Conversion d'immeubles - Votre 6 1/2, futur condo

La relation entre un locataire et son propriétaire d'immeuble peut être harmonieuse, mais elle peut aussi être soumise à des épreuves. Après les petits pépins de plomberie et les divergences de points de vue au sujet d'une demande de hausse de loyer, il y a ceci: le propriétaire qui souhaite transformer ses logements locatifs en condos à vendre, grâce à une conversion en copropriété divise.

Ne convertit pas son immeuble qui veut. Alors que la Ville de Québec l'interdit purement et simplement depuis l'an dernier, Montréal a décrété un moratoire en 1975. Il est toutefois possible de le contourner grâce à une autorisation spéciale de l'arrondissement. La Régie du logement doit également se prononcer. Quant aux locataires, ils ne sont nullement obligés de partir.

Selon des données obtenues auprès de la Régie, celle-ci a reçu en 2009-2010 un total de 236 demandes de transformation, affectant 1155 logements. De ce nombre, 116 demandes concernaient l'île de Montréal, pour 446 logements. Il s'agit d'une légère hausse par rapport aux deux années précédentes.

Phénomène marginal ou tout de même important? Disons seulement ceci: dans l'ensemble, selon la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), le parc locatif du Québec compte 1,3 million de logements.

«Ç'a pris de l'ampleur, mais il n'y en a pas énormément», dit le porte-parole de la CORPIQ, Hans Brouillette. «Le parc locatif traditionnel demeure essentiellement en place. Aussi, on ne peut pas convertir n'importe quoi. Si je prends un six logements avec des 4 1/2 dans un quartier donné, il faut voir s'il y a une demande pour des condos de cette taille dans ce quartier-là. Par contre, pour les grands appartements, des 6, 7, 8 1/2, qui se louent moins bien à cause de la hauteur des loyers... Il y a une demande pour les condos», dit-il.

Selon M. Brouillette, une autre raison qui peut pousser un propriétaire à convertir son immeuble en condos peut venir du «niveau des loyers sur le marché québécois, les travaux que ça nécessite, etc.» Ajoutons ceci: depuis cinq ans, le prix médian d'une copropriété au Québec a augmenté de 28 %, à tout près de 200 000 $.

Des astuces

France Émond, du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), affirme que les données de la Régie du logement précitées ne disent pas tout. Il y a aussi, dit-elle, le phénomène suivant: la conversion d'immeubles non pas en copropriétés divises, mais en copropriétés indivises.

«Les propriétaires trouvent toutes sortes d'astuces pour contourner le moratoire, dit Mme Émond. Sur le Plateau-Mont-Royal, en 1986, on avait 75 % de locataires. Or même si le moratoire ne permet là aucune dérogation, le nombre de condos continue d'augmenter. J'aurais pu parler de Rosemont, Verdun, Villeray... Les dérogations sont autorisées de plus en plus facilement, sous prétexte d'accès à la propriété. Mais on sait très bien que pour la ville, c'est plus payant, des condos, que des immeubles à logements. À cause des taxes.»

Contrairement à l'indivise, une copropriété divise se définit par le fait qu'il est possible de diviser matériellement qui détient quoi dans l'immeuble.

Autrefois, dit Mme Émond, il était plus difficile d'acquérir une copropriété indivise avec des amis ou parents, car il fallait une mise de fonds de 20 % et qu'on était solidairement responsable de l'hypothèque. «Mais depuis le moratoire, les banques et les notaires ont trouvé des façons pour rendre ça plus attrayant. Par exemple, le propriétaire actuel peut subventionner l'acheteur de manière à ce que celui-ci n'ait besoin que d'une mise de fonds de 5 %. Et tout ça est légal.»

«Je suis incapable de chiffrer le phénomène de l'indivise, dit Mme Émond. Mais sur les sites de revente, c'est très populaire.»

À l'Institut de recherche et d'informations socio-économique (IRIS), on fait un lien entre la «pénurie de logements locatifs pour une douzième année de suite» et «l'attrait du marché des condos en proie à une hausse spéculative importante». Dans la catégorie des logements de trois chambres à coucher, selon l'IRIS, le taux d'inoccupation n'est que de 1,4 %.

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