Compteurs intelligents: Hydro-Québec veut aller trop vite, évalue un spécialiste

Hydro-Québec veut aller trop vite dans le déploiement de ses compteurs «intelligents», soutient un expert dans un rapport soumis le mois dernier à la Régie de l'énergie.
Edmund Finamore, président de la firme américaine ValuTech Solutions, soutient que les projets-pilotes actuellement en cours ne permettront pas de récolter suffisamment de données pour valider le bon fonctionnement, à grande échelle, du système choisi.Il recommande à la société d'État de prolonger de 6 à 12 mois la durée des projets-pilotes afin de se donner plus de temps pour évaluer la performance des nouveaux compteurs. Les projets-pilotes, qui touchent 27 000 clients à Boucherville, dans le quartier montréalais de Villeray et dans la région de Memphrémagog, doivent prendre fin en juin 2012.
M. Finamore suggère également à la Régie d'ordonner à Hydro le dépôt d'une analyse détaillée des projets-pilotes et d'une estimation mise à jour des coûts totaux du projet avant de donner le feu vert au déploiement du système dans l'ensemble du Québec.
«Les objectifs des projets-pilotes et les résultats de ceux-ci, comme ils sont décrits dans la demande d'autorisation d'Hydro-Québec, ne sont pas suffisants pour valider les coûts anticipés du projet», a-t-il écrit dans son rapport.
Le spécialiste entrevoit déjà des dépassements de coûts, soulignant qu'il est difficile d'évaluer avec précision le temps que prendra l'installation de chaque compteur, surtout à Montréal, où 69 % des appareils sont situés à l'intérieur des résidences et des commerces. Dans de telles circonstances, il faut parfois plusieurs tentatives pour rejoindre les clients concernés et effectuer l'installation des nouveaux compteurs.
Le coût prévu de l'opération — 997 millions ou 262 $ par compteur — est déjà parmi les plus élevés en Amérique du Nord lorsqu'on le compare avec des projets semblables réalisés par d'autres distributeurs d'électricité. Edmund Finamore souligne notamment que le budget consacré aux services fournis par des consultants est particulièrement élevé.
Économies sur la main-d'oeuvre
Avec les nouveaux compteurs, Hydro-Québec prévoit économiser 300 millions sur 20 ans, en coûts de main-d'oeuvre principalement. Le futur système permettra en outre d'établir avec précision la consommation des clients et de passer à une facturation mensuelle.
Or, Edmund Finamore déplore qu'Hydro n'utilise pas toutes les fonctionnalités que permettent les compteurs électroniques, comme la possibilité pour chaque client de consulter sa consommation en temps réel sur Internet, l'envoi d'alertes par courriel en cas de panne ou la tarification modulée selon le moment de la journée.
Le rapport Finamore a été commandé par le Groupe de recherche appliqué en macroéconomie (GRAME), qui fait la promotion du développement durable.
Une fois les projets pilotes terminés, Hydro-Québec souhaite installer les nouveaux compteurs en trois phases qui s'étaleront de la mi-2012 à 2017.
En mai dernier, Hydro a confié à l'entreprise suisse Landis+Gyr la fabrication des 3,8 millions de nouveaux compteurs, au coût de 350 millions. Rogers Communications sera responsable de la connexion sans fil des appareils tandis que la suédoise Ericsson devra mettre en place le système de gestion des données.
Le projet a suscité une levée de boucliers chez les syndiqués d'Hydro-Québec en raison des 725 suppressions de postes prévues chez les releveurs. Plusieurs groupes s'inquiètent aussi des répercussions sur la santé des radiofréquences émises par les nouveaux compteurs.
Hydro-Québec n'a pas voulu réagir publiquement au rapport Finamore avant la tenue des audiences devant la Régie de l'énergie, qui doivent avoir lieu plus tard cette année.
Il convient de noter que le rapport se fonde uniquement sur les documents rendus publics par Hydro, la société d'État ayant refusé de communiquer à ValuTech plusieurs données importantes sur le projet.