Électricité et changements climatiques - Le Québec doit revoir sa gestion de l'eau

La France et le Québec ont la chance de produire l'électricité en utilisant une technologie, ici hydroélectrique, là-bas nucléaire, qui produit peu de gaz à effet de serre. Contrairement aux pays qui s'appuient plus lourdement sur les centrales thermiques, il n'y aura pas de conversion technologique afin de limiter l'impact sur les changements climatiques. Par contre, cela ne veut pas dire que les changements climatiques n'auront pas d'effets sur la production et la consommation d'électricité.

À Montréal, au début d'octobre, dans le cadre des Entretiens Jacques-Cartier, discourant sur l'électricité et les changements climatiques, se centrant sur le marché du carbone et les nécessaires mesures d'adaptation à prévoir, des experts originaires des deux côtés de l'Atlantique définiront les effets que les changements climatiques auront sur la production et la consommation d'électricité ainsi que les nécessaires mesures d'adaptation qui devront être mises en place afin de les parer.

Ouranos

«Un des effets prévisibles qu'auront les changements climatiques sur la production d'électricité ici au Québec, c'est qu'ils nous obligeront à revoir notre gestion de l'eau», explique André Musy, directeur d'Ouranos. Rappelons qu'Ouranos est un consortium réunissant une quinzaine de membres et de partenaires qui a été créé à l'initiative du gouvernement du Québec, d'Hydro-Québec et du Service météorologique du Canada. Sa mission est de développer les connaissances sur les impacts des changements climatiques, afin d'informer et de conseiller les décideurs dans la mise en oeuvre de mesures d'adaptation.

«Par exemple, poursuit-il, on prévoit une augmentation des précipitations dans le Nord, ce qui veut dire qu'il risque d'y avoir plus d'eau dans les réservoirs des barrages. Seront-ils sécuritaires? Si la pointe de crue change et qu'elle arrive plus tôt, comment alors gérer la production? Et si le sol est moins gelé, comment prévenir les ruissellements additionnels? On prévoit aussi que les changements climatiques auront un effet sur le débit d'eau des rivières. Comment cela va-t-il affecter les barrages au fil de l'eau?»

Il se peut aussi que la distribution d'électricité soit touchée. «Vivrons-nous d'autres épisodes de verglas qui endommageront à nouveau le réseau de distribution?» On craint aussi une augmentation estivale de la consommation. «S'il fait plus chaud l'été, les gens voudront davantage climatiser leur domicile. C'est une solution, mais elle n'est pas efficace. Il faudrait plutôt mieux construire les maisons et aménager des espaces urbains capables d'accueillir les personnes lors de canicules.»

EDF-Rhône-Alpes

Si les changements climatiques n'auront pas d'effet sur la production électrique des centrales nucléaires, qui représente plus de 80 % de toute l'électricité produite en France, ils auront des effets sur l'utilisation des autres formes d'énergie. «C'est la raison pour laquelle je dis que l'électricité n'est pas un problème, mais plutôt une solution, avance Jean-Roger Régnier, porte-parole de EDF-Rhône-Alpes. Notre défi, c'est de convertir les usagers du fuel ou du gaz à l'électricité, ce qui réduirait les émissions de gaz à effet de serre.»

De plus, un autre facteur qui entre en jeu est la législation adoptée par l'Union européenne en matière de changements climatiques et d'énergie, ce que l'on appelle le défi des trois 20. «Ce sont des objectifs ambitieux. D'ici 2020, il faudra réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, augmenter de 20 % l'efficacité énergétique et s'assurer qu'une augmentation du PIB ne se traduise pas par une augmentation de la consommation d'énergie et, finalement, faire en sorte que 20 % de l'énergie produite soit de l'énergie renouvelable.»

S'ajoute à cela le fait que le parc de production en Europe doit être renouvelé d'ici 2030. «Ce sera alors l'occasion de mettre en place de nouveaux moyens de production et de nouvelles technologies. Mais c'est aussi l'occasion de relancer le nucléaire comme technologie de production électrique.»

Consciente que les changements climatiques pourraient aussi rimer avec une augmentation de la consommation, EDF a mis en place un programme d'efficacité énergétique à l'intention de ses clients. «Nous avons mis en place une série de mesures incitatives afin d'aider les clients, par exemple, à mieux isoler leurs maisons ou à utiliser des ampoules à basse consommation. En fait, on aide les clients à payer moins en consommant moins.» Il faut aussi, croit-il, augmenter la performance énergétique des bâtiments. «Nous n'aurons pas le choix, puisqu'une nouvelle législation viendra fixer le seuil de consommation en énergie par mètre carré pour tous les logements neufs.»

Un observatoire national

Créé en 2001, l'Observatoire national sur les effets des changements climatiques (ONERC) joue en France un rôle similaire à celui d'Ouranos au Québec. «Notre mission, explique Marc Gillet, son directeur, est de colliger et de synthétiser toutes les études scientifiques qui portent sur les changements climatiques. Actuellement, nous sommes encore à dresser une liste des impacts et nous n'avons pas encore élaboré un plan d'adaptation.»

Plusieurs sujets sont donc dans la mire de l'ONERC. «Par exemple, on pourrait s'attendre, avec le réchauffement climatique, à une baisse de la consommation en hiver. Mais est-ce que cela sera significatif, puisque les logements sont de plus en plus grands et que les gens veulent davantage de confort? Et l'été, s'il fait plus chaud? Avons-nous des solutions plus économes en énergie que la climatisation électrique?» Même les sources d'énergie renouvelables sont l'objet d'interrogations. «Les éoliennes sont tributaires du vent. S'il y en a plus, il faudra mettre au point de nouvelles méthodes de gestion.»

Une augmentation des canicules pourrait aussi avoir des conséquences dont il faudra tenir compte. «Certaines de nos centrales thermiques se refroidissent à même l'eau des rivières. Que faire si l'eau devient plus chaude? On pense installer les nouvelles centrales sur le bord de la mer, mais alors il faut tenir compte du fait que le niveau de l'eau peut monter.»

Même le transport vert n'y échappe pas. «Les constructeurs automobiles se tournent de plus en plus vers la voiture électrique. On favorise les transports en commun, comme le train ou le tramway, qui sont alimentés par l'électricité. Mais quel effet cela aura-t-il sur la consommation d'électricité? Il faut être en mesure de prévoir la demande.»

Comme on peut le constater, même dans les pays où la production d'électricité ne contribue pas à l'effet de serre, ce dernier aura des répercussions sur la manière de produire et de consommer l'électricité.

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Collaborateur du Devoir

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Électricité et changements climatiques: marchés du carbone et mesures d'adaptation, le 7 octobre, au Holiday Inn Montréal-Midtown de Montréal.

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