Affaire Abdelrazik - Ottawa dépose sa défense

Ottawa — Le gouvernement canadien a déposé hier l'argumentaire qu'il défendra en cour pour s'éviter de verser des millions de dollars à Abousfian Abdelrazik, ce Canadien resté coincé six ans au Soudan à cause d'un imbroglio diplomatique. Ottawa endosse plusieurs pans de la version des faits de M. Abdelrazik, faisant dire à ses avocats que l'État canadien est responsable de son emprisonnement initial.

Abousfian Abdelrazik n'a été rapatrié au Canada qu'en juin 2009, après qu'un jugement de la Cour fédérale eut ordonné au gouvernement de le faire. Il poursuit depuis Ottawa pour 27 millions de dollars. Il prétend avoir été torturé pendant son séjour à Khartoum.

Dans son argumentaire obtenu par Le Devoir hier, Ottawa soutient que M. Abdelrazik n'a pas été maltraité. À preuve, une fois libéré, l'homme a rencontré le consul canadien, en 2006, qui lui a alors fait passer des examens par un médecin et des spécialistes. «Les médecins ont conclu que le plaignant allait bien, que ses résultats étaient dans la normale et qu'il n'avait pas de maux importants. Là encore, le plaignant ne s'est pas plaint au médecin qu'il avait été torturé ou maltraité pendant sa détention», est-il écrit.

Dans son argumentaire, Ottawa avalise beaucoup de passages de la version des événements de M. Abdelrazik. Notamment, Ottawa reconnaît qu'un agent du SCRS lui avait bel et bien suggéré avant son départ de Montréal pour Khartoum de ne pas partir, et que ce même agent lui avait rendu visite en prison à Khartoum pour lui rappeler son conseil prophétique. Aujourd'hui, Ottawa affirme que «cette déclaration n'avait pas pour but de le menacer, mais d'avertir le plaignant des risques de voyager à l'étranger». Foutaises, répond son avocat, Paul Champ.

«Selon nous, le fait que l'agent vienne au Soudan lui dire: "Ah, ha! Je te l'avais bien dit!" avalise notre thèse selon laquelle le SCRS a joué un rôle dans l'arrestation et l'incarcération de M. Abdelrazik», explique M. Champ. M. Abdelrazik était sous surveillance du SCRS avant de quitter le Canada en 2003. Ses avocats prétendent que c'est à la demande de l'agence canadienne du renseignement que le Soudan l'a arrêté.

Enfin, Ottawa reconnaît qu'il ne s'est pas adressé au comité de l'ONU gérant la liste antiterroriste pour savoir si oui ou non l'interdiction de vol visant M. Abdelrazik s'appliquait également en cas de retour à domicile. Ottawa «nie que cette clarification n'a pas été demandée parce qu'il désirait garder le plaignant hors du Canada». Paul Champ plaide au contraire la mauvaise foi.

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