De passage à Montréal - L'intellectuel Tariq Ramadan prône le respect des lois, mais l'affirmation musulmane

Quelques centaines de personnes se sont déplacées au Palais des congrès, hier, pour entendre deux conférences de Tariq Ramadan. L'islamologue revient tout juste de sa première tournée américaine après avoir été interdit de passage six ans aux États-Unis.
«Ça s'est très bien passé», confie-t-il au Devoir à propos de son retour chez nos voisins du Sud. Soupçonnée par l'administration Bush d'entretenir des liens avec le Hamas, pour un don fait à l'association Secours palestinien il y a plusieurs années, il a été blanchi par les tribunaux américains et l'administration Obama a levé son interdiction de séjour le 20 janvier dernier. «Plusieurs me critiquent en disant que je suis un islamiste radical, car ils n'acceptent pas mes positons, dit-il. J'ai été banni, pas parce que j'ai des liens avec le terrorisme, mais parce que j'ai un discours critique sur l'Irak, l'Afghanistan et le soutien unilatéral à la politique palestinienne par les Américains.»Hier soir à Montréal, il a invité son auditoire à «respecter les lois» québécoises et canadiennes, tout en refusant de se rendre «invisibles» comme musulmans. «En Suisse, il y a quatre minarets et 60 % de la population ont voté pour leur interdiction. C'est votre visibilité, leur problème», a-t-il analysé, en anglais. «Allez-vous ensuite changer de nom, ou de couleur de peau?» a-t-il ajouté. Le professeur à l'Université d'Oxford était l'invité de Présence musulmane et de la Muslim Association of Canada (MAC), ainsi que de l'Association étudiante musulmane de l'Université Concordia.
Apôtre de l'islam modéré pour les uns, extrémiste masqué pour les autres, Ramadan suscite presque immanquablement des réactions sur son passage. L'organisme Point de bascule a réagi vivement à la présence de Ramadan à Montréal. Sa popularité inquiète entre autres Djemila Benhabib, auteure du livre Ma vie à contre Coran. Elle lui reproche de vouloir se faire passer pour un réformateur tout en tenant des propos conservateurs, en plus de vouloir jouer sur l'islamophobie. Plusieurs lui reprochent sa position sur l'homosexualité. Il a réitéré hier soir qu'il «respecte ce que [les homosexuels sont comme personnes], même si je crois qu'ils vivent dans le péché.» Jeudi, Point de bascule a invité quatre musulmans modérés à une conférence dénonçant le discours de Ramadan. «L'érudit de l'islam dissimule sa vision islamiste sous le niqab du double langage», estime Tarek Fatah, s'exprimant en marge de la conférence organisée par Point de bascule.
«Il a le même discours partout», assuraient hier plusieurs jeunes musulmans venus l'écouter. «Il n'a rien à faire des terroristes. Sinon, je cesserais de le suivre», tranche Rahim Boudouma.
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Avec La Presse canadienne