Une femme en colère contre la laïcité «ouverte» - Pour l'avocate et auteure Wassyla Tamzali, les pays occidentaux doivent rester vigilants

Ancienne directrice des droits des femmes à l'UNESCO, Wassyla Tamzali est de passage au Canada pour prononcer une série de conférences. Et donner une réplique sérieuse aux intellectuels de gauche et aux féministes défenseurs du concept de la laïcité dite «ouverte».
Wassyla Tamzali est une femme en colère — du titre de son dernier livre qu'elle écrit «d'Alger aux Européens désabusés» —, mais elle est aussi inquiète pour le Canada et le Québec. Car, contrairement à la France, qui a fait sa révolution et qui est très armée sur le plan de la laïcité, nos sociétés n'ont pas encore fait le choix sans équivoque de la laïcité. «Bien sûr, la laïcité est tacite [...], mais il n'est pas franchement dit que le Canada est un pays laïc. C'est une situation qui demande à ce qu'on soit plus vigilants aujourd'hui», estime Mme Tamzali, une avocate qui a été directrice des droits des femmes à l'UNESCO.Elle s'inquiète d'autant plus qu'elle voit s'immiscer dans les plus hautes instances du pouvoir des pays occidentaux, en France comme ailleurs, la laïcité dite «ouverte» en même temps qu'elle constate que les mêmes discussions ont cours ici. Or, on fait là fausse route, croit la féministe aguerrie. «S'il y a laïcité ouverte, il n'y a plus de laïcité», note-t-elle en fervente défenderesse du concept de laïcité «tout court». «Le concept de la laïcité ouverte nie l'exigence première de la laïcité qui est celle de la liberté de conscience et d'opinion et qui n'est pas celle du respect des religions.»
Mme Tamzali prend d'ailleurs à partie «l'intelligentsia de gauche qui est en train de défendre des pratiques antisexistes» qui s'avèrent nuisibles pour les femmes, tout comme elle déplore que certaines féministes aient la mémoire courte. «Aujourd'hui, au nom de la laïcité, ces mêmes femmes qui se sont battues contre la chrétienté refusent qu'on fasse une analyse sociale et critique du discours religieux sur les femmes sous prétexte qu'il faut absolument respecter la "religion"», dénonce l'Algérienne d'origine qui donnera une conférence demain soir à l'Université de Montréal à l'invitation de la Coalition Laïcité Québec. «Il faut savoir que la conception que les intellectuels de gauche ont de la liberté, en face, dans les pays arabes et musulmans [...], on ne l'a pas. Il n'y a ni liberté ni multiculturalité. C'est vraiment un grand malentendu.»
Le voile, plus lourd que la croix
Le port du voile ou du kirpan à l'école, la place du crucifix dans les institutions politiques... les débats divergent, mais se ressemblent tous. Pour Wassyla Tamzali, il ne faut pourtant pas se méprendre et mettre croix et voile sur un pied d'égalité, ce dernier étant un symbole beaucoup plus puissant. «Ce serait alors minimiser le poids de cette pratique qui est de cacher les femmes et leur sexualité», soutient celle qui n'hésite pas à qualifier le port du voile de «pratique sado-masochiste». «Sinon, qu'allez-vous dire à un petit garçon qui voit une femme voilée, que les femmes et les hommes sont égaux? Voilà un symbole bien plus grave que les femmes qui lavent le linge dans les publicités et pour lequel bon nombre de féministes se sont battues.»