Les Olympiques au féminin, c'est du sport

Tous les sports au programme des Jeux olympiques d'été seront ouverts aux femmes, à Londres, pour la première fois de l'histoire. Une occasion de discuter de la présence des femmes dans le monde du sport avec la présidente de la commission «Femme et sport» du Comité international olympique (CIO), Anita L. DeFrantz. Ancienne athlète olympique et ex-vice-présidente du CIO, elle a constaté les gains des femmes depuis les années 1970. Le Devoir l'a jointe à Los Angeles, à trois mois des Jeux de Londres.
N'est-il pas étonnant qu'il ait fallu attendre 2012 pour que les femmes soient admises dans tous les sports aux Olympiques?C'est terriblement décevant, oui, mais quand je regarde le reste du monde et pratiquement toutes les institutions internationales, je constate que les femmes sont encore loin derrière... Je pense que les avancées dans le domaine du sport sont toutefois une preuve qu'on peut arriver à l'égalité.
Vous étiez une athlète de l'aviron dans les années 70; vous avez même participé aux Jeux olympiques de Montréal. Comment les femmes étaient-elles vues?
Aux États-Unis, à cette époque, il n'y avait aucun financement du comité olympique national pour soutenir les athlètes. On était donc laissés à nous-mêmes. Mais des arrangements étaient possibles pour les appuyer — toujours les hommes, évidemment. Par exemple, en aviron, les gars pouvaient vivre dans le hangar à bateaux, tandis que nous, on devait trouver un endroit où habiter — et payer un loyer!
Fait intéressant: quand j'ai participé aux Jeux olympiques, les femmes étaient logées à un endroit et les hommes à un autre. Généralement, les entraîneurs étaient des hommes, ce qui rendait les choses plus compliquées pour les femmes. Ça n'avait pas de sens! Pour les Jeux de 1984, j'ai proposé la mixité dans les résidences et depuis ce temps, c'est ce qui se fait.
Les choses ont énormément bougé depuis les jeux de 1976, n'est-ce pas?
Oui! En 1976, seulement 20,6 % des athlètes étaient des femmes. En 1984, le taux était de 23 % et en 2008, de 42 %. Cette année, 45 % des compétitions seront féminines.
Car si les femmes seront présentes dans tous les sports, il reste qu'il y aura des disciplines où elles ne seront pas. Par exemple, pour la lutte, il existe deux disciplines: style libre et gréco-romaine. Les femmes seront représentées seulement dans la seconde. Il y aura donc plus d'événements pour les hommes; une demi-douzaine de sports comprennent des disciplines qui n'ont pas encore accueilli de femmes.
À l'inverse, une discipline n'accueille que des femmes: la nage synchronisée.
Quels sont les défis qui demeurent aujourd'hui pour les femmes?
Avoir l'entraînement dont elles ont besoin. Quand elles arrivent aux Olympiques, c'est un niveau très élevé: il faut avoir le bon entraînement, les bons coachs, les bons moyens.
Mais le plus important défi qui demeure, c'est la couverture médiatique, inéquitable. Pendant les Jeux, la couverture médiatique des athlètes féminines est proportionnelle à leur nombre. Tristement, c'est la seule fois de l'année...
Ça varie d'un pays à l'autre, mais c'est souvent embarrassant de constater les chiffres [en 2005, la LA84 Foundation estimait que 91,4 % du temps d'antenne à la télévision américaine concernait des sportifs masculins, contre 6,3 % pour les sportives. Le 2,4 % restant était neutre].
Que fait précisément la commission «Femme et sport»?
On fait des recommandations au conseil d'administration du CIO pour améliorer la présence des femmes et on a aussi une conférence mondiale tous les quatre ans pour obtenir des informations — et de bonnes idées — de partout dans le monde. La commission encourage aussi directement les femmes par un programme appelé «Solidarité olympique», qui soutient les comités nationaux olympiques en offrant des bourses pour les athlètes féminines et qui permet de donner de la formation et de l'appui technique aux entraîneures.
Il y a encore des pays qui n'ont jamais eu de femmes parmi leur délégation. Que fait le CIO à ce sujet?
En effet, il y en a trois: le Qatar, le Brunei et l'Arabie saoudite. Mais ils devraient tous en avoir cette année à Londres. Le CIO a pris la décision de soutenir ces pays plutôt que de les punir. On trouve que les pénalités n'aident pas vraiment. On a déjà suspendu l'Afghanistan, par exemple, quand les talibans étaient au pouvoir... Sans grands résultats.
Tous les 205 autres pays ont eu des femmes parmi leur délégation. Mais il est vrai que, parfois, de plus petits comités nationaux comprennent seulement des femmes ou seulement des hommes. Il faut souligner que ce n'est pas toujours une question de volonté. Parfois, le Luxembourg n'a que des femmes, par exemple, parce que les hommes ne se sont pas qualifiés.
Le CIO demande aux comités nationaux olympiques et aux fédérations sportives internationales de compter 20 % de représentation féminine parmi les administrateurs et décideurs. Mais rares sont les pays qui atteignent la cible...
En effet, les femmes sont minoritaires dans les postes décisionnels et c'est un problème. En ce moment, sept fédérations sportives internationales n'ont aucune femme à leur conseil d'administration et l'une d'elles n'en a jamais eu: celle du soccer [la Fédération internationale de football]. De nombreuses recherches ont pourtant démontré que lorsqu'un conseil d'administration compte des femmes, il fonctionne mieux.
Pourquoi les femmes sont-elles peu nombreuses dans ces postes-clés?
Peut-être qu'elles ne sont pas élues ou qu'elles n'obtiennent pas de soutien politique pendant le processus électoral... Et aussi, ce n'est pas facile. Il faut pouvoir voyager pour les élections et certaines femmes trouvent que c'est difficile à gérer avec leur situation familiale.