Service des égouts - Le complot impliquait 10 employés de Veolia
Ce n'est pas un, mais bien dix employés de la firme française Veolia qui ont comploté avec des entreprises concurrentes pour se partager les contrats de service d'égouts dans la grande région de Montréal entre 2007 et 2009.
En entrevue au Devoir, Bruno Masson, directeur juridique de Veolia propreté, maison mère de la filiale Veolia ES services industriels, a reconnu que la participation au cartel mis au jour récemment par le Bureau de la concurrence du Canada (BCA) n'était pas le geste isolé d'un employé.Une seule personne a toutefois été «exclue», a précisé M. Masson, les autres travailleurs ayant collaboré à dénoncer le système de collusion auquel participait Veolia avec six autres entreprises. Ces dernières ainsi que cinq individus sont accusés d'avoir truqué des offres de services pour l'obtention de contrats municipaux et provinciaux dans le secteur des égouts. Une seule firme a plaidé coupable et payé une amende de 75 000 $.
De son côté, Veolia bénéficie de l'immunité pour avoir dénoncé le stratagème de coordination des soumissions et en avoir fourni les preuves. L'effet pervers du programme gouvernemental, tel que le révélait Le Devoir le mois dernier, fait en sorte que Veolia pourra continuer à soumissionner sur les marchés publics. Or ses con-currentes se verront interdire cet accès si elles sont reconnues coupables lors de leur procès débutant en janvier.
Cette manchette a fait bondir Veolia, qui a demandé l'autorisation au Bureau de la concurrence de réagir malgré les exigences de confidentialité qui lui sont imposées. Venu de Paris cette semaine, dans un aller-retour express, Bruno Masson s'est dit «profondément choqué», brandissant les valeurs éthi-ques du groupe qu'il représente alors que l'image de l'entreprise est «ternie».
«Aujourd'hui, je suis le méchant garçon qui a dénoncé ses camarades de jeu. Ceux qui n'ont rien fait et qui n'avaient même pas l'intention de lever le petit doigt et qui peut-être étaient très contents de continuer comme ça, eux, aujourd'hui, sont les héros», a lancé M. Masson.
Puis, il a ajouté que «le but du jeu n'a jamais été d'évincer la concurrence». «Nous croyons aux vertus de la concurrence. C'est indispensable dans une économie de marché. Nous ne tergiversons pas avec la loi, surtout quand on est responsable vis-à-vis de salariés et que nous sommes responsables d'actionnaires qui nous font confiance», a affirmé M. Masson.
Ce dernier est responsable de la formation éthique de l'ensemble des cadres chez Veolia propreté et de ses filiales à travers le monde. Or les dirigeants québécois n'a-vaient pas bénéficié jusque-là des enseignements de M. Masson.
C'est un courriel interne envoyé le 22 juin 2009 qui a alerté la direction de l'entreprise sur la gravité de ce qui s'y déroulait. En pleine période de vacances estivales, Veolia a fait enquête en quelques semaines et a alerté le Bureau de la concurrence en août de la même année. Pour M. Masson, il s'agit d'abord d'«un problème humain» qui ne peut être associé à une stratégie d'entreprise. Depuis ces événements, Veolia ES services industriels a relocalisé ses activités à l'extérieur de l'île de Montréal. L'entreprise entend continuer à brasser des affaires avec les municipalités et les ministères.