Montréal et Lyon - « Le développement du transport collectif dans les zones urbaines est une obligation »

Le tramway de Lyon
Photo: Frédéric de la Mure/M.A.E. 2008 France Ministère des affaires étrangères Le tramway de Lyon

Le transport collectif figure à titre de priorité dans les plans d'aménagement et de développement des grands ensembles urbains, pour la bonne raison que le monde vit de plus en plus à l'ère du développement durable, qui est devenu indissociable de la qualité de vie des citoyens: Montréal et Lyon n'échappent pas à cette tendance lourde.

Du côté de la métropole québécoise, Michel Labrecque, président du conseil d'administration de la Société de transport de Montréal (STM), jette à prime abord un regard plutôt encourageant sur ce qui se passe en transport en commun dans l'agglomération de Montréal: «Plusieurs éléments en place sont très forts. Premièrement, on a un centre-ville qui a moins subi l'effet "trou de beigne" que d'autres villes nord-américaines. Aussi, on a un très fort taux d'utilisation des services en matière d'achalandage, mais aussi en ce qui concerne le nombre moyen de déplacements par année et par habitant: c'est un des plus élevés en Amérique du Nord, avec celui de New York, et on fait partie du quintette des villes où on enregistre plus de 200 déplacements par année et par habitant.»

Il poursuit dans la même veine: «Si on prend les citoyens de Montréal qui se dirigent vers le centre-ville, on va chercher près des deux tiers des déplacements en transport collectif et on est à plus de 40 % de transport à répartition modale sur le territoire de l'île.» Le temps des fermetures de ligne est révolu et les services font preuve d'une constante évolution: «On a mis en place le réseau "dix minutes max", on a refait celui de nuit et récemment on a annoncé d'autres mesures de bonification.» Les voies réservées ont la cote et sont promises à un bel avenir. Le président se montre donc, dans l'ensemble, satisfait: «Ça marche plutôt relativement bien.»

Par contre, il y a des lacunes à combler: «Pour les voitures du métro, c'est réglé et on va pouvoir remplacer en 2014 celles qui roulent depuis 1966, tout en augmentant leur nombre pour soutenir l'achalandage. Il importe de plus de changer nos vieux bus et d'accroître notre parc, ce qui doit être combiné avec la mise en place de voies réservées et de mesures préférentielles qui sont nécessaires pour être concurrentiel.» Il prend position en ces termes sur une priorité actuelle: «Avant de construire quoi que ce soit d'autre, on a besoin d'argent pour maintenir nos infrastructures; pour le métro, l'état de la situation n'est pas l'équivalent du réseau routier, mais il a 50 ans d'âge et il faut investir pour le maintenir en bon état, opérationnel et performant.»

Davantage de collectif

Et comment envisager de façon globale l'avenir du transport collectif? Michel Labrecque, un mordu et un défenseur du vélo au temps où il poursuivait ses études il y a 30 ans, apporte cette réponse: «Je disais à l'époque que, si on faisait des aménagements adéquats, on allait construire un pourcentage de déplacements sur deux roues. Et Montréal est devenue une des villes les plus cyclables en Amérique.» Le réseau des pistes cyclables et la présence des Bixis en témoignent.

Un pareil constat le pousse à cette réflexion: «Les gens sont pris dans la congestion et se tournent vers nous en demandant ce qu'on peut faire. Il faut faire passer le plan de mobilité durable de la théorie à la pratique et ne pas juste écrire des documents. Selon moi, pour des raisons d'environnement et de lutte contre les gaz à effet de serre, pour des motifs de structuration urbaine et en raison des réalités économiques dans un Québec qui ne fabrique aucune voiture et qui n'a pas une goutte de pétrole, on doit se tourner vers le développement du transport en commun.»

Il fournit d'autres arguments qui plaident en faveur d'un tel choix: «Pour une question de ressources que nous avons en hydroélectricité et de base industrielle dans le matériel roulant que nous possédons dans le collectif, pour des raisons d'aménagement du territoire et de démographie, je pense que le développement du transport collectif dans les zones urbaines, c'est une obligation.»

Un SYTRAL exemplaire...

