Sévices sexuels - Les Clercs de Saint-Viateur visés par un recours collectif

Les pédophiles de l'Église catholique auraient fait des victimes jusque chez les enfants sourds et muets.

En autorisant un recours collectif contre les Clercs de Saint-Viateur, responsables de l'Institut Raymond-Dewar, la Cour supérieure a ouvert hier un nouveau chapitre dans l'histoire d'horreur de la pédophilie dans les congrégations religieuses. Les pensionnaires de l'Institut situé jadis au 7400, boulevard Saint-Laurent auraient été réduits à l'esclavage sexuel par 28 clercs et 6 laïcs. Si les pierres de l'édifice qui sera bientôt transformé en condos de luxe pouvaient parler, elles crieraient leur rage jusqu'à en pleurer. Des mineurs auraient été battus et violés systématiquement sans que la Congrégation lève le petit doigt pour les défendre et les protéger, entre 1940 et 1982.

L'ancien directeur de l'Institut et supérieur provincial des Clercs de Saint-Viateur, Étienne De Blois, et un psychologue, Gilles Brazeau, auraient été alertés, mais ils n'auraient rien fait afin de protéger les victimes ou de dénoncer les agresseurs, allèguent des documents judiciaires. Au contraire, les Clercs de Saint-Viateur se seraient concertés en vue de commettre et de masquer les agressions sur des enfants parmi les plus vulnérables de la société.

La juge Eva Petras estime qu'il y a matière à autoriser le recours collectif. «Le devoir de la société est d'assurer la protection des enfants vulnérables et, dans les cas où cette protection ne leur a pas été offerte, leur permettre d'avoir accès à la justice de la façon la plus simple et moins coûteuse», écrit-elle.

L'avocat des sourds et muets, Pierre Boivin, a déjà recensé 75 victimes potentielles. Il réclame 100 000 $ en dommages pour tout élève ayant subi des agressions sexuelles ou physiques à l'Institut entre 1940 et 1982. Ce recours pourrait aussi important que le règlement à l'amiable de 18 millions conclu entre la Congrégation de Sainte-Croix et ses 225 victimes. «C'est un des plus gros dossiers d'abus sexuels sur des enfants par des religieux au Québec, a dit Me Boivin, du cabinet Kugler Kandestin. On a des adultes, des religieux en situation d'autorité qui abusent des enfants sourds et muets. C'est la totale.»

Le plaignant désigné aux fins du recours, Serge D'Arcy, avait 9 ans quand il a subi ses premiers attouchements. Son calvaire a duré huit ans, un quotidien de violence sexuelle et physique. Non seulement les prêtres l'ont violé, mais ils lui ont aussi cassé les dents, arraché les cheveux et lacéré la peau quand il se rebiffait.

M. D'Arcy a connu une vie marquée par des abus d'alcool, de drogue et des pulsions suicidaires. Il a cru qu'il était le seul... Jusqu'à ce qu'un ancien camarade de classe se confie à lui en 2010, alors qu'il était dans la cinquantaine.

Peu à peu, le Centre de la communauté sourde du Montréal métropolitain (requérant dans cette affaire) a fait sortir les victimes de l'isolement. Un pensionnaire a été violé par 15 agresseurs différents. Un autre devait subir et donner des fellations tous les jours. Un autre était si épuisé de servir «d'esclave sexuel» la nuit qu'il s'endormait sur son pupitre le jour.

Il n'est pas simple pour eux de mettre des mots sur leurs souffrances, d'autant plus qu'ils sont handicapés. «La majorité d'entre eux sont des enfants dans des corps d'adultes. Au lieu de les éduquer, on les a abusés. Ils vivent avec des séquelles et ils sont lourdement hypothéqués», constate Me Boivin.

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