SYTRAL et STM - La Caisse de dépôt « roule »... à Lyon !
Lyon a déjà ses tramways, son métro et ses autobus: Montréal rêve. Pour l'une, le secteur privé exploite le tout, pour l'autre, on s'arrange avec les ordres de gouvernance imposés. Le monde du transport collectif se raconte...
Lyon — Les dirigeants des sociétés de transport montréalaise et lyonnaise ont fait le plein d'idées lors des Entretiens Jacques-Cartier en échangeant notamment sur les façons d'améliorer la gouvernance de leur organisation respective.La Société de transport de Montréal (STM) veut accroître l'achalandage de son réseau à hauteur de 40 % d'ici dix ans. Pour y arriver, le président du conseil d'administration de la STM, Michel Labrecque, donnera la priorité au prolongement de la ligne bleue vers Anjou et de la ligne orange vers Bois-Francs, à l'aménagement de deux voies réservées aux autobus (Pie-IX et Henri-Bourassa) et à la construction de deux lignes de tramway (Côte-des-Neiges et du Parc).
«Les Montréalais sont les gens qui se déplacent le plus en transport collectif en Amérique du Nord», souligne M. Labrecque à l'intention d'un auditoire majoritairement français. Et la STM compte accentuer cette tendance tout en offrant des tarifs attrayants.
«C'est le paradoxe des transports en commun: plus vous développez les transports en commun, comme l'usager ne paie pas le prix réel, même s'il trouve toujours que ça coûte trop cher, plus vous créez un déficit supplémentaire, [tout en ayant en tête] qu'un réseau qui ne se développe pas est un réseau qui périclite», fait remarquer Bernard Rivalta, président du Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL).
Mais «on a une gouvernance à Montréal très stratifiée. On se plaint chaque fois que ça ne va pas, mais on s'arrange. On essaie d'en tirer le meilleur parti pour la clientèle», fera remarquer Michel Labrecque. Et si l'équipe qu'il dirige est fréquemment confrontée aux enjeux ayant trait à la gouvernance des systèmes et des réseaux de transport, il fait valoir que les utilisateurs pour leur part ne s'en soucient guère... tant que le service est assuré. «Je ne sais pas comment c'est gouverné [à Lyon], mais ça fonctionne relativement bien. Je suis assez impressionné par votre multimode: tramway, trolleybus, métro. Je ne sais pas comment vous êtes gouverné ici. Je pars du principe, comme on est en France, que la devise, c'est "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?". Ça doit être très compliqué, très tarabiscoté, lance l'habitué de Lyon à la blague. Mais, de notre côté, c'est la même chose. Comme on est en famille, je ne me chicanerai pas avec l'Agence métropolitaine de transport [...], mais chez nous on a 11 structures de gouvernance...», explique-t-il aux membres du groupe de discussion et aux dizaines de spectateurs.
Partenariat public-privé
«Nous, on a une communauté urbaine qui, maintenant, après 40 ans, ne serait remise en cause par pas grand monde», indique le grand patron du SYTRAL, Bernard Rivalta.
Vingt-six élus — dix du Conseil général du département du Rhône et seize de la Communauté urbaine de Lyon — dirigent le comité syndical du SYTRAL. C'est au SYTRAL qu'est notamment défini le Plan de déplacement urbain (PDU), qui «s'impose en matière de développement urbain aux Plans locaux d'urbanisme (PLU)». «Il y a une emprise aujourd'hui des transports en commun. Aujourd'hui, on reconstruit la ville sur la ville», souligne M. Rivalta.
S'il définit l'offre de transport et la grille tarifaire et met en oeuvre la politique de transport en commun, le SYTRAL délègue l'exploitation du réseau à des opérateurs extérieurs. «Moi, je pense que c'est une vraie formule, cette structure mixte; de l'autorité organisatrice, qui est une autorité politique et qui est une autorité financière, et de l'exploitant [Keolis], qui est une entreprise privée qui a sa compétence de gestion du personnel», affirme M. Rivalta.
Quelque 4500 salariés sont ainsi sous la responsabilité de l'exploitant Keolis, détenu à 20 % par la Caisse de dépôt et placement du Québec. «On est toutefois propriétaire de tout: du matériel roulant, des bâtiments et des équipements», précise le dirigeant du SYTRAL.
Le contrat entre le SYTRAL et Keolis comporte pas moins de 14 000 pages. «Tout y passe! [...] On est vraisemblablement le seul réseau en France où on sait ce que nous coûte un kilomètre de tramway, un kilomètre de métro et un kilomètre de trolleybus dans l'exercice quotidien, à travers toutes les questions d'entretien, de charges salariales, de rapidité du service, etc. Ça, c'est devenu un élément majeur de l'organisation des transports en commun. On contrôle les engagements de l'exploitant et on sanctionne en cas de défaillance», assure le gestionnaire.
Un partenariat public-privé de ce genre est-il envisageable du côté de Montréal? Ce n'est pas dans les cartons de la STM, assure-t-on. Mais la STM n'est pas dupe, et les entreprises privées auxquelles des conseils intermunicipaux de transport (CIT) ont confié la gestion du transport collectif dans leur région lorgnent de possibles contrats alléchants... du côté de l'île de Montréal.
Si un PPP est rejeté du revers de la main par la STM, il mérite tout de même d'être étudié, selon Robert Olivier, le conseiller spécial à l'AMT qui a passé en revue les structures de gouvernance de plusieurs sociétés de transport à travers le monde. «Il n'y a pas de modèle idéal, ça n'existe pas. Il y a beaucoup de leçons à tirer d'un peu partout.»