Le Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL), l'autorité organisatrice des transports en commun dans ce vaste ensemble urbain de la France, s'attire les louanges des spécialistes en déplacements urbains qui sont venus d'autres villes étrangères pour apprécier son fonctionnement et ses performances. Son président élu, Bernard Rivalta, mesure les forces du réseau: «C'est d'avoir d'abord une offre kilométrique très importante, qui se présente de ce point de vue-là comme une véritable solution de rechange à la voiture. La deuxième des choses, c'est qu'on a restructuré et bougé récemment les 130 lignes de bus pour les rendre plus compatibles avec celles du tramway et du métro.»

Sur le plan administratif, il dégage un autre point positif: «La force de Lyon et du SYTRAL, c'est effectivement d'être propriétaire de tout le réseau, du métro, du tramway, des trolleybus et des bus, ce qui nous permet d'avoir un réseau maillé avec beaucoup d'interconnexions et une mobilité relativement importante dans l'agglomération.» Il enchaîne: «On a aussi mis beaucoup d'argent depuis des années dans le transport en commun de Lyon, ce qui fait que l'offre kilométrique ici, par rapport à des agglomérations comparables, comme Lille ou Marseille, est le double de celle de ces villes; l'amplitude des horaires est également beaucoup plus importante puisque, pour environ 80 % des déplacements, elle se situe de 5 heures le matin à minuit.»

Cela dit, il existe tout de même certaines faiblesses: «Autant, quand l'urbanisme bouge en ville, on a de quoi répondre avec le transport en commun, autant, quand celui-ci commence à s'éloigner de l'agglomération et à moins se densifier, il devient bien évidemment de plus en plus difficile d'aller desservir des zones peu denses.» Ce problème se pose avec encore plus d'acuité au Canada et en Amérique du Nord. Il cerne une autre difficulté: «C'est celle du coût, qui, pour nous, n'est pas tellement celui de l'investissement mais qui relève plutôt du fonctionnement; cela signifie qu'on est dans la logique diabolique des réseaux de transport en commun: plus on les développe, plus on crée du déficit, et on se retrouve dans l'obligation de rationaliser et de faire preuve d'innovation technologique.»

Un modus operandi autonome

Le SYTRAL profite du fait qu'il relève d'une seule autorité organisatrice qui prend les décisions et acquitte les coûts en conséquence. Le président fournit des explications sur les sommes investies: «Je dispose d'un budget d'environ un milliard d'euros par an et je planifie mes investissements à partir de celui-ci sur une période de six ans, pour laquelle je suis élu. Il y a dix ans, on a présenté un premier plan de développement s'échelonnant jusqu'en 2008, qui était d'un milliard; à partir de cette année-là et jusqu'en 2014, il existe un autre plan qui se chiffre à un 1,1 milliard d'euros. On a donc mis beaucoup d'argent là-dedans, mais cela touche tous les modes de transport.» Il détaille par la suite les investissements consentis dans les différents modes pour améliorer le réseau.

Cela étant dit, Bernard Rivalta fournit sa vision de l'avenir du transport collectif: «Tout le débat, c'est celui de la décentralisation, celui des communautés urbaines et de la mise en commun. Il est vrai que je côtoie beaucoup d'organisations à l'internationale qui viennent nous voir, et je leur dis chaque fois: "Si vous n'avez pas une autorité organisatrice qui a sa capacité de fonctionnement propre et qui est en mesure de prendre ses décisions, si vous n'avez pas une telle autorité disposant d'un budget, si vous n'avez pas des élus qui sont en mesure d'assumer leurs responsabilités, vous mettrez deux ou trois fois plus de temps pour développer un réseau".»

Il situe l'enjeu majeur: «Il y a une course de vitesse entre le développement des déplacements en voiture et celui du transport en commun. C'est le SYTRAL qui doit réaliser le plan des déplacements urbains, qui n'est pas seulement celui des transports en commun; par exemple, tout nouvel ouvrage de voirie doit être conforme au plan de déplacement urbain que nous avons à établir. Pour notre part, nous donnons clairement la priorité au transport en commun, tout en essayant de faire preuve de la meilleure cohérence possible entre la construction de voirie et le transport collectif.»

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Collaborateur du Devoir

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