Communauté juive orthodoxe - Prêtes pour le Québec d'aujourd'hui?

Le campus des filles de l'École Belz, c'est l'école d'Hadassa, l'attachante héroïne du roman du même nom écrit par Myriam Beaudoin, qui y a enseigné le français. En voyant les fillettes sagement assises à leur pupitre, toutes sobrement vêtues de leur uniforme, on reconnaît l'univers discipliné mais coquin dépeint par l'auteure, comme sorti d'une autre époque.
Pourtant, la direction de cet établissement privé subventionné affirme réussir à préparer les jeunes filles pour la vie au Québec au XXIe siècle. «Les filles fonctionnent très bien dans la société, elles ont tout ce qu'il faut», assure Heidi Herzog, directrice du campus Ducharme de l'École Belz. «Elles le sont probablement plus que les garçons.»Il est vrai que les filles de l'École Belz sont mieux scolarisées, même les rabbins le reconnaissent. Contrairement aux garçons qui, jusqu'à tout récemment, étaient retirés de l'enseignement séculier pour se consacrer — illégalement — aux études juives dès la fin du primaire, les jeunes filles, dont la formation à la vie religieuse est moins importante, sont exposées depuis plus longtemps aux exigences du ministère de l'Éducation (MELS) jusqu'en 5e secondaire.
«Les filles doivent fonctionner dans l'économie domestique, ce qui exige des habiletés en langue et mathématiques, alors que les garçons sont plongés dans un monde un peu éthéré, disons talmudique, qui est très fort sur le raisonnement et la logique, mais qui ne contient pas d'enjeux quotidiens», soutient Pierre Anctil, professeur d'histoire à l'Université d'Ottawa et spécialistes des hassidim.
Combien d'entre elles obtiennent un diplôme d'études secondaires? La direction prétend que c'est au moins 98 % des jeunes filles. «Elles suivent par exemple des cours pour être infirmières ou travailleuses sociales ou en garderie au cégep Marie-Victorin», explique Mme Herzog. Elle-même a étudié en psychologie à l'Université Concordia, mais fait partie d'une minorité.
Un difficile parcours vers la conformité
Si le campus des filles semble aujourd'hui avoir eu plus de facilité à se conformer aux exigences du MELS, force est d'admettre qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Certaines enseignantes n'ont pas toujours été qualifiées au sens de la loi et ont longtemps bénéficié — même encore aujourd'hui — d'une tolérance du ministère. Le temps minimal d'enseignement des matières obligatoires n'était pas toujours respecté et les cours d'arts et de géo n'étaient pas enseignés au secondaire. De jeunes filles ont reçu des enseignements en anglais sans toutefois détenir un certificat d'admissibilité et celles qui avaient fait leur primaire au secteur français passaient au secteur anglophone au secondaire, sans être déclarées au ministère.
Mais les temps changent. Récemment, le campus a décidé de se départir de son secteur anglophone au primaire pour n'offrir une formation qu'en français, qui s'étendra progressivement au secondaire. Le matériel est, autant que possible, celui approuvé par le MELS. En littérature, c'est plus difficile, admet Rachel Archibald, directrice du secondaire. «La courte échelle, Jules Vernes, Victor Hugo... Mais on choisit parfois de ne présenter que des extraits», dit-elle en précisant que certains chapitres sont en quelque sorte mis à l'index. «Ceux qui font état de relations, disons qui vont plus loin, entre un garçon et une fille.» Comme quoi les temps changent, mais à leur rythme.