À la Cinémathèque québécoise - Le cinéma muet à l'honneur

Pendant que les jeunes font relâche, Laurel et Hardy reprennent du service. Le célèbre duo comique envahira les écrans de la Cinémathèque québécoise le temps d'une semaine, pour la relâche scolaire, et permettra aux jeunes et aux moins jeunes de découvrir trois œuvres caractéristiques du burlesque muet américain de la fin des années 20. Un voyage dans le temps, un retour à l'âge d'or du cinéma et, bien entendu, une bonne dose de rires.
Dans un chic hôtel, employés et visiteurs attendent fébrilement l'arrivée de deux invités de marque: le prince d'un pays étranger et son secrétaire. Mais, au moment où la voiture princière se gare devant les portes de l'hôtel, ce sont plutôt Laurel et Hardy qui, nonchalamment, font leur entrée dans le hall et reçoivent un accueil royal. Un quiproquo qui donne le ton à Double Whoopee (v.f.: Son altesse royale), l'un des trois films muets que projettera tous les jours la Cinémathèque pendant la relâche scolaire.Outre Double Whoopee, chaque projection réunira également les films Big Business (v.f.: Oeil pour oeil) et Liberty (v.f.: Vive la liberté), tous réalisés en 1929. Ces trois courts films seront accompagnés en musique par les étudiants de la Faculté de musique de l'Université de Montréal, qui s'exécuteront en direct.
Poursuivre la tradition
Plus de 80 ans plus tard, il semble que la magie des oeuvres mettant en vedette le célèbre duo formé du «gros» et du «petit» opère toujours. «Les films de Laurel et Hardy ont bien vieilli. C'est un humour ravageur qui fonctionne très bien. Les comédies physiques de ce genre-là sont rares aujourd'hui», assure Marco de Blois, programmateur et conservateur à la Cinémathèque québécoise.
Ces projections de films muets pendant la semaine de relâche sont devenues une tradition pour la Cinémathèque, qui a lancé le projet il y a six ans. Au fil du temps, Charlie Chaplin, Koko le clown et Buster Keaton se sont notamment succédé sur les écrans et, chaque fois, le public a répondu présent au rendez-vous.
«Pour plaire, il faut que les films soient drôles, joyeux, amusants. Pour les jeunes, c'est une expérience particulière et rare de visionner des films dans une salle de cinémathèque, ajoute M. de Blois, qui ne s'étonne pas du succès des films muets auprès des jeunes. Assister à la projection d'un film de Laurel et Hardy, c'est à la fois formateur et amusant», précise-t-il.
Cet engouement renouvelé pour le cinéma muet et le burlesque, la Cinémathèque le doit également aux étudiants de l'Université de Montréal qui assurent l'accompagnement musical en direct et donnent ainsi vie aux films projetés.
Cette année, près d'une dizaine d'étudiants inscrits à la maîtrise en composition de musiques d'applications audiovisuelles seront à l'oeuvre pour rythmer les actions du duo comique. Et pas question de se limiter au traditionnel piano. Pour l'occasion, trompette, contrebasse, clavier et batterie seront mis à contribution.
«C'est certain qu'on évite la synchronisation absolue, comme les coups de marteau dans les films de Mickey Mouse! On se concentre davantage sur l'atmosphère, précise le professeur Pierre-Daniel Rheault, qui supervise les étudiants. La musique, ça amplifie la narration de l'histoire.»
Engouement renouvelé
Si on ajoute au succès des projections de la Cinémathèque la sortie fort remarquée du film français The Artist et la récente restauration du classique de 1902 de Georges Méliès, Le voyage dans la lune, assisterions-nous à un renouveau de l'intérêt pour le cinéma muet?
Doctorant à l'Université Concordia, Louis Pelletier s'intéresse depuis plusieurs années au cinéma muet et constate effectivement un nouvel intérêt pour le cinéma muet et le burlesque, qu'il attribue à l'amélioration de la qualité des copies projetées, mais aussi au caractère universel du genre.
«Le cinéma muet, c'est un climat particulier. La vitesse de la projection, généralement plus rapide que la vitesse réelle, crée un monde merveilleux. [...] En plus, il y a quelque chose d'intemporel dans le cinéma muet et burlesque. Que ce soit avec Charlot ou Laurel et Hardy, ce sont tous des personnages dans lesquels on peut facilement se projeter», ajoute-t-il.
Pas de doute non plus pour Pierre-Daniel Rheault. Le cinéma muet, c'est un «langage universel» qui rallie autant les parents que les enfants. «Une fois qu'on adhère au genre, qu'on adhère au discours, on admet que c'est farfelu... et on aime ça!», lâche-t-il au bout du fil.
Visuellement impuissant face aux films actuels qui multiplient les effets spéciaux et qui repoussent les limites de la fiction en intégrant désormais la 3e dimension, le cinéma muet et burlesque possède un atout non négligeable: l'importance accordée à la qualité de l'histoire.
«On peut ajouter de belles images, de beaux effets, mais ce qui fait le succès d'un film, c'est son histoire, résume M. Pelletier. Par exemple, ce qui fait le succès des films d'animation de Pixar, c'est bien sûr la qualité des animations et des images, mais c'est d'abord et avant tout que les films racontent des histoires intéressantes», insiste-t-il.
Un constat partagé par M. Rheault, qui espère que ce nouvel engouement pour le cinéma muet pourra «ramener le cinéma bavard à des valeurs plus minimalistes, pour se concentrer davantage sur l'histoire».
Cela dit, il y a l'histoire, oui, mais il y a plus. «Du cinéma burlesque, ce n'est pas simplement un film: c'est une chorégraphie, une danse, un ballet», croit Louis Pelletier. Force est de constater que, dans le cas de Laurel et Hardy, les pas semblent parfois maladroits, mais que la chorégraphie, elle, est réussie. Entrerez-vous dans la danse?
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Collaborateur du Devoir
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Voici Laurel et Hardy!
Tous les jours à 14h, du 5 au 9 mars, à la salle Claude-Jutra de la Cinémathèque québécoise. À l'achat d'un billet adulte à 11 $, obtenez un billet pour enfant (6-15 ans) gratuit. 6 $ par enfant supplémentaire. Étudiants et aînés: 9 $. Information: http://www.cinematheque.qc.ca.