Survol de l’année 2012 - Les structures de la nature

Le campus Xiangshan de l’Académie des arts de Chine, dans la ville de Hangzhou, par l’architecte chinois Wang Shu.
Photo: Lv Hengzhong Le campus Xiangshan de l’Académie des arts de Chine, dans la ville de Hangzhou, par l’architecte chinois Wang Shu.

Cette année, le secteur de l’architecture a subi de plein fouet la crise économique mondiale. Mais ce vacillement a eu des effets positifs, notamment un grand retour aux sources de la profession. Le bling bling architectural est en déclin et, désormais, beaucoup d’architectes puisent dans les cycles et les structures de la nature pour concevoir et mettre en oeuvre leurs créations. À l’image d’une consommation en mutation, le public exige un grand sens des choses et une architecture plus responsable. Les Jeux olympiques, le Pritzker, la Biennale de Venise : voici un survol de la planète architecture en 2012.

L’architecture a toujours été un baromètre de l’humanité. C’est elle qui pose les ba ses d’une civilisation et qui donne un sens à une culture. Lorsqu’un touriste visite une ville, c’est d’abord vers l’architecture qu’il se tourne, et celle-ci laissera sur lui une empreinte indélébile et des impressions durables.


Or, en 2012, la crise économique mondiale a pris de l’ampleur. En Espagne, on n’a jamais aussi peu construit et architectes et ingénieurs s’expatrient par milliers pour pouvoir continuer à travailler. L’Europe, les États-Unis et bien d’autres pays ont connu un fort ralentissement de nouveaux projets. Mais qui dit crise dit remise en question. Alors, si la quantité n’est pas là, le renouveau architectural y est, lui.


Londres : médaille verte


Cette année, Londres a démontré qu’on peut parfaitement se servir de l’architecture des Jeux olympiques pour montrer l’exemple d’une meilleure architecture et d’une vision urbaine mieux planifiée, plus évolutive et surtout plus responsable.


À coups d’injections de milliards de dollars - 15 pour les infrastructures olympiques et 26 pour l’amélioration des transports -, la capitale anglaise a décontaminé sa banlieue avant d’y implanter de manière stratégique neuf sites olympiques autour desquels sont venus se greffer parcs, moyens de transport, crèches, logements, commerces, le tout dans le but de densifier cette partie de la ville laissée à l’abandon.


La construction des équipements sportifs du village olympique et l’apparition d’un immense parc planté de 4000 arbres ont donné l’impulsion et l’attention médiatique nécessaires pour accélérer le processus et attirer un large groupe d’investisseurs. Mais le nouveau quartier a surtout bénéficié de la force architecturale générée par certains bâtiments phares, tous gigantesques au départ, mais esthétiques, modulables et durables.


Parmi ces bâtiments, il y a forcément le Stade olympique conçu par l’agence d’architecture Populus. Pensé pour être un « deux en un », il est passé de 80 000 à 25 000 places après les Jeux, ce qui lui permet d’accueillir un club de soccer londonien dans sa vie post-JO. La réduction de sa capacité d’accueil s’est faite par le démantèlement des places supérieures, qui avaient été montées sur une structure légère d’acier et de béton comportant un maximum de matériaux recyclés.


Le même principe d’évolution a été suivi par la géniale architecte Zaha Hadid et son Centre aquatique. Destiné au départ à accueillir 17 500 person nes, celui-ci a été modifié à la fin des Jeux pour en contenir 2500. La silhouette du bâtiment, avec son immense toit en forme de vague de 160 mètres de long par 90 de large, se compose d’une ossature en acier et d’une peau en aluminium.


La charpente à double courbure a été assemblée sur un support temporaire puis fixée à trois appuis en béton armé, ce qui a permis la transformation du bâtiment. L’abondance de vitres sur les côtés et en hauteur diminue par ailleurs l’utilisation de l’électricité et favorise une ventilation naturelle. Prouesse d’ingénierie et d’architecture, cet édifice est l’un des centres aquatiques les plus modernes du monde, avec ses parois et ses fonds de bassin mobiles ajustables à toutes sortes de défis sportifs.


Ayant anticipé une fréquentation touristique de près de 800 000 personnes par année, les architectes ont aussi pensé à y ajouter un café, des vestiaires familiaux et une crèche, ainsi qu’une grande esplanade sur le parvis du Centre, qui est désormais mis à la disposition des clubs, des écoles et des collectivités locales.


Les autres installations sportives des JO ont suivi ce même esprit de transformation post-Jeux tout en favorisant notamment des systèmes de ventilation naturelle et modulaire, la récupération d’eau de pluie, le passage de l’air et la lumière naturelle. Certaines infrastructures ont même été entièrement démontées et seront probablement réutilisées lors des prochains Jeux olympiques à Rio, en 2016. Tout ça mérite bien une belle médaille verte !


