Risque de transmission du VIH - Une séropositive est acquittée par la Cour d'appel

Une femme reconnue coupable de voies de fait graves et d'agression sexuelle, pour avoir passé sous silence sa séropositivité, a été acquittée hier à l'unanimité par la Cour d'appel.

La décision ne règle pas pour autant la question des obligations qui incombent aux porteurs du VIH, tant s'en faut. Le plus important tribunal du Québec estime en effet qu'il appartiendra à la Cour suprême de dissiper l'incertitude, voire même à la classe politique.

«[...] L'initiative de revoir toute la question du risque de transmission des maladies infectieuses graves, dans le contexte du droit pénal canadien, devrait peut-être revenir au législateur vu ses nombreuses ramifications sociales, éthiques et morales», estime la Cour d'appel.

À l'heure actuelle, les tribunaux appliquent le test du «risque important de préjudice grave» afin d'évaluer la culpabilité d'un accusé qui a tu sa séropositivité avant d'avoir des relations sexuelles. Plus le risque de transmission est élevé, plus les tribunaux seront enclins à conclure que la personne séropositive devait révéler son état de santé afin d'obtenir un consentement libre et volontaire à la relation. Le manque de franchise du porteur du VIH vient vicier le consentement, ce pour quoi les tribunaux seront susceptibles d'y voir une infraction de nature criminelle.

Dans l'affaire en litige, l'accusée (D.C.) a eu une seule relation sexuelle non protégée avec son conjoint, au début de leur relation, en 2000. Elle l'a par la suite informée de sa séropositivité, et l'union amoureuse s'est poursuivie pendant quatre ans.

La séparation s'est faite dans l'amertume, à la fin 2004. L'ex-conjoint a été reconnu coupable de voies de faits graves sur son D.C. et sur le fils de celle-ci. À son tour, il a porté des accusations contre son ex-conjointe pour leur première relation, non protégée.

La Cour du Québec a jugé que l'ex-conjoint n'avait pas pu donner un consentement libre et éclairé, lors de la première relation, étant donné qu'il ignorait tout de la séropositivité de D.C. Selon le juge de première instance, Marc Bisson, les personnes séropositives ont la double responsabilité, fondamentale, d'aviser leur partenaire de leur état de santé, et de s'assurer que les rapports sexuels présentent le moins de risque possible.

La Cour d'appel infirme ce jugement et prononce l'acquittement. Citant deux experts à l'appui, le tribunal retient que la femme prenait des médicaments si efficaces, au moment des faits, que la charge virale dans son sang était indécelable. Le risque de transmission était de 1 sur 10 000, un risque «très très faible» et «infime», selon les médecins.

La Cour d'appel se trouve ainsi plongée dans un dilemme. En suivant les enseignements passés de la Cour suprême, dans l'arrêt Cuerrier, elle conclut que le risque de transmission du VIH était «si faible qu'il ne constituait pas un risque important de préjudice grave».

«Il doit y avoir un risque important de transmission du virus pour que le défaut par une personne porteuse du VIH d'en informer son partenaire soit sanctionné par le droit criminel», précise la Cour d'appel.

Par la même occasion, la Cour d'appel reconnaît que la question est «délicate puisque directement liée à la mesure du risque». Les trois juges ne sont pas insensibles aux arguments de la Couronne, qui insistait sur le caractère irréversible, et potentiellement mortel, de l'infection au VIH, pour conclure à l'existence d'une obligation de divulguer.

«La position du ministère public n'est pas dénuée de sens, bien au contraire, mais tel n'est pas l'état du droit au Canada depuis l'arrêt Cuerrier», constate la Cour d'appel.

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