Salaires et avantages sociaux - Nos fonctionnaires seraient-ils trop bien traités?

Au chapitre de la rémunération globale, qui englobe les heures travaillées, les avantages sociaux et le régime de retraite, il y a un léger avantage — d’environ 2 à 2,5 % — en faveur des employés de la fonction publique par rapport à l’ensemble des travailleurs du secteur privé.
Photo: Agence Reuters Au chapitre de la rémunération globale, qui englobe les heures travaillées, les avantages sociaux et le régime de retraite, il y a un léger avantage — d’environ 2 à 2,5 % — en faveur des employés de la fonction publique par rapport à l’ensemble des travailleurs du secteur privé.

Les employés qui travaillent pour la fonction publique du Québec sont-ils les choyés du monde du travail? Jouissent-ils de conditions avantageuses, dont la sécurité d'emploi? Se plaignent-ils à tort? Des questions connues, mais aux réponses moins évidentes qu'on ne le croit.

Des questions sur les salaires et les avantages qu'auraient les employés de l'État, c'est un peu le quotidien de Jean-Noël Grenier, professeur au Département des relations industrielles de l'Université Laval. «Je suis spécialisé en négociations collectives et en relations de travail, avec une spécialisation plus pointue dans les questions entourant les secteurs publics et les services publics», résume-t-il.

Ce qu'on constate, dit-il, c'est qu'au chapitre de la rémunération globale, qui englobe les heures travaillées, les avantages sociaux et le régime de retraite, il y a un léger avantage — d'environ 2 à 2,5 % — en faveur des employés de la fonction publique par rapport à l'ensemble des travailleurs du secteur privé. «Par contre, poursuit-il, la comparaison la plus appropriée devrait se faire avec les travailleurs syndiqués du secteur privé. Alors là, on note un retard d'environ 3,5 à 4,5 % chez les fonctionnaires.»

Relativité

L'un des avantages qu'on envie souvent aux fonctionnaires est leur sécurité d'emploi. Toutefois, selon Jean-Noël Grenier, c'est souvent un avantage théorique. «Pour quelqu'un qui rentre chez lui le soir après sa journée de travail, c'est tout simplement quelque chose qui existe, sans plus.» La sécurité d'emploi n'est même souvent que théorique, puisqu'il manque tellement de personnel dans la fonction publique. «Pensez par exemple au secteur de la santé, précise M. Grenier, on ne peut guère se permettre de mettre quelqu'un à pied... La sécurité d'emploi est alors un avantage purement théorique.»

Selon ce que constate le chercheur, le véritable avantage de travailler pour la fonction publique serait le régime de retraite. «Le secteur public offre l'un des derniers régimes de retraite à prestations déterminées qui existent, alors que la plupart des autres salariés ont un régime de retraite à cotisations déterminées (donc, ils assument les risques). C'est probablement à ce chapitre que réside l'avantage de travailler dans le secteur public.»

Par ailleurs, les choses ont changé depuis les restrictions imposées par le gouvernement en vue d'atteindre le «déficit zéro». «Les salariés du secteur public et parapublic ont des charges de travail nettement plus lourdes qu'auparavant, observe M. Grenier, et ils ont plus de responsabilités. Les recherches que je mène montrent clairement que les charges de travail sont beaucoup trop élevées, ce qui nuit à l'efficacité des services. La charge est trop lourde, ce qui accentue les difficultés de recrutement et de rétention du personnel. Et là, on entre dans un cercle vicieux...»

La détérioration des conditions de travail s'explique entre autres par des augmentations de salaire presque toujours en deçà de l'inflation, constate le chercheur. «Les augmentations de salaire annuelles consenties ces vingt-cinq dernières années ont rarement dépassé l'inflation, dit-il. En termes réels, beaucoup de retard a été pris par rapport au secteur privé.»

Question de choix

Comme la plupart des observateurs, Jean-Noël Grenier prévoit que la situation des fonctionnaires continuera de se détériorer, étant donné les déficits qu'accumule le gouvernement. «Mais cela n'a rien de nouveau, lance-t-il, puisque, depuis aussi longtemps que je suis sur le marché du travail, il y a une crise dans les finances publiques! C'est toujours la crise et il est très peu probable qu'on voie un jour une amélioration significative.»

Que faire pour remédier au fait que le gouvernement n'a pas les moyens d'améliorer la rémunération de ses employés?

Selon le spécialiste en négociations collectives et en relations du travail, c'est avant tout une question de choix. «Dans les faits, dit-il, le gouvernement fait des choix budgétaires, notamment des choix au niveau de la provenance de

ses revenus et des subventions qu'il accorde aux entreprises. Lorsque, par exemple, en santé, on choisit de recourir de plus en plus à des agences d'infirmières, on fait un choix. Même chose lorsqu'on recourt à la sous-traitance pour faire faire le travail. On choisit alors de payer plus cher du personnel externe pour faire le même travail que les fonctionnaires.»

Il s'agit même d'un choix idéologique, considère le chercheur, puisque le gouvernement s'oriente vers un État réduit, vers une fonction publique plus petite. «C'est la croyance que, à long terme, il est plus efficace de faire appel au secteur privé, observe M. Grenier, ce qui n'est vraiment pas démontré.»

En réalité, le gouvernement, ainsi que nous, devrait prendre conscience que les services publics, loin de coûter cher, sont avant tout créateurs de richesses, estime M. Grenier. Entre autres, dit-il, ils font baisser les coûts de fonctionnement des entreprises. «Considérez par exemple que, aux États-Unis, l'absence de soins de santé publics fait en sorte que les entreprises ont des coûts plus élevés qu'ici. Même chose en ce qui concerne nos régimes de retraite, qui sont en partie publics (Régie des rentes). Ils font donc baisser les coûts de fonctionnement de nos entreprises.»

Afin de dégager une marge de manoeuvre financière, le gouvernement devrait commencer par examiner le nombre incalculable de ses programmes, pose le chercheur. «Il faut une révision des programmes, dit-il, ce qui ne veut pas dire de réduire la taille de l'État. Est-ce que tous les programmes que nous avons atteignent les objectifs que nous leur avons donnés?» M. Grenier observe que les gouvernements lancent sans cesse de nouveaux programmes sans en abolir certains. «On a beaucoup de programmes parce que chacun dessert certains groupes en particulier», dit-il.

Autrement dit, Jean-Noël Grenier souligne que nous avons intérêt à prendre conscience de la valeur de la fonction publique et de la nécessité de rémunérer convenablement ceux qui l'assurent.

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Collaborateur du Devoir

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