Exposition - Ce qu'il y a derrière le voile

La jeune musulmane Dalila Awada est l’une des femmes qui font partie de l’exposition Ce qui nous voile, une série de photographies de femmes voilées de Montréal
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir La jeune musulmane Dalila Awada est l’une des femmes qui font partie de l’exposition Ce qui nous voile, une série de photographies de femmes voilées de Montréal

On les voit dans la rue, dans les autobus, un peu partout dans les lieux publics. On parle d'elles dans les médias, les opinions s'affrontent sur leur choix.

Mais elles, les femmes voilées, comment se sentent-elles, comment se racontent-elles?

«Je ne veux pas être tolérée», écrivait récemment, dans une lettre aux journaux, la jeune musulmane Dalila Awada, née ici de parents originaires du Liban, qui dit porter le voile tout en écoutant du Richard Desjardins et ne pas vouloir choisir entre sa culture québécoise et ce choix identitaire.

Dalila Awada est l'une des femmes qui font partie de l'exposition Ce qui nous voile, une série de photographies de femmes voilées de Montréal qui sera présentée jusqu'au 15 mai, à la galerie Corrid'art, rue Saint-Hubert, à Montréal.

L'idée de cette exposition est d'Andréanne Pâquet, directrice des opérations à la Fondation Tolérance, et les photos sont d'Éric Piché.

Aujourd'hui, la galerie donnera aussi l'occasion au grand public de rencontrer quelques-unes de ces femmes voilées en personne, de les aborder, de leur parler.

«Nous serons toutes assises à des tables différentes et les gens pourront venir nous parler. C'est pour montrer la diversité des personnes qui portent le voile», dit Dalila Awada, étudiante en sociologie de 22 ans.

Seulement 2 des 53 participantes à l'exposition ont dit porter le voile à cause de pressions de leur famille.

Dalila Awada, quant à elle, a fait ce choix à l'âge de 13 ans, «pour faire partie de la communauté». «Un peu comme une enfant porte des talons pour ressembler à sa mère», lance-t-elle. Puis, le port du voile est devenu pour elle une valeur, une pratique de la modestie, qui l'incite, dit-elle, à travailler sur ses valeurs intérieures. Elle dit le porter en particulier quand elle est en compagnie d'un homme qu'elle pourrait épouser. Du moins en théorie.

À 13 ans, donc, le port du voile a été facile. Aucun commentaire, aucune insulte de qui que ce soit à l'école Calixa Lavallée que Dalila fréquentait. C'est à son arrivée sur le marché du travail, dans le monde des cosmétiques, que ç'a été plus difficile. Elle doit parfois affronter des clients qui changent de caisse pour ne pas qu'elle les serve. «Plus je vieillis, plus je réalise qu'il y aura des obstacles», dit-elle. Selon elle, les Québécoises les plus heurtées par le port du voile sont des femmes d'un certain âge, qui ont vécu la Révolution tranquille après avoir été opprimées par l'Église. Dalila Awada dit qu'il lui est arrivé aussi, exceptionnellement, d'être arrêtée ou insultée dans la rue, ou de se faire dire de retourner dans son pays.

Pour les femmes qui le portent, le voile est un engagement à long terme. La mère de Dalila ne l'a porté que bien après s'être mariée et avoir eu des enfants, peut-être pour éviter l'ostracisme de sa société d'accueil. Plusieurs de ses tantes et cousines ne le portent pas.

«À l'époque où j'ai commencé à porter le voile, en 1992, il y avait très peu de femmes voilées à Montréal, raconte une autre participante à l'exposition. J'étais ostracisée complètement. Plusieurs musulmanes ne se voilaient pas, par peur de ce que ça susciterait, même si elles le voulaient. Après l'arrivée massive de femmes le portant déjà [au cours des années 1990-2000], les femmes se sont mises à avoir moins peur de le porter.»

Regain d'intérêt


Selon Dalila Awada, il y a un regain d'intérêt pour le voile chez les jeunes musulmanes de sa génération, deuxième génération d'immigrants arrivés au Québec, qui sont bien intégrés dans la société québécoise et qui veulent assumer leur identité.

Les femmes présentées dans l'exposition ont d'ailleurs en moyenne 27 ans. Quelque 42 % sont nées au Québec, 3 sont des catholiques converties à l'islam. Elles disent aimer du Québec le mouvement féministe, l'hiver, le pluralisme culturel, le bilinguisme, la liberté de penser et la poutine... En moyenne, ces femmes ont commencé à porter le voile vers l'âge de 17 ans. La majorité s'opposaient au port du niqab, qui ne découvre que les yeux d'une personne, et de la burqa, qu'elles ne considèrent pas comme une tradition musulmane.

Andréanne Pâquet, quant à elle, précise qu'elle n'est ni musulmane ni sur le point de se convertir. «À travers ce projet, j'espère créer un espace de dialogue afin d'en discuter et de créer des ponts entre les communautés», dit-elle.

Les Québécois musulmans forment environ 1,5 % de la population.

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