Le prix Pritker 2012


Autre événement important de 2012, le Pritker est l’équivalent du Nobel en architecture et toujours un bon baromètre des tendances du moment. Cette année, c’est l’architecte Wang Shu qui a reçu le Grand Prix, pour la première fois remis à un Chinois depuis sa création en 1979. Empreinte de durabilité, d’humanisme et de réalisme, son architecture est intégrée à l’environnement et va à l’encontre du langage destructeur, sensationnaliste et superficiel qui prévaut actuellement en Chine.


Le fait d’avoir attribué le Pritker à Wang Shu n’est pas anodin. Il montre un chemin à suivre : celui d’une pratique plus inventive avec trois fois rien et aussi d’une pratique plus critique vis-à-vis de l’architecture. L’agence de petite taille qu’il a fondée avec son épouse en 1997, Amateur Architecture Studio, a fait son apparition sur la scène européenne lors de la 10e Biennale d’architecture de Venise. Présentant un champ de tuiles récupérées dans les démolitions de Hangzhou, l’oeuvre avait fait sensation !


En 2010, toujours à Venise, Wang Shu et sa femme récidivent avec une étrange installation composée de centaines d’éléments de bois assemblés sans clous ni liants et s’autoportant de manière à créer un dôme. Decay of a Dome formait une structure à part entière dont l’extrême simplicité constituait la principale innovation. « Loin de toute technologie, il s’agit bien de promouvoir la capacité à trouver des solutions imaginatives avec… rien. À l’heure où l’Occident est ruiné, où les pays émergents décollent, le choix du jury résonne comme un renversement majeur dans les recherches architecturales », commentait alors le jury de la Biennale.


Le nom d’Amateur Architecture a été choisi dans le but de dénoncer la profession d’architecte en Chine, qui, dans un contexte globalisé de mutations urbaines et rurales, se caractérise par une absence de réflexion. À travers des projets comme le Musée d’art con temporain de Ningbo ou les cinq tours d’habitation de Hangzhou, le bureau affronte le problème des destructions massives des villes et réfléchit à la façon de reconstruire dans des conditions contemporaines tout en respectant une approche traditionnelle et un meilleur rapport au paysage.


Son travail met ainsi l’accent sur le recyclage des techniques, des matériaux, des mythes. D’abord testées à petite échelle, ses expérimentations sont ensuite transposées à de grands ensembles de logements ou à des espaces métropolitains, pour finalement s’étendre à l’échelle de la ville tout entière.


Par exemple, lorsqu’il conçoit le nouveau campus de l’École nationale des beaux-arts de Hangzhou, l’architecte décide de récupérer les matériaux des vieux quartiers que la ville démolit au même moment. C’est à cette occasion qu’il exprime sa théorie du slow build, par laquelle il revendique une urbanisation plus attentive aux populations.


« J’étais écrivain avant de devenir architecte et l’architecture n’est qu’une part de mon travail, explique-t-il. Pour ma part, l’humanité est plus importante que l’architecture, et l’art de construire, plus important que la technologie. Il y a 100 ans, le rythme de vie chinois était plus lent que le rythme de vie occidental ; en 100 ans, nous sommes devenus les plus rapides. Nous ne prenons plus le temps de réfléchir. »


La Biennale de Venise


Fin août 2012 était inaugurée à Venise la 13e Biennale d’architecture qui, cette année, tentait de mettre en lumière les points communs d’une culture architecturale devenue mondiale.


« L’ambition de cet événement, a dit le commissaire en chef, l’architecte anglais David Chipperfield, est de réaffirmer l’existence d’une culture architecturale qui ne soit pas uniquement faite de talents individuels, mais bien d’une riche continuité et d’une multitude d’idées liées par une histoire commune, des ambitions communes, des situations communes et des idéaux communs. »


Sous le titre générique de Common Ground, l’édition 2012 s’étendait sur près de 10 000 mètres carrés. Malgré un thème prometteur mais assez vague, l’ensemble a été décevant. Il a pourtant laissé entrevoir des préoccupations architecturales communes qui rejoignent parfaitement celles des architectes des JO ou du Pritzker, suivant la tendance d’une architecture plus environnementale, d’un retour aux valeurs de base et d’une esthétique plus proche de l’hom me et de la nature.


La tendance qui se profile pour 2013 laisse entrevoir une utilisation plus consciente des matériaux. Le bois et les matières recyclées ont la cote, de même que les structures légères ou modulables. L’impact du carbone prend de la place. Les installations à grande échelle sont mieux pensées elles aussi et obéissent aux concepts d’évolution, de transformation, de malléabilité.


L’architecture cherche plus que jamais à dialoguer avec l’humanité et avec son environnement, et ça, c’est ce qui pouvait lui arriver de mieux !


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Collaboratrice

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