À l'invitation de l'UMQ - Des « sages » posent un regard sur les enjeux municipaux

Ce texte fait partie du cahier spécial Municipalités 2012
Les municipalités sont aux prises avec des enjeux de plus en plus complexes et leurs responsabilités s’accroissent. L’éthique, la gouvernance, la fiscalité, l’aménagement du territoire et la participation citoyenne ne sont que quelques-uns des aspects qui ponctuent la vie municipale et sur lesquels un comité de sages a dû se pencher. Une réflexion qui a abouti à un rapport assorti de constatations et de recommandations. Discussion avec l’un des membres de ce comité, l’ex-maire de Québec, Jean-Paul L’Allier.
C’est en mars 2011, dans le cadre du Sommet sur le milieu municipal, qu’Éric Forest, président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Rimouski, a annoncé la mise sur pied d’un Comité des sages formé de cinq personnalités québécoises, soit Lise Bissonnette (ex-patronne du Devoir et écrivaine incontournable), Claire L’Heureux-Dubé (ex-juge à la Cour suprême du Canada), Claude Béland (ancien président du Mouvement Desjardins), Jean-Paul L’Allier et Guy LeBlanc (président-directeur général de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour et ex-maire de Trois-Rivières). La coordination du Comité des sages était assumée par Jean Perras, ex-maire de Chelsea. En fait, les membres de ce comité avaient pour mandat de soumettre, sur la base de leurs expériences, des recommandations portant sur le présent et le devenir des municipalités.
Ainsi, leur rapport a été déposé en février dernier. Intitulé Municipalités et citoyenneté ; au coeur de l’avenir du Québec, ce document est assorti de neuf constats et de quatorze recommandations. La globalisation de l’économie, le vieillissement de la population, l’intégration des immigrants, les changements climatiques, les mutations culturelles et la saine gestion des finances publiques font partie des grands enjeux avec lesquels les municipalités devront composer au cours des prochaines années. Tel est l’un des constats émis par les sages. Voici d’autres constats : la municipalité est la première ligne du service public, elle est le premier lieu d’expression de la démocratie ; la municipalité locale doit être reconnue comme un ordre de gouvernement autonome et le cadre législatif qui la gouverne doit être revu en conséquence ; enfin, le lien de confiance entre l’élu municipal et le citoyen repose sur une éthique irréprochable. Par conséquent, lit-on, l’élu municipal doit se conduire de façon à être au-dessus de tout soupçon.
Cela étant dit, le Comité des sages recommande entre autres que la répartition des responsabilités entre les ordres de gouvernement soit clarifiée de façon à correspondre aux fonctions de chacun, que la santé communautaire, la culture, la justice et la protection du paysage soient au coeur des préoccupations municipales et que la participation du citoyen repose notamment sur l’engagement volontaire, par exemple celui des retraités et des jeunes, où convergent besoins populaires et expertises professionnelles.
La fiscalité
« Nous avons volontairement produit un rapport de quelques pages seulement, parce que les gens ne lisent pas de tels rapports quand ils ont plus de 100 pages », rappelle (avec raison) Jean-Paul l’Allier, qui ajoute avoir apprécié cet exercice de réflexion avec ses collègues. « Ç’a été très enrichissant comme expérience, mais, en même temps, ç’a été frustrant parce qu’on s’est aperçu que, même si les membres du comité venaient d’horizons différents, on voyait le même paysage. Frustrant aussi parce que ça fait 25 ans qu’on dit à peu près les mêmes choses sur le plan de la fiscalité. »
C’est-à-dire ? « Écoutez, il y a un problème de financement dans les municipalités. Le problème, c’est que la seule source de financement des municipalités, c’est la taxe foncière. Si on veut avoir des sous pour faire son travail comme municipalité, on doit passer en fin de compte par le développement, la croissance : on ajoute trois maisons, on ajoute de fait des taxes. Par contre, soulève l’ex-maire, on s’aperçoit que la croissance à elle seule n’est pas suffisante, ce n’est pas avec ça qu’on fait des villes. En clair, s’il n’y a pas de planification, s’il n’y a pas d’intégration des autres décideurs sur le même territoire, on s’en va carrément dans la vase », illustre Jean-Paul L’Allier.
L’éthique
Sur le plan de l’éthique, M. L’Allier estime que la dragée est tenue un peu trop haute pour les élus municipaux. « On ne peut pas demander aux élus municipaux d’être irréprochables pendant qu’on fait ce qu’on veut ailleurs. Il n’y a pas une journée où il n’y a pas un ministre fédéral qui s’est fait attraper la main dans le sac. Le citoyen dans la rue n’a pas une grille devant lui qui dit qu’au fédéral, chez les grosses pointures, on peut faire plein de petites cochonneries. Qu’à l’échelle provinciale on peut en faire de plus petites et qu’au municipal on ne laisse rien passer ! »
Un exemple ? « Écoutez, si un élu municipal reçoit une plante verte à Noël qui vaut, disons, 75 $ ou 100 $, on ne peut pas se mettre à calculer si c’est bien ce qu’elle vaut. Est-ce que j’ai le droit de l’accepter ? Et ainsi de suite. Voyons donc, il faut baser l’éthique sur autre chose que des minimesures de contrôle qui sont autant de petits pièges dans lesquels on se prend les orteils. » L’éthique, dit-il, « c’est d’abord une question de valeurs personnelles, d’attitudes et de convictions, avant d’être l’objet d’une législation, de règlements et d’un contrôle ».
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Collaborateur
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