Publicité sur le tabac - Québec renonce à confiner les cigarettiers au noir et blanc

Petite victoire des cigarettiers au Québec: les publicités en couleur sur le tabac dans les journaux et les magazines ne seront pas interdites comme l'avait pourtant souhaité le ministère de la Santé du Québec dans un projet de règlement déposé en mars dernier. Pour justifier cette marche arrière, le ministère a dit craindre la manne de poursuites qui aurait pu venir de l'industrie du tabac si la publicité en couleur avait été prohibée.
Déçue de cet «important recul du gouvernement», la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac s'est dit étonnée d'un tel revirement. «On est très surpris que le gouvernement ait aboli cette mesure après les consultations publiques, d'autant que le ministre avait démontré plus qu'un intérêt, mais une volonté ferme de réglementer plus sévèrement la publicité sur le tabac», a soutenu Flory Doucas, directrice du Bureau du Québec des médecins pour un Canada sans fumée.Actuellement, la Loi sur le tabac ne restreint pas l'usage de la couleur ni celui de la taille de la publicité dans une publication imprimée. Par l'adoption du projet de loi 112, le ministère de la Santé, alors dirigé par Philippe Couillard, visait à protéger le public contre la fumée secondaire dans tous les lieux publics et à restreindre davantage la promotion du tabac. Mais le recul sur la question de la couleur sème le doute sur ses intentions.
«Il est évident qu'on ne pouvait pas aller au-delà de la loi, mais on pouvait au moins tenter de restreindre le plus possible l'affichage et la publicité en misant sur l'interdiction de la couleur. Malheureusement, c'est l'une des pièces maîtresses du règlement qui vient de tomber», a dit Mme Ducas. Elle dit craindre que le gouvernement cède chaque fois au «chantage de l'industrie».
Flory Doucas s'en prend aussi aux arguments de certains des géants du tabac, qui ont déposé des mémoires pendant la période de consultation publique qui a suivi le dépôt du projet de règlement. Selon elle, ils ne tiennent pas la route. «[Les compagnies de tabac] ont dit qu'une publicité en noir et blanc portait à confusion, sur la marque du produit. Pourtant, en ce moment, il y a des pubs de cigarettes en noir et blanc partout et ça ne semble pas les affecter», a-t-elle souligné. Elle estime qu'il en va de même pour l'affichage du nom et du prix d'un paquet de cigarettes, par exemple, dans un dépanneur, qui n'est actuellement permis qu'en noir et blanc et dont l'industrie du tabac ne semble pas se plaindre.
Pour Sophie Alarie, porte-parole d'Imperial Tobacco, la couleur joue un rôle important pour rejoindre les consommateurs. «On est déjà excessivement réglementés. D'un produit à l'autre, les produits se ressemblent drôlement, alors il faut pouvoir faire la distinction et c'est la couleur qui nous permet de le faire», a-t-elle noté.
Des points positifs
Néanmoins, le règlement adopté hier prévoit d'autres dispositions, encadrant de façon «plus serrée» la publicité des produits du tabac, qui satisfont les organismes de lutte contre le tabac. Désormais, au Québec, ne seront autorisées que les publicités qui n'occupent notamment pas plus d'un quart de page, d'une superficie maximale de 400 cm2 et possédant une hauteur et une largeur suffisantes pour recevoir la mise en garde portant sur les effets nocifs du tabac sur la santé prévue par le règlement du ministre de la Santé. Un règlement portant essentiellement sur la mise en garde sera d'ailleurs adopté dans le courant de la semaine prochaine.
«C'est un pas dans la bonne direction», a reconnu Flory Doucas. Le règlement prévoit également interdire la vente d'un produit du tabac autrement que dans un emballage contenant au moins dix portions unitaires de ce produit, sauf pour des produits comme le cigare, a-t-on précisé au ministère. Une mesure qui aura un effet positif car elle réduira l'attrait, entre autres, pour les cigarillos, très populaires auprès des jeunes, a indiqué Mme Doucas. Elle continue de plaider pour une abolition totale de la publicité sur le tabac. Même s'il reconnaît que ce n'est pas demain la veille qu'une telle interdiction verra le jour, le ministère de la Santé ouvre néanmoins la porte à une réévaluation de la loi et à l'ajout de modifications en 2010.