American Apparel verse dans la délinquance

Depuis quelques mois, la multinationale californienne American Apparel se place dans l'illégalité au Québec en gardant régulièrement les portes de ses magasins ouvertes au-delà des heures prescrites par la loi. Et malgré la pluie de contraventions qui commence à tomber sur l'entreprise, le célèbre marchand de shorts extracourts et de chandails moulants n'aurait pas l'intention de changer son fusil d'épaule et demande même au gouvernement de revoir sa législation pour offrir plus de liberté aux commerçants.
Un tailleur se rebelle: American Apparel, célèbre chaîne de vêtements, propriété du montréalais Dov Charney, a décidé de défier le gouvernement du Québec en refusant de respecter la loi provinciale sur les heures d'ouverture des commerces. En effet, plusieurs des magasins de ce jeune empire californien de l'habillement restent désormais ouverts au-delà des heures permises par la loi. Et la situation n'est pas près de changer à en croire l'entreprise qui, tout en composant désormais avec une série de poursuites, appelle Québec à plus de flexibilité envers le commerce de détail.«Quand il y a des clients dans le magasin, nous ne pouvons pas les mettre dehors et fermer nos portes, a indiqué hier au Devoir Ronite Sasson, vice-présidente de la section canadienne d'American Apparel. Dans des rues comme Saint-Laurent ou Saint-Denis [au centre-ville de Montréal], les gens trouvent ça agréable de magasiner après être allés au restaurant. Et c'est pour cela que nous ouvrons plus longtemps, de temps en temps.»
Dans les faits, ces libertés d'horaires seraient plus que sporadiques. La majorité des magasins que la chaîne a ouverts dans les dernières années à Montréal affichent en permanence des heures d'ouverture qui sortent largement du cadre légal. Ce cadre cantonne en effet les activités commerciales dans le domaine de la vente au détail, à l'exception des épiceries et des pharmacies, entre 8h et 21h du lundi au vendredi et entre 8h et 17h le samedi et le dimanche.
Or, boulevard Saint-Laurent ou encore rue Saint-Denis, avenue du Mont-Royal et rue Sainte-Catherine, les succursales d'American Apparel n'éteignent pas leurs lumières avant 22h ou 23h les jeudis, vendredis et samedis ou encore avant 19h ou 20h le dimanche, et ce, en totale infraction avec la Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux.
«Nous payons parfois des amendes», explique sans plus de détails Mme Sasson qui estime toutefois que le jeu en vaut la chandelle puisqu'au bout du compte, «ça donne un bon chiffre d'affaires», dit-elle. Chaque infraction relevée par les fonctionnaires provinciaux entraîne généralement une amende de 1500 $ la première fois et 3000 $ environ pour chaque récidive.
Tout en confirmant qu'American Apparel fait bel et bien face depuis quelques mois à «plusieurs constats d'infraction», le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation a refusé hier de commenter ces dossiers qui se retrouvent désormais «entre les mains de la justice», a indiqué Lucette Bouchard, une de ses porte-parole.
Le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) a qualifié pour sa part de «geste isolé» le non-respect de la loi sur les heures d'ouverture par la multinationale californienne. «Ça ne fait pas partie d'un mouvement de désobéissance plus large», a indiqué Céline Ducharme du Conseil tout en rappelant que cette association professionnelle incite tous ses membres à «respecter la loi». «Mais nous n'avons pas de contrôle sur la direction des entreprises [membres du CQCD]», a-t-elle ajouté.
Figure montante dans le domaine de l'habillement, American Apparel qui s'adresse à une clientèle jeune, urbaine et féminine, a bâti sa réputation dans les dernières années en jouant principalement la carte du non-conformisme. L'an dernier, la chaîne, désormais implantée dans 18 pays et qui se targue de produire ses vêtements au «centre-ville de Los Angeles», a enregistré des ventes de 390 millions de dollars, en hausse de 36 % par rapport à l'année précédente.