Publicité sexiste et méprisante pour les femmes - Serge aime le sport, les autos et... les jolies filles

La bière Molson coule à flots... et les plaintes aussi. À elle seule, une campagne publicitaire du géant brasseur jugée «à la limite de la pornographie» par ses détracteurs a fait l'objet d'une centaine de plaintes reçues par le Conseil d'éthique de l'industrie québécoise des boissons alcooliques, soit presque autant que ce que l'organisme a recueilli au total l'an dernier.

En dépit de la vive réaction qu'ont suscitée des calendriers promotionnels de Molson Ex montrant de jeunes Québécoises de diverses régions presque nues dans des poses lascives, la compagnie Molson Coors est demeurée muette hier: celle-ci n'a pas offert d'explications et la campagne, diffusée sur Internet, sur les lieux de vente et dans les médias, n'a pas été retirée.

En revanche, les réactions la dénonçant ont fusé de toutes parts. Dans une lettre adressée au vice-président au marketing de Molson Canada, le président du Conseil d'éthique de l'industrie québécoise des boissons alcooliques, Claude Béland, a souligné «le nombre élevé de plaintes» contre l'entreprise, «qui est accusée de sexisme, d'exploitation du corps des femmes et de mépris». «Après avoir analysé les plaintes et en avoir sérieusement débattu, les membres du conseil ont été unanimes à considérer que votre promotion est profondément sexiste et méprisante pour les femmes. Elle n'est nullement compatible avec les normes d'éthique que devraient suivre les entreprises qui font la promotion de l'alcool», pouvait-on lire. Or trois grands brasseurs, dont Molson, ont refusé d'adhérer volontairement au code d'éthique que s'est donné cette industrie, arguant qu'ils avaient leur propre code.

«C'est dégueulasse», a affirmé Estelle Lebel, directrice de la revue Recherches féministes et membre du Groupe de recherche multidisciplinaire féministe (GREMF). «C'est du niveau des calendriers de garage. On dirait qu'on avance d'un pas et qu'on recule de deux. [...] C'est exactement la définition de la femme objet», a-t-elle ajouté.

Des normes, mais pas de lois

Pour dénoncer des publicités de ce type, les organismes ou particuliers peuvent notamment s'adresser au Conseil d'éthique de l'industrie québécoise des boissons alcooliques, qui n'a toutefois pas force de loi. Dans son premier rapport annuel rendu public en mars dernier, le Conseil a fait état de 176 plaintes, dont 56, soit près du tiers, concernaient la brasserie Molson Coors.

Aux Normes canadiennes de la publicité, on explique que c'est l'autorégulation qui prime. Une plainte peut néanmoins y être déposée et si, après étude, on juge que celle-ci contrevient à l'un des 14 articles du code de l'organisme, elle peut se concrétiser en blâme fait à l'égard de l'entreprise considérée comme fautive. Les plaintes sont confidentielles jusqu'à la publication d'un rapport trimestriel. L'an dernier, sur les 1445 plaintes reçues — soit une hausse de 40 % par rapport à 2006 —, 1069 ont été jugées admissibles. Enfin, seulement 241 plaintes ont été soumises aux conseils des normes national et régionaux et 193 plaintes portant sur 56 publicités de produits ont finalement été retenues.

«Il n'y a pas de recours; on considère que c'est le publicitaire qui s'autocensure. C'est un rapport de force entre les mouvements sociaux et les publicitaires», explique Estelle Lebel. «Généralement, le publicitaire réagit aux plaintes et finit par retirer la publicité parce qu'il ne veut pas de problèmes.» Elle déplore que, devant des compagnies qui «poussent leurs publicités le plus loin possible», il revienne à la population d'assurer le rôle de vigile et de dénoncer les abus. Inondés d'images, les gens perdent leurs repères, a-t-elle estimé. «On devrait obliger les compagnies à adhérer à des codes d'éthique», a-t-elle proposé, plaidant toutefois pour l'éducation plutôt que pour la censure. Elle formule également le souhait de voir davantage de femmes siéger aux comités d'éthique.

Selon la compagnie Molson Coors, le nombre anormalement élevé de plaintes contre elle s'explique par une action concertée du Centre d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) de Rimouski. Dans une entrevue accordée mercredi au Journal de Montréal, la porte-parole de ce géant du houblon, Marieke Tremblay, a fait savoir que la priorité de l'entreprise était de rejoindre son public cible, soit les hommes de 18-34 ans qui, selon des études, ont «parmi leurs cordes sensibles le sport, les voitures, la musique, la fête et les belles filles».

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