Mobilité durable - Montréal est à l'heure des choix

Ce texte fait partie du cahier spécial Transport - Grand Montréal
Moins dans les routes, plus dans le transport collectif. Pour plusieurs organismes qui font la promotion de la mobilité durable, nous voilà à l'heure des choix. Et, selon eux, Québec devrait réduire ses investissements dans le développement, le prolongement et l'élargissement d'autoroutes en région urbaine, pour les rediriger vers le financement du transport collectif.
Autoroutes ou transport collectif? «On ne peut pas avoir les deux. Il n'y a pas assez d'argent pour tout. Un des éléments importants, c'est de freiner le développement du réseau autoroutier», remarque Luc Rabouin, directeur du Centre d'écologie urbaine de Montréal (CEUM).À coups de milliards
Le ministère des Transports (MTQ) a annoncé en février dernier que 700 millions de dollars seront consacrés à l'élargissement du réseau routier et autoroutier seulement pour l'année 2012-2013. «Il y a un problème avec le MTQ, qui a beaucoup de pouvoir et de ressources et qui est encore dans une logique de développement autoroutier. Il commence à avoir le discours de la mobilité durable, mais il est tellement loin en arrière. Il y a un changement de culture à faire dans ce ministère», dit Luc Rabouin.
Quelque 16,3 milliards de dollars, soit 82 % du Fonds des réseaux de transport terrestre (FORT), seront dédiés au réseau routier pour les cinq prochaines années, dont 5,4 milliards serviront à la construction, à l'agrandissement et au parachèvement de nouvelles routes dans les grands centres urbains du Québec. Le transport en commun, lui, ne se voit décerner qu'une enveloppe de 2,9 milliards pour les cinq prochaines années, soit seulement 18 % du FORT.
«Le réseau routier est assez bien développé. Ce qu'on devrait faire, c'est essentiellement de l'entretenir, parce qu'il n'est pas nécessairement en bon état, mais on ne devrait pas l'agrandir. Cet argent qu'on épargnerait, on l'investirait dans le transport en commun. Ce n'est même pas une nouvelle source de revenus, c'est une nouvelle allocation des fonds existants», suggère Luc Rabouin.
Nécessaire choix
Steven Guilbeault, cofondateur d'Équiterre, partage ce point de vue. «On ne peut pas avoir une chose et son contraire. Si on fait plus d'autoroutes, les gens vont prendre leur voiture et on n'aura pas d'argent pour le transport en commun ou on va en avoir moins, dit-il. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.»
Le dernier budget provincial prévoit que 1,5 milliard de dollars, financés par le marché du carbone, seront réinvestis dans le transport collectif. Cette mesure a été bien accueillie, mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Pour réaliser les projets envisagés par les autorités organisatrices du transport dans le Grand Montréal d'ici 2020, 22,9 milliards de dollars seraient nécessaires.
Un choix entre deux options, qui ne se limite pas qu'à une question de financement. Il s'agit aussi d'une décision qui a un impact écologique certain. Si un investissement massif est dirigé dans les infrastructures routières, au-delà de leur simple réfection, rien ne semblerait inciter les automobilistes à abandonner leur volant.
Pollution routière
Aujourd'hui, le transport routier demeure la plus importante source de gaz à effet de serre (GES). Le transport terrestre génère 40 % des émissions de GES dans la région métropolitaine de Montréal et 44 % de celles au Québec. En 2006, la CCM a évalué que 36 % des GES liés au transport sur son territoire étaient dus aux automobiles, 48 % aux camions (lourds et légers), alors que seulement 14 % étaient causés par le transport hors route (maritime, ferroviaire et aérien) et 2 % par les autobus. Les émissions de GES par le transport routier ont augmenté de 29,6 % entre 1990 et 2009, entre autres à cause de la soudaine popularité des VUS et des minifourgonnettes.
Or Québec vise pour 2020 une réduction de 20 % des GES sous le niveau de 1990. «Le secteur industriel est déjà sous le niveau de 1990, alors ce n'est pas là qu'on va aller presser le citron, observe Steven Guilbeault. Si on veut atteindre les objectifs que Québec s'est donnés pour 2020, on doit absolument passer par les transports et ça doit passer par la mobilité durable.»
«Quand on lance les deux messages en même temps, on vient d'annuler celui qui incite à prendre davantage le transport collectif, lance Coralie Deny, directrice générale du Conseil régional de l'environnement de Montréal. Lorsqu'on regarde dans les années 60, il y a eu la construction du métro qui a été fantastique au niveau de la structuration du transport collectif. Mais, en même temps, on a fait les grandes autoroutes urbaines. Globalement, le résultat a été que le pourcentage de l'utilisation du transport collectif, par rapport au transport routier, n'a pas augmenté, mais a plutôt continué à diminuer, malgré la construction du métro.»
Congestion
L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Conférence européenne des ministres des Transports (CEMT) ont indiqué, dans un document publié en 1995, que «la construction d'un nombre croissant de voies routières dans les villes et les grandes agglomérations a permis à un plus grand nombre de personnes de se déplacer en voiture, mais n'a pas réduit notablement l'ampleur de l'encombrement aux heures de pointe».
Pour l'année 2003, le service de consultation et d'expertise ADEC avait estimé à 1,4 milliard le coût de la congestion automobile à Montréal. Quelque 27 % des distances parcourues en heures de pointe, le matin, étaient en congestion. «Les comportements sont conditionnés par les infrastructures ou les services qu'on met en place, juge Luc Rabouin. Si on ajoute une voie de circulation, elle va se remplir. Si on ajoute une ligne de bus, les gens vont la prendre. Si on ajoute un train, les gens vont le prendre. À Montréal, on a mis des Bixi, les gens les utilisent. Nous, ce qu'on dit, c'est d'arrêter de mettre des voies pour les automobiles, mettons-en pour le transport en commun, et les gens vont faire le changement.»
Appliquer le PMAD
Pire. Miser sur les routes, plutôt que sur le transport collectif, risque d'affecter l'aménagement durable du territoire. «Il est évident que nos villes s'urbanisent, se développent et grandissent souvent en fonction du type d'infrastructures qu'on met en place, observe Christian Savard, directeur général de Vivre en ville. Si on investit essentiellement dans l'infrastructure lourde routière, ça va attirer invariablement un type de développement dépendant de l'auto qui, selon nous, ne va pas dans le sens des objectifs du PMAD.»
Plutôt que d'encourager les aires TOD (pour Transit-Oriented Development), on stimulerait ainsi des quartiers à la Dix30, au croisement d'autoroutes, quasi exclusivement accessibles en voiture. À l'inverse, un transport en commun structuré permettrait d'occuper moins d'espaces, tant en restreignant les voies de transport, par la concentration des passagers dans les véhicules, qu'en entraînant, via les aires TOD, la densification de l'aménagement urbain. «Plus de transport collectif, ça veut dire une meilleure protection des terres agricoles et des milieux naturels, parce que, autour du transport collectif, on fait une forme urbaine plus réduite, plus compacte, plus dense, qui fait qu'on a besoin de moins de territoire», croit M. Savard.
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Collaborateur du Devoir
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