faut savoir que la denrée alimentaire la plus importante, c’est toujours le riz : 70 % de sa production mondiale est faite par des paysans qui cultivent moins d’un hectare par année. Il est donc faux d’affirmer que l’agriculture familiale n’est pas en mesure de jouer un rôle important pour assurer la sécurité alimentaire mondiale au cours des prochaines décennies. D’ailleurs, la production qui a le plus progressé en pourcentage sur le plan des volumes est toujours celle du riz, qui incombe aux petits exploitants. »

 

Faux pas


M. Beaudoin situe l’entente signée entre l’UPA et la FAO dans le contexte économique actuel. « Dans le fond, le courant néolibéral a été poussé en matière alimentaire par l’idée que la libéralisation des marchés, l’abaissement des barrières tarifaires et le moins d’entraves possible au commerce des denrées devaient nous assurer une sécurité alimentaire accrue à l’échelle mondiale. Pour ce faire, sans le dire mais en pratiquant des politiques qui favorisent la grande entreprise, on a peu à peu délaissé le concept d’agriculture familiale, comme en témoigne notamment l’attribution de l’aide dans le domaine de la coopération internationale : on est passé d’un montant qui était d’à peu près 20 % des enveloppes à moins de 5 % au creux de cette vague. »


Pendant une période de 15 à 20 ans, le secteur économique a roulé sa bosse sur cette prémisse que vient d’énoncer le secrétaire général : « En 2007, la Banque mondiale a sorti un rapport thématique sur l’agriculture où, pour la première fois, elle faisait amende honorable en reconnaissant que la meilleure façon d’assurer une croissance économique et l’instrument le plus porteur pour réduire rapidement la pauvreté demeuraient l’agriculture ; d’où la nécessité de revenir à un soutien de l’agriculture familiale. Tel a été l’élément déclencheur qui a servi à tout le monde pour prendre conscience qu’on était peut-être allés trop loin dans ce virage-là. »


En 2008, le très sévère repli économique entraîne une crise alimentaire majeure.


Producteur de carrière, le secrétaire général propose de regarder le problème en face et de dire les choses telles qu’elles sont : « Cette crise ne résulte pas d’un manque de denrées, mais d’une flambée des prix qui était poussée essentiellement par de la spéculation boursière classique, mais aussi par de la spéculation étatique, lorsque certains pays ont bloqué leurs frontières de peur de subir eux-mêmes cette pression des prix. Il s’est agi là du deuxième élément déclencheur qui a fait prendre conscience à tout le monde que le beau modèle néolibéral ne donnait pas les fruits escomptés durant cette première grande crise importante. Au contraire, il s’est créé une dynamique de tensions comme on n’en avait pas connu depuis une cinquantaine d’années. »

 

Le temps de l’engagement est venu


Durant cette sombre période, le Programme alimentaire mondial de l’ONU (PAM) fait face un problème de taille : il doit nourrir, alors qu’il dispose de moyens financiers moindres, une partie plus importante de la population de la planète. En effet, on est passé de 750 millions d’êtres humains souffrant de malnutrition à plus d’un milliard. L’organisme part alors en tournée dans plusieurs pays en développement, à la recherche de mécanismes susceptibles d’atténuer les dégâts et d’approvisionner en denrées certaines régions de proximité. À cette occasion, il fait la découverte de deux organisations que l’UPA Développement international a contribué à mettre au monde et qu’elle soutient depuis 20 ans, l’une située au Burkina Faso et l’autre au Mali : il s’agit de regroupements de producteurs agricoles s’occupant de la mise en marché collective de céréales.


André D. Beaudoin rapporte la suite des choses en précisant que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en raison des pressions planétaires qui s’accentuent, décide de se frotter à son tour à toute cette problématique en venant appuyer le PAM et en se lançant dans la promotion de l’Année internationale de l’agriculture familiale, qui aura lieu en 2014 : « Dans leur réflexion et en tenant compte de tous les éléments en place, ces gens en sont arrivés à la conclusion que, pour qu’existe une agriculture pérenne, il faut des organisations professionnelles capables d’offrir des services de pointe pour répondre, entre autres, aux exigences du marché. »


La FAO identifie l’UPA comme l’une de celles-ci : « On n’est pas la seule, mais, en Amérique du Nord, on peut affirmer qu’on est vraiment capables d’intervenir sur les marchés à partir du Québec et qu’on soutient en coopération des organisations dans des pays en développement ; la FAO a été séduite par l’idée de signer une entente de collaboration avec l’UPA et l’UPA DI [UPA Développement international]. »


Tel a été le long et fructueux cheminement conduisant à cet accord. Il reste à passer à l’action pour en tirer profit, notamment sur le plan de la biodiversité, comme le laisse entendre M. Beaudoin : « Une biodiversité économique et agroalimentaire, ça veut dire que le monde entier a besoin de l’ensemble des agricultures sur Terre, si on veut être capables de répondre aux besoins de sécurité alimentaire mondiale dans les prochaines décennies et dans les prochains siècles. On ne peut pas se permettre de concentrer la production, comme on le fait actuellement, car à la longue, c’est jouer à la roulette russe. »



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Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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