Garnison militaire de Saint-Jean - La fermeture de la bibliothèque suscite la colère
La colère gronde à la Garnison militaire de Saint-Jean, en Montérégie, où les Forces canadiennes souhaitent économiser 200 000 $ par année en fermant la bibliothèque qui dessert les 3000 employés et étudiants de l'endroit.
Dans le débat toujours délicat des langues officielles au sein de l'armée, cette décision fâche plusieurs professeurs de langue à l'École de leadership et des recrues des Forces canadiennes, basés à la garnison. C'est à cet endroit que des milliers de recrues doivent passer leurs huit premières semaines d'entraînement. C'est aussi à Saint-Jean que des officiers de 60 pays viennent suivre des cours. Une grande partie de ces militaires suivent une formation en langue seconde, que ce soit le français ou l'anglais. Ils utilisaient les documents de la bibliothèque pour leur apprentissage ou effectuer des recherches.«C'est une décision absurde», affirme Sara Trottier, qui dirige le comité de survie de la bibliothèque Jean-Victor-Allard. Plus de 200 personnes ont signé une lettre pour que les Forces canadiennes reviennent sur leur décision. Mme Trottier, déléguée syndicale, représente quelque 70 professeurs et spécialistes de l'éducation à la Garnison Saint-Jean. «Pour économiser à peine 200 000 $, on va supprimer une bibliothèque de 65 000 volumes. À la limite, la direction de la Garnison pourrait diminuer les heures d'ouverture, mais tout fermer, c'est un non-sens», dit-elle, ajoutant que les services étaient populaires. «C'est dommage d'avoir à justifier l'utilité d'une bibliothèque.»
Même son de cloche de la part de Léon de Montigny, qui a pris sa retraite il y a trois semaines, après 23 ans d'enseignement à la Garnison Saint-Jean. «L'armée aime parler d'un esprit sain dans un corps sain. Or l'esprit sain, c'est la culture! À ceux qui veulent apprendre, que ce soit une langue ou autre chose, quel message on leur envoie en fermant la bibliothèque?»
L'annonce de la fermeture est tombée au début du mois de septembre, au moment où le gouvernement fédéral annonçait un investissement de 200 millions de dollars à la Garnison, notamment pour la construction d'infrastructures, comme un gymnase. Yvon Godin, député du Nouveau Parti démocratique, s'indigne. «On trouve 200 millions, mais rien pour garder une bibliothèque ouverte! Je vais demander au gouvernement de revenir sur cette décision», dit-il.
Compressions inévitables
Dans un mot adressé à la communauté militaire, le colonel Daniel Genest, commandant du 5e Groupe de soutien de secteur, affirme que les compressions étaient inévitables. «Les diverses initiatives de rationalisation visaient avant tout à discerner l'essentiel plutôt que de tout faire avec moins», a-t-il écrit le 29 septembre dernier.
Le capitaine Philippe Boutin, officier d'affaires publiques à la Garnison Saint-Jean, affirme que la bibliothèque va se transformer en centre de ressources pédagogiques pour l'école des langues. «Tous les documents qui concernent les langues seront encore accessibles», dit-il, avouant toutefois que les militaires qui ne suivent pas de tels cours ne pourront plus utiliser les services. «On y pense depuis quatre ans, ce n'est pas une décision de dernière minute. On juge que le besoin n'est plus au rendez-vous. On gère l'argent des contribuables, alors on ne va pas garder quelque chose d'inutile», ajoute le capitaine Boutin.