L'Église anglicane est menacée de schisme
L'Église anglicane au bord de l'implosion? Après le vote en faveur de l'ordination des femmes évêques, dans la nuit de lundi à hier, par une grande majorité des 468 membres du Synode général, le «gouvernement» de l'Église anglicane, la menace d'un schisme, longtemps évoqué, entre les factions libérale et conservatrice n'a jamais été aussi tangible.
La polémique a immédiatement éclaté en Grande-Bretagne. Quelques jours avant le vote, plus de 1300 prêtres anglicans, parmi lesquels de nombreux évêques, avaient préalablement écrit au chef de l'Église anglicane, Rowan Williams, l'archevêque de Canterbury, et à l'archevêque de York, George Sentamu, pour leur annoncer qu'ils quitteraient l'Église anglicane, vraisemblablement pour rejoindre les rangs de l'Église catholique, si l'ordination des femmes évêques était confirmée.Mais la crise promet d'être encore plus virulente à l'étranger, où les factions libérale et conservatrice s'opposent de façon croissante au fil des ans. Si l'Angleterre, mère patrie de l'anglicanisme, demeure le principal pays anglican, avec 26 millions de baptisés, la majorité de ses 77 millions de membres se trouve à l'étranger. Trente-sept millions d'entre eux sont aujourd'hui des Africains placés sous l'autorité d'évêques particulièrement traditionalistes, tels que Peter Akinola au Nigeria et Henry Luke Orombi en Ouganda. À l'ultraconservatisme des évêques africains s'oppose la dynamique minorité d'épiscopaliens américains, au nombre de 2,3 millions, beaucoup plus tolérants et progressistes.
Cette opposition entre deux visions de l'anglicanisme de plus en plus inconciliables avait connu un premier pic de crise en 2003, avec l'ordination de l'Américain Gene Robinson, le premier prêtre ouvertement homosexuel à avoir été consacré évêque. L'officialisation, lors d'une cérémonie civile en juin, de son union avec son compagnon a donné lieu à de nombreuses critiques dans le camp conservateur, tandis qu'un autre «mariage» officieux entre deux prêtres anglicans homosexuels, le même mois à Londres, n'a pas manqué d'être interprété comme une nouvelle preuve de la dégénérescence de l'Église d'Angleterre.
Le mois dernier, 300 évêques traditionalistes, réunis à Jérusalem à l'occasion d'une conférence sur l'avenir de l'Église anglicane, organisée sans l'approbation de l'Église mère, avaient déjà officiellement pris leur distance en refusant d'accepter que «l'identité anglicane passe nécessairement par la reconnaissance de l'archevêque de Canterbury». Ils rompaient ainsi avec une tradition qui remonte à la création de l'Église d'Angleterre au XVIIe siècle.
Angoisse
Dans ce contexte, on peut imaginer l'angoisse de l'archevêque de Canterbury, qui s'apprête à accueillir à Londres, le 16 juillet, plus de 800 évêques venus du monde entier pour assister à la Conférence de Lambeth. Loin de célébrer l'union anglicane par-delà les frontières, comme il est censé le faire, ce rassemblement, qui a lieu tous les dix ans et constitue l'événement le plus important du calendrier anglican, pourrait marquer la rupture définitive d'une Église au bord de la crise de nerfs.
Le risque d'une fracture au sein de l'Église anglicane a été encore aggravé par le refus du Synode de toute concession. La majorité des votants s'est ainsi opposée à la création de «super évêques», des prélats itinérants sous l'autorité desquels les paroisses opposées aux femmes évêques auraient pu se placer. Cette proposition avait pourtant reçu le soutien des deux leaders de l'Église anglicane pour tenter de calmer le jeu devant les traditionalistes. En vain.
Hier, le Vatican a regretté amèrement le vote sur l'ordination des femmes évêques, soulignant que celle-ci constituera «un nouvel obstacle à la réconciliation» entre les deux Églises.