Les Hells avaient aussi une forteresse à Kahnawake

Des artefacts des Hells Angels en territoire mohawk: la police a démantelé un réseau de trafic de drogue et de cigarettes qui transitait par la réserve de Kahnawake.

C'était presque le sixième bunker des Hells Angels, le seul qui ait échappé à la récente rafle contre le gang. Et pour cause. La forteresse était introuvable parce qu'elle était située en territoire mohawk.

Pendant quatre ans, deux membres des Hells Angels (Salvatore Cazzetta et Daniel Leclerc) ont réussi à mettre leurs activités illicites à l'abri de la police en utilisant des bâtiments appartenant à un homme d'affaires mohawk, Peter Rice, pour y entreposer de la drogue, de l'argent, des biens volés et des cigarettes de contrebande.

La police a finalement épinglé Cazzetta, Leclerc, Rice et ses deux fils hier dans le cadre de l'opération Machine, visant un total de 60 personnes accusées de gangstérisme, de complot et de trafic de drogue, de possession de stupéfiants en vue de faire le trafic, de fraude et de recel de plus de 5000 $. Plus de 600 policiers de Montréal, de la Sûreté du Québec (SQ), de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et des peacekeepers mohawks ont participé à l'opération lancée avant l'aube.

L'enquête a commencé en mars 2007, sur un réseau de vente de drogue très structuré qui opérait principalement au centre-ville de Montréal, avec des antennes dans les couronnes nord et sud et quelques régions du Québec, dont Mont-Tremblant. «Leur principale activité criminelle était la vente de crack», a dit Bernard Lamothe, inspecteur-chef de la division du crime organisé au Service de police de Montréal (SPVM).

Dans le centre-ville seulement, le réseau écoulait 2000 roches de crack par semaine. À 20 $ la dose, cette seule activité aurait pu générer des profits annuels de 2 millions.

Le SPVM devra compléter l'analyse des 36 perquisitions menées hier avant d'avoir une juste idée de l'ensemble des profits du réseau. Onze coffres-forts ont été saisis, 130 000 $, des objets à l'effigie du gang, 12 armes, des quantités modestes de drogues variées (dont un kilo de cocaïne), 138 caisses de tabac et une remorque pleine de tabac (16 tonnes).

Les cigarettes étaient fabriquées sur place. Sur le marché noir, les profits de la vente des marques Choppers, Fighters, Import A et Patriot allaient donc directement dans les poches des Hells Angels.

Les bâtiments des Rice étaient clôturés, ceinturés de caméras de surveillance et patrouillés en permanence par deux agents de sécurité. C'était assez pour éveiller les soupçons à Kahnawake, d'autant plus qu'aucun Mohawk n'y travaillait.

En quatre ans, les Hells Angels ont fait du principal entrepôt «un véritable endroit fortifié, a expliqué l'inspecteur Lamothe. La présence et les activités du crime organisé avaient d'ailleurs soulevé des inquiétudes au sein de la communauté. Plusieurs citoyens de Kahnawake avaient manifesté leurs préoccupations aux peacekeepers mohawks».

Les deux têtes dirigeantes du réseau sont des figures connues du crime organisé. Salvatore Cazzetta est un membre en règle des Hells Angels de Montréal qui a déjà été arrêté dans le cadre de l'opération SharQc. Fondateur des défunts Rock Machine, il était associé à Peter Rice dans une entreprise qui avait les droits de distribution exclusifs de la boisson énergisante Cintron. Peter Rice fait aussi partie d'un consortium d'entrepreneurs mohawks qui a décroché un contrat de 80 millions pour la réfection du pont Mercier.

Daniel Leclerc est aussi un ancien membre des Rock Machine, qui faisait partie du réseau de trafic de drogue du délateur Peter Paradis, à Verdun. Durant son procès, Leclerc était passé dans le camp des Hells. Membre des Nomads de l'Ontario, il vit à Candiac, sur la Rive-Sud.

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