De la civilité comme fondement de la démocratie

Selon Mark Kingwell, qui était de passage hier à l’Université du Québec à Montréal, l’incivilité peut nuire au développement social de l’ensemble d’une communauté.
Photo: - Le Devoir Selon Mark Kingwell, qui était de passage hier à l’Université du Québec à Montréal, l’incivilité peut nuire au développement social de l’ensemble d’une communauté.

Un humoriste a un jour opposé deux caricatures illustrant respectivement les villes de New York et Los Angeles. La première, représentant New York, montrait un passant qui disait à un autre «Fuck you!», alors qu'une bulle de pensée au-dessus de sa tête indiquait qu'il pensait «Have a nice day». La seconde, illustrant Los Angeles, montrait à l'inverse un personnage disant «Have a nice day» à un autre, mais dont la bulle de pensée indiquait «Fuck you!».

Cette bande dessinée était l'entrée en matière d'une conférence de Mark Kingwell, donnée hier à l'Université du Québec à Montréal, sur le thème «Fuck you and other salutations: the unstable politics of civility».

Nuisance

Selon M. Kingwell, l'incivilité a en effet des conséquences plus graves que l'impolitesse, en ce sens qu'elle peut nuire au développement social de l'ensemble d'une communauté. À titre d'exemple d'incivilité ou d'obstacle au bien-être du plus grand nombre, il cite la compétition dans la consommation, qui pousse des consommateurs à consommer plus pour égaler leurs voisins, quitte à s'appauvrir collectivement. L'incivilité, qu'elle soit le fait de ceux qui profitent du système sans y contribuer, de ceux qui se retirent de la sphère publique, des tricheurs ou des trouble-fête, compromet la démocratie. À cet égard, Kingwell cite l'exemple de la prorogation du Parlement canadien décrétée par le premier ministre Stephen Harper l'hiver dernier.

En principe, l'espace public devrait servir au bien-être de tous. Mais la façon même dont les rues sont dessinées traduisent un certain esprit politique. «En entrant à Westmount, par exemple, une personne peut sentir tout de suite qu'elle n'appartient pas à la communauté, même si ce n'est écrit nulle part», dit le professeur de l'Université de Toronto. De même, un règlement qui permet de s'asseoir sur un banc public et non d'y dormir limite l'accès public à cet espace.

Le public avant le privé

Selon M. Kingwell, c'est l'espace public qui devrait justifier la définition de l'espace privé, et non l'inverse. Pour lui, pour arriver à créer un environnement juste dans les villes, où la densité de population implique nécessairement une certaine proximité, la citoyenneté devrait être un engagement, et la sympathie envers son prochain devrait être une valeur morale de la vie publique. La conférence de M. Kingwell était présentée par le groupe de recherche Zones de tensions de l'UQAM, en collaboration avec la Fondation Metropolis Bleu.

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