Le Devoir, c'est moi - L'affaire est dans le sac!

Faire partie du Devoir, c'est y travailler, l'appuyer, le lire assidûment. De cette communauté, qui s'est construite depuis 100 ans, nous avons retenu quelques portraits. Chaque lundi, jusqu'en décembre, nous vous présenterons un lecteur, une lectrice, du Québec comme d'ailleurs, abonné récent ou fidèle d'entre les fidèles, qui ont parfois côtoyé le journal dès l'enfance, mais qui y ont mis le temps avant de le faire leur pour de bon, comme c'est le cas de notre lectrice d'aujourd'hui.
À peine assise sur un banc de béton du quartier Centre-Sud, à Montréal, Véronique Gabba déballe son sac. Son sac à main, en fait, qu'elle ouvre pour en sortir un Devoir tout fripé. «Y en a qui ont leur trousse de manucure et de cosmétiques dans leur sacoche, ben moi, c'est mon Devoir!», rigole la jeune trentenaire (et future maman!), en lectrice assumée. Son journal, elle l'extirpe au coin de la rue, dans le métro, en attendant qu'une lumière verdisse. Souvent, il n'est même pas daté du jour.«Il y avait cet article que je n'avais pas eu le temps de finir dans celui-ci», dit-elle en montrant, dans une édition vieille de quatre jours, un article sur le patrimoine religieux, au bas du pli de la une.
— Ah! Il te restait le rez-de-chaussée!
— C'est comme ça que vous l'appelez dans votre jargon?
Jusqu'au bout
Fille d'un immigrant italien qui, à son arrivée au Québec, ne baragouinait pas un mot de notre belle langue, elle s'avoue chanceuse d'avoir grandi avec un père mordu d'actualité, et du Devoir par-dessus le marché. «Il m'a donné un beau modèle, celui de l'importance d'être Québécois. Avec les années, il est devenu plus québécois que bien des Québécois pure laine!» Pour papa Gabba, connaître la politique de sa contrée d'adoption ainsi que son histoire était primordial. «Quand tu deviens citoyen, tu le deviens jusqu'au bout, m'a-t-il appris. J'ai aimé cette pensée. Et je l'ai faite mienne.»
Si elle connaissait Le Devoir depuis son enfance, elle n'a adopté le journal indépendant que plus tard, après quelques vaines tentatives: la première à son arrivée au cégep et la seconde à l'aube de ses études universitaires. «À 17 ans, je dois t'avouer que je trouvais son contenu un peu ardu, il ne me parlait pas tant que ça.» Au tournant de la mi-vingtaine, son retour d'un stage au Bénin avec Québec sans frontières a toutefois changé la donne.
«Il y en a qui ressentent ce besoin de s'informer sur l'univers qui les entoure à 15 ans.» (Elle s'avoue d'ailleurs fascinée par la toute jeune lectrice dont nous avons publié le portrait au début de la série). «Moi, je l'ai ressenti plus tard. Depuis, je n'en démords plus!»
Si bien qu'elle a dévoré d'une couverture à l'autre le cahier spécial sur le centenaire, en janvier dernier. «De voir qu'il est passé à travers toutes ces années et ces épreuves, ça lui donne un crédit de plus. J'adhère, et ça fait réaliser que ce journal, j'ai envie de l'appuyer jusqu'au bout. C'est drôle, mais c'est l'effet que ça m'a fait!»
Du sérieux!
Dans le quotidien, Véronique a un grand faible pour les pages culturelles, où elle glane les informations qui influencent ses choix en littérature et lui donnent des nouvelles du monde des médias, dans lequel elle gravite professionnellement. Et le temps qui file a même réussi à éveiller son intérêt pour les pages économiques, autrefois rébarbatives à ses yeux. «Surtout quand on y parle d'hypothèques, de REER, de placements. Eh oui! Faut croire que j'en suis rendue là dans ma vie!»
Au-delà des conseils sur l'achat d'un plex et des derniers rebondissements radio-canadiens, Véronique insiste sur une chose. «Je trouve que Le Devoir a une crédibilité. Une rigueur journalistique que j'aime. Il me rapporte des faits pour que je construise mes propres opinions, plutôt que m'imposer celles d'une multitude de chroniqueurs. C'est pas un quotidien...show off disons», observe la jeune femme qui voit le métier de journaliste comme une profession sérieuse, pas comme une occasion de se mettre en vedette.
Lorsqu'elle ne dégaine pas son article entre deux coins de rue, Véronique a un rituel invariable partagé par de nombreux lecteurs. Oui: savourer longuement Le Devoir du samedi matin. «Je n'ai pas une vie routinière, mais c'est l'un des seuls rituels que j'ai. C'est une sacrée belle routine». Bon, elle ne refusera pas une invitation à bruncher, mais elle est heureuse que l'occasion ne se présente pas trop souvent. Le rendez-vous avec ses cahiers préférés peut toujours attendre le dimanche. Mais pas davantage!