Sexisme et surconsommation d'alcool: les brasseurs au banc des accusés

La bière coule et les reproches s'accumulent. L'an dernier, les pratiques commerciales des grandes brasseries du Québec se sont retrouvées au coeur de la moitié des plaintes adressées par des consommateurs au Conseil d'éthique de l'industrie québécoise des boissons alcooliques. Or les géants de la bulle houblonnée ne veulent pas en entendre parler, refusant même d'adhérer volontairement au code d'éthique que s'est donné cette industrie, a déploré le Conseil au moment de dévoiler son premier rapport annuel lors d'une conférence de presse tenue hier à Montréal.

«Nous trouvons ça dommage mais nous ne pouvons rien faire», a indiqué hier Claude Béland, ex-«M. Desjardins» et président de ce conseil d'éthique qui a vu le jour à l'été 2006. «Les grandes brasseries nous disent qu'elles ont leur propre code d'éthique. C'est vrai. Mais celui-ci ne cadre pas avec le nôtre, et c'est dommage.»

Au terme de sa première année d'activité, cet organisme auquel l'Association des distillateurs du Québec, la Société des alcools du Québec (SAQ) ou encore l'Association des restaurateurs du Québec ont volontairement adhéré a reçu 176 plaintes portant sur les activités promotionnelles et les publicités des marchands et des fabricants d'alcool au Québec. Le caractère sexiste des messages et le mépris exprimé envers les femmes a motivé ces plaintes. Sans oublier l'incitation à une surconsommation d'alcool.

La brasserie Molson Coors arrive en tête des entreprises dénoncées par les consommateurs avec 56 plaintes. Suit Labatt avec sa célèbre Bleue et sa Bud Light pour un total de 20 plaintes. La SAQ ainsi qu'une série de bars de la province ont également été montrés du doigt par des consommateurs en colère en raison de campagnes incitant, selon eux, à la consommation irresponsable d'alcool.

Tout en indiquant ne pas vouloir «mettre les brasseurs au banc des accusés», le Conseil d'éthique a toutefois souligné que tous ces fabricants de bière ont refusé de rencontrer ses membres pour «discuter des arguments de ventes» mis à profit afin de promouvoir leurs boissons. «Naïvement, je pense toutefois qu'il n'est pas encore temps de baisser les bras», a dit Jacques Boucher, professeur de droit à la retraite et membre du Conseil d'éthique. «C'est dans l'intérêt de ces brasseurs d'arrêter de jouer avec ces cordes.»

Placée sur la défensive par la publication de ce rapport, la Brasserie Molson, qui ne s'est pas dite étonnée d'être l'objet d'autant de plaintes, a toutefois réitéré son intention de ne pas adhérer aux normes défendues par le Conseil d'éthique de l'industrie québécoise des boissons alcooliques. «Comme industrie, nous sommes déjà gouvernés par un ensemble de lois, de codes et de normes, a indiqué Marie-Hélène Lagacé, porte-parole du géant de la bière. Nos pratiques commerciales se font dans le cadre posé par la Régie des alcools, nos publicités respectent les normes canadiennes de la publicité et l'ensemble de nos activités se font dans le respect du code d'éthique de l'Association des brasseurs du Québec. Nous n'avons besoin de rien de plus.»

Dans le même esprit que le Conseil de presse du Québec, le Conseil d'éthique a été créé à l'initiative d'Éduc'Alcool afin de baliser les pratiques de cette industrie en matière de communication commerciale, de marketing et de promotion des produits alcoolisés. Principalement axé sur la sensibilisation de ses membres, cet organisme peut aussi émettre à l'occasion des blâmes publics en cas de contraventions répétées au code de conduite qu'il tente d'imposer.

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